Barak fustige Netanyahu, se plaint d’un « fascisme naissant » en Israël
L'ex Premier ministre accuse le Premier ministre d'avoir menti sur son désir d'un Etat palestinien, et de dévaloriser la Shoah en "hitlérisant" toutes les menaces
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
L’ancien Premier ministre Ehud Barak a fustigé jeudi soir le gouvernement actuel d’Israël, en affirmant qu’il conduisait le pays sur la voie de devenir un « Etat d’apartheid », et devrait être renversé s’il ne parvenait pas à se remettre sur les rails.
« Je demande au gouvernement de reprendre ses esprits, pour revenir immédiatement sur les rails », a déclaré Barak.
« S’il ne le fait pas, il incombera à nous tous – oui, à nous tous – de nous lever de nos sièges, les confortables et les moins confortables, et de le faire tomber par la protestation populaire et par le bulletin de vote avant qu’il ne soit trop tard. »
Qualifiant de « faible, mou et bruyant » le gouvernement de Netanyahu, Barak a lancé critique après critique envers le dirigeant israélien et ses ministres dans un discours cinglant à la Conférence de Herzliya, les accusant de fonctionner sur la base d’un « agenda occulte » pour rendre impossible une solution à 2 Etats.
על הממשלה להתעשת, אם לא תעשה כן יהיה על כולנו לקום ממקומות מושבינו הנוחים והפחות נוחים ולהפילה, דרך מחאה עממית… https://t.co/hTSGlYGpkc
— אהוד ברק (@barak_ehud) June 17, 2016
« Réaliser [cet agenda] va inévitablement – et c’est un mot-clé dans cette discussion : inévitablement – nous amener à un Etat unique, qui sera un Etat d’apartheid », a déclaré Barak. « Ou bien cela sera un Etat binational avec une minorité juive dans une génération ou deux – ce qui aura une forte probabilité de générer une guerre civile interminable. »
Il a également dit qu’Israël ne faisait face à « des menaces existentielles» de la part d’ennemis régionaux, et a accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu de grossir les menaces des organisations terroristes et des autres ennemis en les comparant tous à l’Allemagne nazie. « L’hitlerisation de la part du Premier ministre dévalorise la Shoah», a-t-il ajouté. «Notre situation est grave, même sans [comparaison avec] Hitler. »
Netanyahu a rejeté les critiques, accusant Barak de l’attaquer « une fois par mois » dans le but de « rester pertinent. »
Barak, qui a jadis servi comme ministre de la Défense sous Netanyahu jusqu’en 2013 date à laquelle quand il a quitté la vie politique, fait écho au discours prononcé plus tôt dans la journée par un autre ancien ministre de la Défense, Moshe Yaalon, en affirmant que le gouvernement israélien et le Likud avaient été pris d’assaut par un « noyau fanatique ayant une idéologie extrémiste » qui attaque librement la Cour suprême, la liberté d’expression et d’autres principes de la démocratie.
« Seule une personne aveugle ou un mouton, un ignare ou quelqu’un de blasé, ne peut pas voir l’érosion de la démocratie et le ‘fascisme naissant’ « , a dit Barak, sous les applaudissements fournis du public.
Faisant référence aux propos controversés prononcés le mois dernier par le chef d’état-major adjoint de Tsahal en Yair Golan, qui apparemment avait établi des parallèles entre Israël et l’Allemagne nazie, Barak a précisé qu’il ne comparaît pas Israël au fascisme européen d’il « y a 90 ans, 70 ans. »
« Mais si cela ressemble à du fascisme naissant, marche comme du fascisme naissant et cancane comme du fascisme naissant, alors c’est la situation », a-t-il dit, sous une autre salve d’applaudissements.
«L’agenda occulte»
Après la fin de son mandat en tant que ministre de la Défense en 2013 lorsque les élections ont été provoquées par Netanyahu, Barak avait dit, qu’il « pensait, naïvement, que c’était un gouvernement qui ne savait pas où il allait, mais beaucoup de mes meilleurs amis dans le monde suspectent que l’administration de Netanyahu sait très bien ce qu’elle veut. Il y a un plan secret », avait accusé Barak.
