Des rabbins massorti en Israël pour la première fois depuis le 7 octobre
Des rabbins de communautés d'Amérique du Nord et du Sud, d'Europe et d'Australie se réunissent à Jérusalem pour témoigner de leur solidarité et réfléchir aux leçons du 7 octobre
La convention de la Rabbinical Assembly, qui représente le mouvement conservateur, a rassemblé à Jérusalem, cette semaine, 240 rabbins et étudiants en rabbinat du monde entier dans le cadre de l’une des plus grandes conférences internationales à avoir été organisées en Israël depuis le 7 octobre 2023.
Pour les responsables venus de communautés diverses d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud, ou encore d’Europe ou d’Australie, l’événement a été une occasion unique de partager des connaissances et les expériences vécues au cours d’une année qui s’est avérée être extrêmement difficile.
Le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – des milliers d’hommes armés avaient pris d’assaut le territoire, massacrant plus de 1 200 personnes et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza – a été à l’origine de la guerre à Gaza actuellement en cours, un conflit qui a fait naître dans son sillage une forte recrudescence de l’antisémitisme et des activités anti-israéliennes dans le monde entier.
« Ce qui m’a principalement frappé à l’occasion de cette conférence, c’est de constater que nous partageons tous une même nature commune », déclare Idit Lev, responsable au sein du groupe Rabbinical Assembly. « C’est étonnant de voir à quel point les différentes personnes qui se trouvent ici entretiennent des liens, à quel point Israël est important pour elles ».
« Une autre chose qui a été très forte, ça a été de constater combien nous souffrons tous de façon collective, et de comprendre cette idée même », poursuit-elle.
Pour la Rabbinical Assembly, qui représente les 1 700 rabbins qui ont été ordonnés par le mouvement massorti dans le monde entier, il s’agit de la première convention annuelle à avoir été organisée en Israël depuis une dizaine d’années. Les personnes qui ont pris part à ce rassemblement de quatre jours ont noué des liens avec des dirigeants et avec des militants israéliens. Ils ont visité les communautés détruites dans le sud et ils se sont portés volontaires dans des kibboutzim en cours de reconstruction.
« Chacun d’entre nous, ici, vit dans un monde différent mais nous sommes tous confrontés à des défis similaires », explique Lev, qui travaille avec les 400 rabbins qui ne sont pas basés en Amérique du Nord. (Parmi eux, 180 se trouvent en Israël, 60 à 100 en Amérique latine, et le reste en Europe et en Australie, précise-t-elle).
Alors que les représentants des différentes communautés évoquaient les défis qu’ils sont amenés à relever dans un monde post-7 octobre 2023, les similitudes et les différences sont apparues clairement.
Berlin
Gesa Ederberg est rabbin au sein de la Nouvelle synagogue de Berlin, la seule synagogue du mouvement massorti dans une ville libérale qui compte environ 10 000 Juifs allemands. « C’est sans compter les 20 à 30 000 Juifs israéliens qui sont arrivés ces dernières années », note-t-elle.
Le mouvement n’a commencé à se développer que récemment à Berlin, raconte Ederberg. « Après la Seconde Guerre mondiale, les Juifs d’Allemagne vivaient avec leurs bagages, prêts à quitter le pays et ils n’investissaient pas dans leur avenir », explique-t-il. « La jeune génération a aujourd’hui une approche différente et elle exige de notre part une approche éclairée, intellectuelle et pertinente de la religion ».
Les incidents antisémites à Berlin ont été multipliés par quatre depuis le 7 octobre et la situation est « mauvaise, voire très mauvaise », estime Gesa Ederberg.
La majorité de cet antisémitisme provient de « l’extrémisme traditionnel de droite » – mais aussi de la gauche antisioniste. L’antisémitisme est important au sein de la communauté musulmane, mais les programmes d’enseignement solides concernant la Shoah, en Allemagne, contribuent à promouvoir la tolérance dans les écoles et dans les mosquées. « Il y a une présence importante de musulmans qui soutiennent la communauté juive », fait-elle remarquer. Le sommet de la hiérarchie politique, dans le pays, a manifesté un soutien fort à Israël, et les discours de haine illégaux ne sont pas tolérés par la police, ajoute-t-elle.
« Quand nous avons organisé notre commémoration du 7 octobre, cette année, j’ai regardé à ma droite et j’ai vu un ami musulman qui est à la tête d’une congrégation musulmane germanophone », se souvient Ederberg. « À ma gauche, il y avait un membre du parlement originaire d’Iran. Il y a des musulmans qui s’opposent sincèrement à l’antisémitisme. Je suis plus inquiète face à l’influence croissante de l’extrême droite ».
