Au premier Shabbat après la tuerie, avec les Juifs de Pittsburgh
Sous un grand chapiteau, une coalition de diverses organisations juives a parrainé un repas pour offrir à la communauté un lieu nécessaire, à l'écart de la tragédie

PITTSBURGH — Vendredi soir, une semaine après la pire tuerie antisémite de l’histoire américaine, plus de 300 fidèles de la synagogue Tree of Life, où un tireur a fait 11 morts il y a une semaine à Pittsburgh, se sont réunis pour un Shabbat chargé d’émotion.
Selon la presse locale, l’office s’est déroulé à la synagogue Rodef Shalom, où des cérémonies d’obsèques de plusieurs victimes ont eu lieu cette semaine, à environ un kilomètre de celle du Tree of Life.
« Je n’ai plus rien à donner, mon réservoir est vide », a expliqué le rabbin Jeffrey Myers, qui était présent dans la synagogue lors de la fusillade.
Après le dernier enterrement vendredi soir d’une des victimes de Robert Bowers – Rose Mallinger, 97 ans – Jeffrey Myers s’est assis et a « pleuré comme un bébé », a-t-il dit à CNN.
« C’étaient les dernières funérailles, et à chaque fois que j’en célèbre, que je chante la prière commémorative, une partie de mon âme s’en va ».
Interrogé sur le message qu’il avait transmis lors de la cérémonie vendredi, il a répondu : « Je ne pense pas que Dieu laisse ces choses-là arriver. Les humains ont un libre arbitre. Cette personne a fait un choix ».
Un de ses fidèles, Kris Kepler, a décrit au journal local Pittsburgh Post-Gazette l’importance de ce Shabbat, le premier depuis la fusillade.
Pour la communauté juive de Pittsburgh ces derniers jours « n’ont été qu’obsèques, tristesse, douleur et angoisse… Cela fait vraiment du bien d’être réuni avec ma faille du Tree of Life ».
Le tireur, Robert Bowers, a été arrêté sur les lieux du crime et inculpé. Il a plaidé non coupable et encourt la peine de mort.
Selon les autorités, il a fait irruption dans la synagogue Tree of Life en plein office du Shabbat, armé de trois pistolets et d’un fusil d’assaut semi-automatique.
« C’est une horreur », a poursuivi le rabbin Jeffrey Myers, qui a confirmé sa volonté de se réapproprier sa synagogue.
« Nous sommes prêts à faire tout le travail nécessaire. Il faut refaire ce sanctuaire, nous allons le reconstruire ».
« Nous allons y retourner ».
Et pour pouvoir aller à nouveau de l’avant, suite à ce crime de haine antisémite qui a eu lieu le 27 octobre, une foule diverse de Juifs et de non-Juifs a participé à un repas intitulé « Shabbat, plus forts ensemble ».
Dans l’assistance, des personnes de toutes les générations, de toutes les convictions politiques et de toutes les professions – allant d’étudiants juifs âgés d’une d’une vingtaine d’années aux élus locaux, avec notamment le directeur du président du comté d’Allegheny Rich Fitzgerald et le maire de Pittsburgh Bill Peduto.
Présent aussi dans la ville pour partager le deuil des membres de la communauté de Pittsburgh, le chef de l’Agence juive pour Israël, Isaac Herzog, qui a serré les mains, visiblement ému et compatissant, et le consul israélien de New York, l’ancien chef d’implantation Dani Dayan, venu en compagnie d’Ofir, sa fille.
Le repas s’est déroulé sous un chapiteau imposant érigé sur un parking municipal au centre du shtetl urbain de Squirrel Hill. Il était parrainé par une coalition communautaire diverse, formée de l’ADL et du groupe OneTable, ainsi que par les organisations iVolunteer Shabbat, Friendship Circle, la fédération juive du grand Pittsburgh, Shalom Pittsburgh, Repair the World, et Moishe House.

D’autres initiatives similaires ont eu lieu dans des communautés juives et dans des habitations privées de tout le pays, a indiqué Freed. A Pittsburgh, toutefois, la douleur était plus personnelle, certains, parmi les convives, venant d’enterrer des amis – et même des proches – dans la semaine.
Ce repas a servi de parenthèse nécessaire dans le temps, à l’écart de la tragédie. L’atmosphère, pendant le dîner, a été légère et pleine d’espoir.
Pour certains, c’était la toute première célébration du Shabbat. Pour un grand nombre de personnes présentes, la soirée a été l’occasion de découvrir comment d’autres courants juifs réinventaient la tradition. Le rabbin Habad Mordy Rudolph a chanté la chanson du Shabbat, « Shalom Aleichem », et prononcé le kiddouch, la bénédiction du vin, tandis que Sara Fatell, de l’organisation juive laïque OneTable, a évoqué la signification des bougies du Shabbat.
Herzog, petit-fils du premier grand-rabbin d’Israël, a été appelé à la fin du repas à présider la bénédiction finale.

Après la tragique profanation des prières du Shabbat de la semaine dernière, « l’objectif a été de donner un espace pour que les gens se rassemblent et se réapproprient cette fête », a commenté Fatell.
« Nous avons tenté de nous assurer que le repas représenterait toutes les pratiques religieuses, avec toutes ces personnes différentes venues d’organisations différentes », a-t-elle continué.
L’idée, ont confié les organisateurs au Times of Israel, a été de fournir un espace sûr pour afficher un esprit de solidarité et panser les blessures.
Michaele Freed, directrice-associée du mouvement national des jeunes à l’ADL, a indiqué que son organisation avait voulu « garantir qu’un espace serait trouvé pour que les gens se rassemblent et puissent se reprendre face à la haine et à la tragédie ».
S’exprimant auprès du Times of Israel, David Chudnow, le manager du centre des bénévoles de la fédération juive du grand Pittsburgh a indiqué comment à l’origine, il avait espéré réunir peut-être 30, voire 50 participants. Son programme, I-Volunteer, résulte d’une collaboration avec le Friendship Circle, lié au mouvement Habad, un centre qui construit des communautés inclusives pour les jeunes adultes entre 18 et 45 ans.
Après la fusillade, néanmoins, son dîner de Shabbat tel qu’il était prévu dans le bâtiment du Friendship Circle est rapidement devenu une opportunité de croissance communautaire, l’ADL ayant aussi décidé d’initier un dîner collaboratif.

L’ADL a recruté OneTable, une organisation qui promeut l’idée d’un dîner de Shabbat en tant qu’espace d’engagement juif plus laïc.
L’événement de Chudnow s’est avéré être le point d’ancrage parfait alors que cette coalition s’est encore élargie pour comprendre le groupe LGBTQ Keshet, le groupe de militantisme d’inclusion raciale BeChol Lashon ainsi que les organisations Shalom Pittsburgh, Moishe House et Repair the World.
Danielle Gach, directrice du développement au sein de Repair the World, a expliqué que son organisation se consacrait à faire du service communautaire « un élément déterminant de la vie juive ». Le groupe veut être « hyper local » et développer de profondes relations au sein de la communauté. Ce que ce repas a parfaitement réussi à faire, selon Gach.
Vendredi soir, sous le chapiteau, il y a tout d’abord eu de nombreuses conversations entre gens qui, s’ils pouvaient être voisins, ne se connaissaient pas. Maintenant, en ayant rompu côte à côte la challah, ils seront peut-être devenus des amis.
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