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Cour suprême: Vogelman prend sa retraite à l’ombre des tensions avec le gouvernement

Le président sortant a déploré les efforts du ministre de la Justice pour affaiblir le système judiciaire dans son discours d'adieu, lui reprochant de refuser de nommer son successeur permanent

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le président sortant de la Cour suprême, Uzi Vogelman, avec le président entrant de la Cour suprême, Isaac Amit, à gauche, et le juge Noam Sohlberg,à droite, lors d'une cérémonie d'adieu pour Vogelman à la Cour suprême à Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Pool)
Le président sortant de la Cour suprême, Uzi Vogelman, avec le président entrant de la Cour suprême, Isaac Amit, à gauche, et le juge Noam Sohlberg,à droite, lors d'une cérémonie d'adieu pour Vogelman à la Cour suprême à Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Pool)

Le président par intérim de la Cour suprême, Uzi Vogelman, a officiellement quitté ses fonctions mardi – après avoir atteint l’âge obligatoire de la retraite, qui est de 70 ans. Il a été a félicité pour sa contribution apportée au système judiciaire israélien et à la jurisprudence en Israël au cours de sa longue carrière, à l’occasion d’une cérémonie qui avait été organisée à la Cour suprême à Jérusalem.

Devant les douze autres magistrats qui siègent au sein de la plus haute instance judiciaire israélienne, Vogelman a souligné dans son discours d’adieu l’importance déterminante de l’indépendance du système de la justice – une indépendance qui, a-t-il souligné, permet de garantir la protection des droits civils, le respect de l’État de droit et la protection de la démocratie en Israël. Il a critiqué les efforts déployés par le gouvernement qui s’efforce d’affaiblir le pouvoir judiciaire depuis son arrivée à la tête du pays.

C’est le magistrat Isaac Amit qui va dorénavant reprendre le flambeau à la tête de la Cour, mais seulement en tant que président par intérim. Un président permanent doit être désigné par les membres de la Commission de sélection judiciaire – et le vote nécessaire pour ce faire pourrait se dérouler au cours du mois de novembre.

Vogelman assure la présidence par intérim depuis octobre dernier – suite au refus persistant du ministre de la Justice, Yariv Levin, de nommer un président permanent. Vogelman, de son côté, ne figurait pas dans la liste des potentiels candidats à ce poste dans la mesure où son départ à la retraite était imminent.

Le mandat de Vogelman, en tant que président en exercice, a été marqué par de graves tensions entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement – Levin en particulier – en raison des efforts livrés par ce dernier pour renforcer le contrôle exercé par le gouvernement sur le système de la justice, un renforcement qu’il désire ardemment depuis son entrée en fonction.

Des tensions qui ont atteint leur paroxysme le mois dernier, lorsque la Cour suprême – en sa qualité de Haute Cour de justice – a ordonné au ministre récalcitrant d’organiser un vote pour élire un nouveau président de la Cour suprême. Depuis, Levin, qui dénonce à voix forte une toute puissance supposée de la Cour, œuvre à entraver encore davantage ce processus de désignation.

Le président sortant de la Cour suprême, Uzi Vogelman, quitte les couloirs de la Cour suprême à Jérusalem après une cérémonie d’adieu, le 1er octobre 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Pool)

La cérémonie traditionnelle de départ du président de la Cour s’est déroulée en présence non seulement des juges en exercice, mais aussi de tous les anciens présidents de la Cour encore en vie, du ministre de la Justice Yariv Levin, de la procureure-générale Gali Baharav-Miara, du procureur général Amit Aisman, de plusieurs anciens magistrats de la Cour suprême et de nombreuses autres personnalités de premier plan du système judiciaire.

Les politiques de Levin ont été critiquées avec virulence par Vogelman dans son allocution – même s’il n’a pas prononcé le nom du ministre – ainsi que par la procureure-générale. Tous les deux ont affirmé que le plan de refonte radicale du système de la justice israélien, ainsi que les actions menées par le gouvernement au cours des derniers mois, cherchaient à saper le système judiciaire, portant gravement atteinte à la démocratie israélienne.

