Vaincre l’AfD en lui coupant les vivres : le débat est lancé en Allemagne
Des manifestations géantes contre l'AfD, accusé d'être un danger pour la démocratie, se tiennent dans tout le pays depuis plusieurs jours

Priver le parti d’extrême droite AfD de financement public ? Cette perspective, soutenue par certains députés, s’est trouvée confortée mardi par la décision des juges constitutionnels de couper les fonds à un petit parti néonazi.
Le parti NPD, rebaptisé l’an passé « Die Heimat » (La Patrie), « continue à viser, au mépris de la dignité humaine et du principe démocratique de la Loi fondamentale, à un remplacement de l’ordre constitutionnel existant par un ‘Etat national’ autoritaire », a estimé la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, justifiant ainsi la suspension pour six ans de tout financement public pour cette formation.
Le verdict, inédit, a immédiatement été salué par la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser.
La Cour « envoie un signal clair : notre État démocratique ne finance pas les ennemis de la Constitution », a-t-elle dit dans un communiqué.
La décision intervient à un moment qui montre, « de nouveau que l’extrémisme de droite est la plus grande menace pour notre démocratie (…) » a-t-elle ajouté.
La révélation récente d’un rassemblement d’identitaires ultra à Potsdam où plusieurs membres de l’AfD, dont un proche de sa co-présidente Alice Weidel, ont discuté de l’expulsion massive de personnes d’origine étrangère a provoqué un électrochoc en Allemagne, toujours hantée par son passé nazi.

Des manifestations géantes contre l’AfD, accusé d’être un danger pour la démocratie, se tiennent dans tout le pays depuis plusieurs jours.
Une alternative à l’interdiction ?
Des voix se sont élevées pour réclamer l’interdiction de l’AfD, parti en plein essor même s’il a perdu deux points, à 20 %, dans un sondage de Forsa publié mardi pour les télévisions RTL et n-tv.
Il reste toutefois en deuxième position, derrière les conservateurs (31%) et loin devant les parti de la coalition d’Olaf Scholz.
Une procédure d’interdiction, longue et très complexe, pourrait, en cas d’échec, provoquer l’effet contraire à celui recherché, à savoir renforcer l’AfD.
Un requête auprès de la Cour visant à interdire le NPD avait d’ailleurs échoué à deux reprises.
L’option de couper provisoirement les fonds publics à l’AfD a été ainsi évoquée par certains députés sociaux démocrates, écologistes ou conservateurs comme une alternative à une interdiction.
Tout parti en Allemagne qui obtient au moins 0,5% aux élections nationales ou européennes, ou 1 % aux élections régionales reçoit de l’argent public. A ce titre, l’AfD a pu prétendre à 10,5 millions d’euros en 2022.
« Ce jugement qui fera jurisprudence nous sera utile dans notre confrontation avec le danger de l’extrême droite d’aujourd’hui », a déclaré la co-cheffe du SPD Saskia Esken citée par le groupe de journaux Funke.

« Hautement problématique »
Mais une telle procédure prendrait elle aussi du temps, car il faudrait d’abord prouver que l’AfD poursuit des visées contre l’ordre démocratique.
La requête du Bundestag, du Bundesrat et du gouvernement concernant la suppression des subventions et des avantages accordés au NPD remonte d’ailleurs à 2019.
Pour le moment, l’AfD n’est que partiellement dans le collimateur des services de renseignements. Ces branches régionales de Thuringe et Saxe-Anhalt, dans l’ex-RDA communiste, ont été placées sous surveillance policière.
En outre, l’option serait « hautement problématique » pour la culture démocratique allemande, a jugé auprès de l’AFP Wolfgang Kubicki le vice-président du Bundestag, membre du parti libéral allié au gouvernement.
« Si nous donnons l’impression que le concurrent politique peut décider des chances et des possibilités de participation d’un autre parti, nous détruisons les bases de notre cohabitation démocratique », a-t-il déclaré, invitant les partis établis plutôt à lutter contre l’AfD avec « leurs idées politiques ».
L’AfD a profité ces derniers mois de l’insécurité de la population résultant d’un nouvel afflux de migrants dans le pays et des querelles permanentes entre les trois partis de la coalition gouvernementale, sur fond de récession économique et d’inflation élevée.
Le parti arrive actuellement en tête avec plus de 30 % dans les trois Länder de Thuringe, Saxe et Brandebourg, ses bastions de l’est de l’Allemagne où se tiennent en septembre des élections régionales.