Des maires appellent à la grève générale lundi contre le partage de l’arnona
La coalition prévoit de créer un fonds qui prélèverait des ressources sur les collectivités les plus riches pour les redistribuer aux localités les plus pauvres ou les plus éloignées
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Les collectivités locales d’Israël seront en grève à partir de lundi pour protester contre le plan de la coalition visant à transférer les recettes fiscales municipales des villes les plus riches vers les plus pauvres, en particulier celles qui sont éloignées du centre du pays.
La Fédération des autorités locales d’Israël, qui représente environ 200 municipalités israéliennes, a annoncé dimanche qu’à partir du lendemain, il y aurait un gel général de la fourniture des services municipaux, à moins que la coalition ne renonce à son plan baptisé « Fonds Arnona » – l’arnona étant la taxe foncière, fixée et gérée par chaque municipalité.
« Il s’agit d’une tentative de nuire à l’éducation, au bien-être, à la culture et à notre capacité à fournir des services municipaux à nos résidents, et cela entraînera l’effondrement des autorités locales », a déclaré la fédération dans un communiqué annonçant la grève. « Ce n’est pas à nous de nous préoccuper des ressources budgétaires pour résoudre les crises nationales. »
La grève devrait affecter les services de base, tels que les besoins administratifs et le ramassage des ordures.
La Fédération des autorités locales d’Israël n’a pas fixé de délai pour la grève, ni précisé quelles municipalités se joindront au mouvement. Quelques-unes d’entre elles, dont Jérusalem, Ashkelon et les communautés frontalières de Gaza, se sont déjà dissociées de la grève. La décision a été prise après que la commission des Finances de la Knesset a voté dimanche en faveur de l’inclusion du Fonds Arnona dans le projet de loi sur les arrangements accompagnant le budget de l’État pour 2023-2024, qui devrait être finalisé au cours des deux prochaines semaines.
Les partisans de cette mesure affirment qu’elle aidera les municipalités moins riches à encourager la construction de logements abordables et ont mis l’accent sur le fait que le fonds contribuera à la construction de communautés éloignées du centre d’Israël. Ses opposants affirment qu’elle punit les communautés qui ont déjà investi pour attirer des employeurs, et qu’elle prend de l’argent qui serait autrement consacré à l’amélioration des services aux citoyens, tels que l’éducation et la culture.
S’adressant à la fédération, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a déclaré dimanche que les maires « connaissent la vérité, à savoir que ce projet de loi crée une justice entre les municipalités du centre – qui bénéficient d’une situation attrayante et d’infrastructures et qui constituent en tout état de cause le centre d’affaires d’Israël – et les municipalités éloignées de la périphérie ».
La Fédération des autorités locales d’Israël n’a cessé de lutter contre la proposition au sein de la commission des Finances et auprès du ministère des Finances au cours des deux derniers mois, et peu avant le vote sur la question ce dimanche, son chef, le maire de Modiin, Haïm Bibas, a déclaré à la commission des Finances que le projet de loi était « inacceptable ».
« Nous nous y opposons, nous nous y sommes opposés dès le début et nous nous y opposons également aujourd’hui. Je souhaite qu’il disparaisse », a déclaré Bibas à la commission de la Knesset.
Bibas est une figure forte de la politique interne du Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et il est souvent considéré par les initiés du parti comme une future force politique nationale. S’adressant aux députés du Likud et des autres partis de la coalition présents à la réunion, Bibas les a exhortés à être loyaux « envers le public qui vous a envoyés » à la Knesset.
« Votre travail consiste à vous arrêter et à dire qu’une loi aussi destructrice n’a pas sa place dans le projet de loi sur les arrangements », a-t-il déclaré. « Notre position est absolument claire : nous nous opposons à cette loi, et c’est l’occasion pour vous, résidents de la coalition [des villes touchées par ce plan], de vous exprimer, parce qu’en fin de compte, c’est vous qui vivez dans ces villes. »
Le maire de Ramat Gan, Carmel Shama-Hacohen, dont la ville jouxte Tel Aviv, a déclaré que le Fonds Arnona était une forme de terrorisme.
