Une pétition pour la panthéonisation de Joséphine Baker, diva aux 1 000 visages
Animée par un idéal de bien, de justice et de fraternité, Joséphine Baker et son quatrième mari, Jo Bouillon, chef d’orchestre, ont adopté 12 enfants, tous d’origines différentes
Chanteuse, danseuse, actrice, meneuse de revue, muse des cubistes, militante des droits civiques aux côtés de Martin Luther King et résistante, Joséphine Baker a mené de multiples vies en une. Première star internationale noire, elle a marqué de façon considérable son époque.
Depuis le mois dernier, la campagne « Osez Joséphine » demande son entrée au Panthéon – une idée déjà suggérée par l’écrivain Régis Debray il y a quelques années. La pétition a récolté plus de 37 000 signatures et a notamment été signée par Pascal Ory de l’Académie française, Jack Lang, ancien ministre de la Culture, Stephane Bern, Nicoletta, Line Renaud, Julie Andrieu ou encore Laurent Voulzy.
Née Freda Josephine McDonald le 3 juin 1906 dans la misère de l’Amérique ségrégationniste, à Saint-Louis, dans le Missouri, elle est devenue Française en 1937, après son mariage avec Jean Lion, son troisième mari. Français juif parisien, l’homme a été administrateur de société, et a été décoré comme sa femme de la Légion d’honneur et de la Croix de Guerre 1939-1945. Les époux ont divorcé le 2 avril 1941.
Dans le cadre de ce mariage, elle s’est convertie au judaïsme – mais, de pure forme, sa conversion n’a pas duré et elle n’a jamais abandonné sa foi chrétienne, pratiquée avec assiduité.
Animée par un idéal de bien, de justice et de fraternité, Joséphine Baker et son quatrième mari, Jo Bouillon, chef d’orchestre, ont adopté douze enfants, tous d’origines différentes, avec lesquels ils ont vécu dans le château des Milandes, à Castelnaud, en Dordogne, qu’elle a racheté et baptisé « village du monde, capitale de la fraternité ». Dans cette « tribu arc-en-ciel » : Akio, de Corée, Janot, du Japon, Jari, de Finlande, Marianne et Brahim, d’Afrique du Nord, Jean-Claude, Noël et Moïse, des Français, Koffi, de Côte-d’Ivoire, Luis, de Colombie, Mara, Indienne du Vénézuela, et Stellina, du Maroc.
En décembre 1954, Joséphine Baker a demandé à Moshe Shapira, ministre du culte en Israël, de pouvoir adopter un enfant juif, afin d’accroître la diversité au sein de sa famille. Mais le responsable a refusé, arguant que la priorité était de peupler son jeune pays. Ainsi, elle a à la place adopté Moïse, Parisien qu’elle a fait convertir au judaïsme.
En 1961, l’émission « Cinq colonnes à la une », aujourd’hui proposée par l’INA, avait consacré un numéro à la célébration de Noël chez Joséphine Baker et ses enfants – ils étaient alors onze.
Brian Bouillon-Baker, qui a signé la pétition, adopté par le couple en 1956, se souvient auprès du journal La Montagne : « L’ambiance colonie de vacances et maman, version mamma italienne, c’était super mais j’ai particulièrement aimé cette fois où comme j’étais grippé, elle a été tout entière à moi… »
Selon lui, la société d’aujourd’hui, fracturée par « le communautarisme, l’antisémitisme, le racisme, la violence, l’aurait sans doute déçue ». Mais, dit-il, « comme elle l’a toujours fait, Joséphine aurait retroussé les manches » pour combattre ces fléaux.
Ruinée en raison de sa générosité, le château des Milandes a dû être vendu, et Joséphine Baker en a été expulsée en 1969, après un siège de plusieurs mois. Elle est décédée d’une attaque cérébrale en 1975 à Paris.
Depuis, son château a été ouvert au public, et une visite sur les traces de la star du music-hall est proposée.