Buenos Aires
Judy Nowominski, elle aussi rabbin, dépeint une situation différente à Buenos Aires, en Argentine, où elle préside la Rabbinical Assembly latino-américaine.
Contrairement au Chili voisin où, selon les estimations, se trouve la communauté palestinienne la plus importante en dehors du monde arabe, l’antisémitisme dans sa communauté est essentiellement le fait de progressistes de gauche et non de musulmans, note-t-elle.
Alors que l’Argentine est l’un des pays les plus amicaux à l’égard d’Israël en Amérique latine, les incidents antisémites y ont augmenté de 44 % en 2023 suite au début de la guerre à Gaza, selon la Délégation des associations israélites d’Argentine (DAIA). Les institutions juives avaient connu un renforcement de leur sécurité renforcée depuis que deux grosses bombes avaient visé des centres juifs et israéliens dans les années 1990 – mais dans l’ensemble, regrette-t-elle, l’application de la loi reste médiocre sur tout le territoire.
« Dans notre pays, il y a toujours eu ce sentiment de se mettre sur la défensive », indique Nowominski. « On peut à peine se garer à côté d’une synagogue sans attirer l’attention ».
Washington
C’est peut-être le rabbin Abbi Sharofsky qui occupe malgré tout la fonction la plus difficile – en tant que directrice des relations interconfessionnelles au sein du Conseil des relations de la communauté juive (JCRC) dans la région du Grand Washington. Avant même le 7 octobre, elle passait ses journées à parler d’Israël et du judaïsme à des responsables des communautés religieuses en dehors de la communauté juive.
« Il y avait déjà une montée de l’antisémitisme depuis la guerre de 2021 à Gaza, et tout s’est emballé après le 7 octobre, dit-elle. Aujourd’hui, elle tente de lutter contre les activités anti-israéliennes et anti-juives au sein des municipalités, des districts scolaires et des groupes religieux.
« J’entends parler d’enfants juifs qui rentrent de l’école en disant : ‘Mon professeur nous a donné comme devoir de parler de l’impact du génocide sur l’environnement’, » raconte-t-elle.
La majorité des groupes musulmans avec lesquels elle travaille sont hostiles, continue-t-elle. « Au début de la guerre, certains groupes de musulmans en provenance, par exemple, d’Afghanistan et du Pakistan avaient pris du recul face aux tensions, disant que ce n’était pas leur problème. Mais au fur et à mesure que la guerre a progressé, ils ont fait preuve d’autant d’hostilité que les autres musulmans ».
Sharofsky déclare avoir souvent été surprise de voir d’anciens alliés se retourner contre elle en raison de l’information brûlante. « Nous avions travaillé ensemble sur les droits génésiques, sur les questions raciales et maintenant, ces gens me disent que le sionisme, c’est toute ces choses terribles », déplore-t-elle. « C’est très dur ».
Même si elle agit avec courage, Sharofsky craint souvent pour sa sécurité. « Il m’arrive d’arriver dans une salle et de me demander si je vais pouvoir m’exprimer librement ou s’il vaut mieux que je me retienne », fait-elle remarquer. « Cela a été très dur pour moi lorsque mon fils, en classe de quatrième, a voulu acheter un sweat-shirt de Tsahal et que j’ai dû lui dire qu’il était trop dangereux pour lui de le porter à l’école. Mais je dois m’inquiéter pour sa sécurité et je déteste cela ».
New Jersey
À East Windsor, dans le New Jersey, le rabbin Jay Kornsgold décrit une réalité très différente. La synagogue dont il est à la tête est profondément liée à Israël, elle organise, chaque année, une collecte de fonds. 500 personnes y étaient présentes, par ailleurs, pour commémorer le premier anniversaire du pogrom du 7 octobre.
Depuis le 7 octobre, Jay Kornsgold considère que son rôle est majoritairement de représenter Israël au sein de sa congrégation, fournissant des informations en incitant les fidèles à garder espoir et à faire preuve de résilience. Les cours de Torah commencent immanquablement par les dernières informations connues sur Israël, et les membres de la congrégation viennent le voir pour qu’il leur explique le contexte de leurs craintes.
Il y a un sentiment général de sécurité dans le New Jersey et sa synagogue n’a subi aucune attaque antisémite – mais Kornsgold reconnaît la nécessité de prendre des mesures de sécurité et il souligne les bonnes relations que la communauté entretient avec les forces de l’ordre locales. « Le plus important est que nous restions unis, car même avec nos différences politiques, les Juifs du monde entier ont plus de choses en commun que de choses qui nous divisent. Et c’est, plus que tout le reste, ce que cette conférence nous a rappelé de manière incroyable ».
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