« Nous sommes soumis au djihad. Pas un djihad islamique, mais un djihad de décrets, et nous n’avons pas de Dôme de fer pour nous en défendre », a-t-il déclaré, en référence à la technologie israélienne d’interception des roquettes qui a récemment été plus qu’utilisée lors de la flambée du pays contre le groupe terroriste du Jihad islamique palestinien.
Plusieurs médias israéliens ont rapporté la même citation provenant d’une source haut placée de la coalition, qui a qualifié la grève municipale de « bluff » de la part de « riches autorités locales du centre du pays ».
Yisrael Gal, maire de la ville de Kiryat Ono, dans le centre d’Israël, a déclaré à la commission que le Fonds Arnona priverait sa ville de la possibilité de récolter les fruits d’un effort soutenu pour développer l’économie locale.
Kiryat Ono a approuvé la création d’une zone industrielle en 2017, qui, selon Gal, « a encombré la ville, créé des embouteillages et fait souffrir les gens ».
« La ville fait enfin des profits et atteint l’indépendance », a déclaré Gal, accusant la commission de pénaliser sa ville pour avoir fait un investissement afin d’améliorer sa situation. « Vous voulez me prendre le fruit de mes efforts ? », a-t-il demandé.
Le président de la commission, Moshe Gafni, (Yahadout HaTorah), a balayé les critiques d’un revers de la main, déclarant que le projet de loi était « fondamentalement correct » et qu’il résulte d’un « accord ».
« Je n’ai pas été impliqué dans les détails, mais on m’a dit qu’ils parviendraient à un accord, parce que je voulais qu’il y ait un accord, même si les autorités locales ne veulent pas de la loi », a déclaré Gafni. Les maires présents ont nié avoir donné leur accord au projet de loi.
Smotrich a accusé Bibas et la Fédération des autorités locales d’Israël de « faire marche arrière », affirmant qu’ils étaient parvenus à un accord jeudi dernier.
« Il est honteux que vous n’ayez pas le courage de faire preuve de leadership et d’admettre que jeudi soir, nous sommes parvenus à un accord avec vous sur le projet de loi et sa formulation », a écrit Smotrich dans sa déclaration dimanche après-midi.
La Fédération des autorités locales d’Israël a déclaré au Times of Israel qu’il y avait eu un accord pour adoucir la formulation et modifier la formule à appliquer contre les municipalités, si le projet de loi était adopté. Cependant, la fédération a déclaré qu’elle n’avait jamais conclu d’accord soutenant l’adoption de la loi et qu’elle s’était toujours opposée à la mesure.
Suite à la décision de la commission des Finances d’aller de l’avant avec le Fonds Arnona, malgré les protestations orales de plusieurs maires lors du débat houleux de la commission des Finances, la fédération a tenu une « réunion d’urgence » pour déclarer la grève des services municipaux.
La lutte a même débordé sur la politique interne du Likud, le journal économique israélien The Marker rapportant que Netanyahu souhaite « évincer Haïm Bibas » des sphères d’influence du Likud.
Bibas s’est déjà heurté à son parti en mars en demandant publiquement une pause dans le processus législatif de la réforme du système judiciaire de la coalition, s’exprimant à un moment critique pour prôner la négociation.
Tel Aviv, Haïfa et Rishon LeZion font partie des villes en grève ce lundi, le maire de Tel Aviv, Ron Huldaï, ayant déclaré « nous n’avons pas le choix », ont rapporté les médias israéliens. Tel Aviv devrait se voir transférer 192 millions de shekels de ses caisses entre 2024 et 2028, selon les données communiquées par la commission des Finances de la Knesset dimanche matin. Haïfa perdrait 116 millions de shekels.