Ils ont notamment fait part, à multiples reprises, de leur réprobation concernant les efforts livrés par Levin pour bloquer la nomination d’Amit, un magistrat libéral, au poste de président permanent de la Cour suprême. Levin voudrait voir un conservateur, le juge Yosef Elron, siéger à la tête du tribunal.

Le ministre, de son côté, est resté impassible et immobile pendant les discours prononcés par les deux responsables, qui ont dénoncé de nombreux aspects du programme dont il a fait la promotion depuis que le portefeuille de la Justice lui a été confié.

« La branche exécutive du gouvernement dans notre système [de gouvernance] dispose d’un pouvoir sans précédent », a affirmé Vogelman, « en raison du contrôle qu’elle exerce sur la Knesset et de l’absence de contre-pouvoirs inhérents aux autres démocraties ». Il a affirmé que « la nécessité d’un contrôle judiciaire efficace » des actions entreprises par le gouvernement était donc déterminante.

Reprochant à Levin de bloquer la nomination d’un président permanent, Vogelman a indiqué qu’il était également d’une importance cruciale de pourvoir les trois sièges désormais vides à la Cour suprême – ce que Levin se refuse également à faire.

« De cette façon, nous pourrons nous assurer que la Cour continuera à remplir sa fonction essentielle en ce qui concerne la défense de l’État de droit et la défense des droits de l’Homme en Israël », a noté Vogelman.

Dans des aspects plus personnels de son discours, Vogelman a évoqué sa carrière longue de quatre décennies et ses vingt-quatre années passées au poste de juge – d’abord à la Cour de district de Tel-Aviv puis à la Cour suprême pendant 16 ans. Sa voix s’est étranglée lorsqu’il a reconnu, laissant déborder son émotion, qu’il allait maintenant raccrocher définitivement sa robe de juge.

La procureure-générale Gali Baharav-Miara et le ministre de la Justice Yariv Levin lors d’une cérémonie d’adieu au président par intérim de la Cour suprême Uzi Vogelman, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Pool)

« Tout au long de ses soixante-seize années d’existence, l’État d’Israël a courageusement fait face à toute une série de défis et il est parvenu à conserver sa résilience en tant que société, et son identité juive et démocratique », a conclu Vogelman, faisant référence aux conflits militaires dans lesquels Israël est actuellement impliqué.

« Je crois de tout mon cœur que cette résilience va se maintenir, même face aux obstacles auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. Hier comme aujourd’hui, le pouvoir judiciaire reste solide et il continuera à maintenir sa stabilité et son indépendance », a-t-il dit.

S’adressant aux juges et aux dignitaires réunis à l’occasion du départ de Vogelman, se tenant à côté de Levin, Baharav-Miara a dénoncé les tentatives, de la part du ministre de la Justice, d’affaiblir le système judiciaire et son refus de nommer un président permanent de la Cour suprême.

Sans faire directement référence au ministre, elle a insisté sur le fait que « la démocratie est fragile », répétant que « les efforts qui visent à démanteler les mécanismes de gouvernance et les moyens mis à notre disposition pour garantir la protection des droits de l’Homme et de l’État de droit » se font toujours ressentir.

Des critiques qui ont fait référence aux initiatives prises par le gouvernement pour contourner son bureau et pour promouvoir ses propres interprétations de la loi – ainsi qu’au blocage de la nomination du nouveau président de la Cour suprême et au refus du ministre de la Justice de pourvoir les sièges actuellement vacants à la Cour suprême. Elle a estimé que ces initiatives s’inscrivaient dans la continuité du plan de refonte radicale du système judiciaire avancé par Levin, ce ministre farouchement déterminé à restreindre les pouvoirs des magistrats – un plan qu’il avait initialement mis en avant au premier semestre 2023.