« Quel est ce programme ? » a-t-il demandé rhétoriquement, avant de se lancer dans une longue réponse.
« Un, Israël prévoit de continuer à contrôler la zone qui a été conquise, libérée en 1967 pour toujours. Deux, Israël n’est pas intéressé par la solution à 2 Etats, et ne veut pas d’un Etat palestinien à côté de lui. Trois, Israël attend que le monde s’adapte et accepte cette réalité, et espère que des événements difficiles – comme les attaques terroristes en Europe, la situation en Syrie, etc – vont détourner son attention [de la situation ici], » a dit Barak.
« Quatre, Israël acceptera une autonomie avec des droits limités pour les Palestiniens, mais pas un Etat. Cinq, Israël va continuer à construire consciencieusement dans les implantations et au-delà afin de créer progressivement des faits irréversibles sur le terrain », a-t-il ajouté.
Pour contrer ces actions presumées, l’ancien Premier ministre a appelé à renouer les liens avec l’Autorité palestinienne, laquelle selon lui est la seule chose qui empêche le Hamas, l’État islamique et d’autres organisations terroristes dangereuses d’être présents en Cisjordanie. Netanyahu, selon lui, amène en fait « le Hamas et l’Etat islamique aux portes de Jérusalem et de Kfar Saba, » une banlieue de Tel Aviv.
En réaction aux récentes déclarations du Premier ministre et du ministre de la Défense acceptant la possibilité d’un accord de paix avec les Palestiniens, Barak a qualifié Netanyahu de malhonnête – et de façon ehontée.
« Dans les capitales du monde entier – à Londres et à Washington, à Berlin et à Paris, à Moscou et à Pékin – aucun dirigeant ne croit un seul mot qui sort de la bouche de Netanyahu ou de son gouvernement, » a-t-il affirmé.
Poursuivant, il a encouragé Israël à revoir sérieusement l’initiative de paix arabe, dont il a dit qu’elle n’était « pas idéale », mais une « base pour les négociations. »
Israël, a ajouté Barak, s’approche rapidement d’une bifurcation, entre le chemin qui mène à une guerre avec les Palestiniens, et l’autre menant à un Etat d’apartheid.
« Nous sommes au début du chemin, dont l’extrémité inévitable est similaire à Belfast et à la Bosnie ou à Johannesburg de jadis, et même aux trois ensemble, » a-t-il dit.
Cette situation conduirait à une rupture entre Israël et d’autres pays à travers le monde, ainsi qu’à la détérioration de la relation entre Israël et les communautés juives d’Amérique.
« Ils n’accepteront un Etat unique si – et seulement si – c’est une Etat judéo-arabe de tous ses citoyens, fonctionnant sur le principe de « une personne, une voix » – et qui d’entre nous le veut ? » a-t-il demandé.
Où allons-nous à partir d’ici?
Mis à part la question des Palestiniens, Barak a blâmé le gouvernement pour ne pas planifier l’avenir et pour pas gérer les problèmes que connaît actuellement Israël.
Ces questions incluent « le coût de la vie, le coût du logement, l’affaiblissement de la classe moyenne, l’injustice dans l’écart profond des salaires, » a-t-il, négligeant de mentionner son impressionnante richesse personnelle.
Israël, a affirmé Barak, fait généralement bien les choses.
« Allez dans la périphérie, dans les unités de l’armée israélienne, les universités et vous trouverez un Israël plus patriotique, celui qui est plus fier, optimiste et confiant que ce que les médias voudraient que vous pensiez, » a-t-il dit.
Mais, a ajouté l’ancien Premier ministre, faisant encore une fois écho à Yaalon, « Israël a besoin d’un leadership différent, qui dispose d’une boussole et pas d’une girouette, qui a dans son sac à dos la Déclaration d’indépendance, et non – à Dieu ne plaise – Torat Hamelech« . Il faisait référence à un livre religieux extremiste prisé par des Juifs radicaux.
On ne sait pas si le discours enflammé de Barak présage d’un éventuel retour au bercail politique. Interrogé par le Times of Israel s’il avait l’intention de revenir à la politique, Barak a répondu : « Pour le moment, nous allons nous tenir à ce que j’ai déclaré. »