Crise humanitaire à Gaza : Des hommes masqués font respecter les prix sur les marchés
Selon un membre du « Comité de protection publique », un groupe armé a pris le relais de la police de Rafah, touchée par des frappes israéliennes ; Des patrouilles auraient été mises en place par le Hamas
Des hommes armés et masqués ont entrepris des patrouilles pour empêcher les commerçants de faire des profits indus à Rafah, où plus d’un million de Palestiniens déplacés se sont mis à l’abri de la campagne aérienne et terrestre d’Israël contre le Hamas, a déclaré un membre du groupe.
Près de cinq mois après le début de la guerre, les prix ont grimpé en flèche à Gaza, les importations commerciales a en effet cessé depuis le début de la guerre, le 7 octobre, et l’aide humanitaire peine à arriver sur les étals.
La guerre a commencé lorsque les terroristes du Hamas ont envahi Israël, tué 1 200 personnes et fait 253 otages. Selon le Hamas, la campagne aérienne et terrestre d’Israël a depuis tué près de 30 000 Palestiniens. Ces chiffres ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante. L’armée israélienne revendique, elle, la mort de près de 12 000 terroristes à Gaza.
La plupart des 2,3 millions d’habitants de Gaza vivent désormais à Rafah, près du poste-frontière avec l’Égypte, dans des tentes et abris temporaires, après avoir fui les ravages dans d’autres parties de l’enclave.
Des photos récentes sur les réseaux sociaux montrent des hommes revêtus de masques de ski ou de cagoules, à côté d’étals de marché. Sur l’une des photos, deux des hommes tiennent des fusils d’assaut. Sur une autre photo, on voit six hommes armés de bâtons et revêtus de bandeaux portant le slogan en arabe « Comité de protection du public ».
⚡️A new armed force named "Committees for the Defense of the People" who claims to deal with merchants & regulate the distribution of food was established in Rafah pic.twitter.com/I4aBXZTFAr
— Levant Observer (@LevantObservers) February 28, 2024
Un homme qui s’est présenté comme un membre de ce groupe et que Reuters a contacté par téléphone a déclaré que leur action avait pour but de faire respecter la loi et l’ordre, en l’absence de la police, frappée par des bombardements israéliens, de « surveiller les prix et punir ceux qui profitent de la détresse du peuple ». L’homme s’est exprimé sous couvert d’anonymat, dans la crainte de représailles israéliennes.
Selon le site d’information Ynet, ce groupe a été créé par le Hamas comme alternative à la police suite à des frappes israéliennes.
La patrouille a été vue mercredi sur un marché de Rafah par Mohammad Abuemad, diplômé de l’université âgé de 24 ans qui a fui sa maison de Gaza au début de la guerre et vit maintenant sous une tente.
Il a déclaré que la police, qui s’était cantonnée à Rafah jusqu’aux récentes frappes qui les ont prises pour cible, se chargeait jusqu’alors de faire régner le calme au sein des longues files d’attente devant les boulangeries, les supermarchés ou les banques.
Plusieurs organisations humanitaires ont interrompu leurs livraisons à Gaza, prises d’assaut par des foules affamées, en l’absence de toute protection policière.
Les États-Unis ont réagi en demandant à Israël de cesser de s’en prendre aux policiers du Hamas chargés d’escorter les convois d’aide à Gaza, a indiqué samedi le site d’information Axios. Selon cette source, l’administration Biden aurait demandé à Israël de ne plus cibler les membres de la police civile dirigée par le Hamas au motif qu’un « effondrement total de la loi et de l’ordre » ne ferait qu’exacerber encore la crise humanitaire qui sévit dans l’enclave.
Israël a refusé de se plier à la demande des autorités américaines, affirmant que l’un des objectifs de la guerre était de mettre fin à tout contrôle du Hamas sur Gaza et que ses services travaillaient à la mise sur pied de plans alternatifs pour assurer la loi et l’ordre.
Mercredi, dans les colonnes de Reuters, Abuemad se disait préoccupé par la présence d’hommes masqués chargés de faire respecter l’ordre public. « Peut-être qu’ils sont bons : il reste à souhaiter qu’ils agissent équitablement avec les gens ».
« Le mieux serait que la guerre se termine pour que les vraies forces de police reviennent », a-t-il déclaré.
Signe du désespoir croissant des Gazaouis face aux conditions de vie, une manifestation a eu lieu mercredi dans la ville de Rafah, à l’extrême sud du pays, avec près de 1,5 million de Palestiniens, dont beaucoup ont été déplacés par les combats.
« La situation est très difficile à Gaza. Nous sommes totalement démunis », a déclaré à l’AFP Abdulrahman Abu Khuder, un habitant de Rafah, lors d’un rassemblement contre la flambée des prix des produits de première nécessité.
Khamis Shallah, déplacé de la ville de Gaza, a expliqué qu’un kilo de sucre coûtait désormais « entre 80 et 100 shekels, et la levure, 100 shekels ».
Le Hamas devrait « faire quelque chose » pour s’assurer que les Palestiniens ordinaires aient accès à des fournitures de base, a-t-il dit, mais « ils s’en fichent ».
Des centaines de milliers de Gazaouis ont fui vers le sud depuis le début de la guerre, et ceux qui sont restés dans le nord sont aujourd’hui confrontés à une situation chaque jour plus désespérée, ont averti les organisations humanitaires.
« La famine est imminente dans le nord de Gaza », a déclaré mardi le directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial, Carl Skau, devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Son collègue du service humanitaire de l’ONU – OCHA -, Ramesh Rajasingham, a mis en garde contre le risque – « quasi inévitable » – d’une famine généralisée.
Le Programme alimentaire mondial a déclaré qu’aucun groupe humanitaire n’avait pu faire parvenir d’aide au nord depuis plus d’un mois, accusant Israël de bloquer les accès. Israël a déclaré mercredi que des dizaines de camions d’aide avaient atteint le nord de la bande de Gaza ces derniers jours.
Des puissances étrangères ont largué des fournitures par avion au-dessus du sud de Gaza.
L’aide destinée à Gaza passe par Rafah, où Israël a prévu de lancer une offensive terrestre.