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Cryptomonnaies : l’enquête visant Binance en France confiée à un juge

Une enquête américaine avait de son côté conclu que Binance n'avait pas mis en place les mesures nécessaires pour empêcher les transactions réalisées au profit de groupes terroristes comme la branche armée du Hamas

La procureure de Paris Laure Beccuau s'exprime lors d'une conférence de presse après l'enlèvement à leur domicile de David Balland, cofondateur de la société de crypto-actifs Ledger, et de sa compagne, puis leur libération par la gendarmerie, le 23 janvier 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
La procureure de Paris Laure Beccuau s'exprime lors d'une conférence de presse après l'enlèvement à leur domicile de David Balland, cofondateur de la société de crypto-actifs Ledger, et de sa compagne, puis leur libération par la gendarmerie, le 23 janvier 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)

L’enquête française visant Binance, première plateforme mondiale d’échanges de cryptoactifs soupçonnée d’avoir manqué à ses obligations de contrôle des fonds de ses clients, a été confiée mardi à un juge d’instruction, alors que policiers et magistrats spécialisés s’alarment d’une utilisation accrue des cryptomonnaies pour du blanchiment.

« La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) a ouvert (mardi) une information judiciaire » dans ce dossier, déjà sous enquête préliminaire depuis février 2022, a annoncé la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, dans un communiqué.

« Les investigations vont désormais se poursuivre, sous la direction d’un magistrat instructeur, et auront notamment pour objet de préciser l’ampleur des faits, le rôle des dirigeants de Binance et le degré de participation des différentes sociétés de la plateforme », selon la magistrate.

L’instruction porte « sur les infractions de blanchiment aggravé, blanchiment de fraude fiscale, blanchiment en lien avec un trafic de produit stupéfiant et exercice illégal de la profession de prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) susceptibles d’être reprochées à la plateforme d’échange en cryptoactifs Binance », a-t-elle précisé.

« Cette procédure s’inscrit dans le renforcement de la lutte contre le blanchiment par cryptoactifs, démarche commune aux autorités financières et menée dans différents pays », a expliqué Mme Beccuau.

« En fonction des infractions, la période des faits concernés s’étend de 2019 à 2024, pour des faits commis en France » et dans l’Union européenne, précise la magistrate.

Une représentation visuelle du bitcoin, dans la boutique « Bitcoin Change », à Tel Aviv, le 6 février 2018. (Crédit : Jack Guez/AFP)

L’enquête avait été ouverte en 2022 « à la suite de plaintes d’utilisateurs, dénonçant avoir perdu de l’argent après avoir investi via cette plateforme, en raison d’informations qu’ils soutenaient être erronées qui leur avaient été communiquées », ajoute Mme Beccuau.

« A ce stade, il ressort de l’enquête que Binance aurait, sur la période de faits concernée, manqué à ses obligations de vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme », précise la procureure.

Ainsi, « les investigations portent notamment sur la manière dont Binance répondait ou non à ses obligations en matière de connaissance du client (dite KYC, Know Your Customer), rendant ainsi le groupe susceptible d’avoir apporté son concours au blanchiment habituel de sommes provenant de diverses infractions, notamment de trafic de produits stupéfiants et de fraudes fiscales ».

Une remarque qui fait écho aux craintes des enquêteurs et magistrats spécialisés quant au risque que les cryptomonnaies servent notamment à faire rebasculer dans l’économie réelle l’argent du narcotrafic.

Plaider-coupable

Selon Mme Beccuau, « il est également apparu que la plateforme Binance a adressé des communications à caractère promotionnel à des clients résidant ou établis en France, via des influenceurs et en utilisant des campagnes de publicité sur les réseaux sociaux », ce qui avait aussi été dénoncé dans les plaintes initiales.

Ces démarches auraient été faites « avant que Binance n’ait fait l’objet d’un enregistrement comme prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) », le gendarme de la Bourse français, « à l’insu des autorités de régulation et en violation de la loi applicable », estime la cheffe du parquet parisien.

L’icône de l’application Binance sur un smartphone à Marple Township, en Pennsylvanie, le 28 février 2023. (Crédit : Matt Slocum/AP)

L’enquête, pilotée par le juge d’instruction, a été confiée à la Répression des fraudes, aux gendarmes de la Section de recherches de Paris et à l’Office national antifraude.

Une enquête américaine avait de son côté conclu que Binance n’avait pas mis en place les mesures nécessaires pour empêcher les transactions réalisées au profit de groupes tels que l’Etat islamique, Al-Qaïda ou les brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du Hamas.

Binance et Changpeng Zhao, surnommé « CZ » et qui avait cofondé la plateforme en 2017, avaient conclu un accord avec les autorités américaines, divulgué en novembre 2023.

La société avait accepté de payer à deux agences du Trésor américain des amendes pour un montant total de 4,3 milliards de dollars afin de mettre fin aux poursuites contre l’entreprise.

« CZ », né en Chine en 1977, avait, lui, accepté de démissionner et de plaider coupable. Il a été condamné à quatre mois d’emprisonnement pour blanchiment d’argent par un tribunal de San Francisco fin avril 2024.

Binance revendique mardi sur son site internet plus de 250 millions d’utilisateurs, et assure « respecter les normes les plus strictes en matière de conformité réglementaire ».

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