« Une Cour suprême affaiblie, épuisée par ses postes vacants, aurait pour conséquence une absence totale de contrôle du gouvernement, des atteintes aux droits de l’Homme et le renforcement de phénomènes dangereux », a-t-elle poursuivi, incluant notamment dans sa liste des périls intérieurs qui menacent actuellement le pays l’échec du recrutement des jeunes hommes ultra-orthodoxes au sein de Tsahal et la corruption.

La procureure générale a également évoqué le récent discours qui a été prononcé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu devant l’Assemblée générale des Nations unies – un discours où il a mis l’accent sur « l’indépendance des tribunaux » en Israël alors qu’il évoquait avec colère les mandats d’arrêts réclamés par le procureur de la Cour internationale internationale à son encontre et à l’encontre du ministre de la Défense Yoav Gallant, soupçonnés de crimes contre l’Humanité et de crimes de guerre.

« En effet, il y a de nombreuses raisons d’être fiers de notre système, et nous devons veiller à ce qu’elles perdurent », a indiqué Baharav-Miara.

Le président par intérim de la Cour suprême, Uzi Vogelman, lors d’une cérémonie d’adieu à la Cour suprême à Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Oren Ben Hakoon/Pool)

« Porter atteinte à l’autorité judiciaire – particulièrement en ce moment – est préjudiciable. Ce n’est pas responsable et c’est contraire à l’intérêt national », a-t-elle affirmé.

Vogelman est né à Tel-Aviv en 1954. Son père, un survivant de la Shoah, avait combattu pendant la guerre d’Indépendance d’Israël. Sa mère était née au sein de l’État juif.

Vogelman a lui-même pris part à deux des guerres – effectuant son service militaire en combattant sur le front égyptien lors de la guerre du Kippour en 1973. Il a servi comme réserviste en 1982 lors de la Première guerre du Liban.

Après avoir obtenu son diplôme d’avocat en 1980, il avait commencé à travailler au Bureau du Procureur de l’État en 1982 et, en l’an 2000, il avait été nommé à la Cour de district de Tel Aviv. En 2009, il avait été désigné juge permanent à la Cour suprême.

Vogelman a eu un fort impact sur la jurisprudence israélienne au cours de sa carrière – et en particulier lorsqu’il siégeait à la Cour suprême. Juge libéral, il a rendu des décisions et des avis qui ont fait avancer les droits des minorités sur le territoire israélien.

Il a été l’un des juges qui a déclaré inconstitutionnelles les restrictions à l’accès des couples homosexuels et des hommes célibataires aux services de GPA (gestation pour autrui).

Il est également l’auteur de l’avis déterminant qui avait invalidé une loi qui avait été adoptée par le gouvernement et qui visait à maintenir les demandeurs d’asile en détention pendant un an sans autre forme de procès – écrivant que le « coup dur » porté à la liberté et à la dignité de ces personnes en Israël était, lui aussi, anticonstitutionnel.

Au cours du mandat de l’actuel gouvernement, Vogelman était président par intérim lorsque la Cour avait établi à l’unanimité, au mois de juin 2024, qu’il n’existait plus de cadre juridique permettant aux étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot d’être exemptés de service militaire, et qu’ils devaient être intégrés sans délai dans les rangs de Tsahal.

Les anciens présidents de la Cour suprême Esther Hayut, au centre, et Asher Grunis, à droite, lors d’une cérémonie d’adieu au président en exercice de la Cour suprême Uzi Vogelman, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Pool)

Il avait aussi rédigé l’opinion majoritaire qui avait retardé la mise en application de la loi dite « de récusation » en raison de sa nature « personnelle » – estimant qu’elle était destinée à promouvoir les intérêts exclusifs de Netanyahu.

« Le juge Uzi Vogelman, président par intérim, est un fonctionnaire au service du public dans tous les sens du terme… Un sioniste jusqu’au bout des ongles, avec un engagement fidèle et sans réserve à l’égard des valeurs fondamentales du pays – en tant qu’État juif et démocratique », a déclaré Baharav-Miara.

« Je vous remercie du fond du cœur pour ces quarante années de travail au service du public », a-t-elle ajouté.

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