Divisés, affrontant des menaces extérieures, certains Juifs voient autour d’eux un écho de Tisha BeAv
Alors que la menace iranienne plane, dans un contexte de discorde et de clivages intérieurs, certains craignent que la nation ne doive faire face à une nouvelle tragédie
JTA — Si l’Iran devait lancer son attaque attendue contre Israël avant mardi soir, certains Juifs pourraient estimer que le moment choisi pour cette frappe a été pré-déterminé – et ce, depuis presque 2 000 ans.
Lundi au crépuscule, les Juifs du monde entier ont commencé la journée annuelle de jeûne organisée à l’occasion de Tisha BeAv, une journée qui se terminera mardi, à la tombée de la nuit. Vingt-quatre heures qui sont principalement consacrés à pleurer la destruction des deux anciens Temples juifs qui se dressaient à Jérusalem et qui ont été détruits il y a des millénaires maintenant.
Mais à travers les siècles, que ce soit par dessein ou au gré du hasard (s’il en est), une série d’autres calamités se sont abattues sur le peuple juif, le même jour ? D’autres malheurs ont aussi fait naître l’inquiétude : celle que la leçon terrible qui avait été tirée par les sages juifs après la disparition des deux Temples – celle que les querelles internes au sein de la communauté avaient préparé leur destruction – ait été aujourd’hui lamentablement oubliée.
L’Iran connaît le calendrier juif et plusieurs analystes ont laissé entendre que la république islamique pourrait choisir cette date pour attaquer, pleinement consciente de ce qu’elle a de symbolique pour les Juifs.
« Je suis là, à attendre et à m’inquiéter – et non, je ne m’inquiète pas de la menace iranienne ou de la menace venant du Liban mais je m’inquiète de ce que nous sommes devenus », a écrit Dina Epshtein sur Facebook, depuis Israël, alors que le jeûne venait de commencer dans le pays. « La légitimité que nous avons octroyée à la haine sans compromis me préoccupe énormément ».
Les Israéliens se préparent à une attaque iranienne depuis l’assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, qui est mort dans une explosion à Téhéran, le 31 juillet. Avec une question inquiétante : cette riposte donnera-t-elle le coup d’envoi à une guerre plus large ? De nouvelles informations relayées par l’agence Reuters indique que Téhéran aurait finalement renoncé et chercherait plutôt un cessez-le-feu entre Gaza et Israël.
Lundi matin – plusieurs heures avant le début du jeûne en Israël – Fox News a annoncé qu’une attaque pourrait avoir lieu dans moins de vingt-quatre heures.
Des tragédies juives s’étaient déroulées au moment de Tisha BeAv, voire le jour même du jeûne – le début des déportations vers Treblinka ou l’attentat terroriste qui avait pris pour cible le centre communautaire juif de l’AMIA de Buenos Aires, par exemple. Aujourd’hui, les Juifs du monde entier s’inquiètent de devoir ajouter une nouvelle calamité à la liste des drames survenus à Tisha BeAv.
« J’ai l’estomac noué à l’idée d’entrer dans la journée de Tisha BeAv, cette année – la journée la plus triste, la journée de deuil la plus forte du calendrier juif qui commence ce soir », a écrit le chantre Scott Borsky sur Facebook. « Les Israéliens et le monde se préparent à la riposte iranienne à l’assassinat du leader du Hamas. Des sources issues des services de renseignement occidentaux disent qu’elle pourrait bien arriver à Tisha BeAv. »
Traditionnellement, les sources rabbiniques considèrent l’histoire de la destruction des deux Temples comme des mises en garde face aux dangers de « la haine sans fondement » entre les membres de la communauté juive. Une lecture qui a fait de Tisha BeAv l’occasion d’exhorter à l’unité et de dénoncer les rhétoriques de diabolisation et d’exclusion.
Ceux qui cherchent d’éventuels éléments signalant les clivages entre les Juifs, en Israël, peuvent les trouver sans difficulté dans les Unes des médias – avec des querelles publiques entre les dirigeants israéliens, lundi, alors même que le gouvernement mettait en place des plans d’urgence en vue d’une guerre sur de multiples fronts. Après que le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a estimé que l’idée d’une « victoire totale » contre le Hamas relevait « d’un charabia », le Premier ministre Benjamin Netanyahu a répondu que Gallant avait adopté « un narratif anti-israélien ».
Sur les réseaux sociaux, les Israéliens ont fait remarquer que les exemples de clivages sociétaux étaient tout autour d’eux.
« En ce jour où nous marquons la destruction du Temple, je suis vraiment inquiet à l’idée que nous ne devions marquer rapidement aussi la destruction de l’État d’Israël parce que nous n’en sommes dorénavant qu’à un pas », a écrit Ofri Shaked, un médecin israélien, sur Facebook. « Nous sommes nos pires ennemis. »
Si l’Iran choisit Tisha BeAv comme date pour son attaque, ce ne sera pas la première fois que les ennemis d’Israël décident de suivre le calendrier hébraïque. La guerre de Yom Kippour avait pris le pays par surprise, en 1973, alors qu’un grand nombre de soldats jeûnaient et priaient à la synagogue. Cinquante ans plus tard, le pogrom du 7 octobre avait provoqué une onde de choc en Israël au moment où ses citoyens célébraient la fête juive de Simchat Torah. En 2002, l’attentat terroriste le plus meurtrier de la Seconde Intifada avait eu lieu quand des terroristes palestiniens avaient fait exploser une bombe dans le Park Hotel de Netanya alors que les familles, en plein seder, étaient en train de fêter Pessah.
Certains Juifs ont indiqué qu’ils puisaient de la force dans cette journée de deuil et d’autres ont déclaré que l’histoire de la destruction du Premier Temple – racontée dans le Livre biblique des Lamentations qui est lu dans la soirée de Tisha BeAv – a eu une résonnance particulière cette année, après le 7 octobre.
« Les années précédentes, j’avais lu dans [le livre de] Eikha ces histoires des viols des femmes, des enlèvements d’enfants, et cela me paraissait être une exagération à des fins poétiques », a écrit la rabbin Leah Sarna sur Instagram, en utilisant le mot en hébreu signifiant Lamentations. « Cette année, nous avons vécu directement cette ‘exagération’ – avec des ennemis qui ont témoigné des mêmes niveaux de cruauté… Ce qui nous aide à nous rappeler que notre peuple est déjà passé par là et qu’il a survécu. »
Alors que les Israéliens ont fait des réserves et pris des précautions, anticipant une attaque, certains ont perçu une certaine drôlerie dans la situation.
« Nous avons acheté pour rien de quoi manger et de l’eau pour la pièce blindée », a posté une personne. « En fin de compte, l’Iran va nous attaquer le jour du jeûne de Tisha BeAv ».
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.