La Cour suprême statue sur la mort de l’activiste américaine
Les parents de Rachel Corrie demandent à la Cour suprême de revoir la décision de justice de 2012

Presque deux ans après que la cour de Haïfa ait jugé qu’Israël n’avait pas été négligeant dans la mort en 2003 de l’activiste américaine Rachel Corrie lors d’une manifestation contre des opérations militaires dans la bande de Gaza, la Cour suprême va étudier mercredi l’appel du verdict formulé par sa famille.
« Cette affaire concerne notre immense perte personnelle, mais c’est devenu plus que cela. Cela concerne l’impunité et la protection des civils », a déclaré Craig Corrie, le père de l’activiste, au journal britannique The Guardian lundi, à l’approche de l’audience.
Dans son appel à la plus haute juridiction israélienne, la famille Corrie a avancé l’argument que le juge de Haïfa ayant présidé au premier procès avait ignoré le temoignage de témoins clés. Il avait commencé le procès avec « l’objectif final de rejeter l’affaire ».
« Nous faisons appel sur plusieurs points », explique Craig Corrie. « Le premier est que la cour de Haïfa a refusé de prendre en compte la loi humanitaire internationale [concernant la protection des civils]. La cour a également donné une interprétation très restreinte de la notion de négligence. »
La Cour suprême est le dernier recours de la famille dans le système judiciaire israélien.
Corrie, une jeune femme de 23 ans originaire d’Olympia, Washington, est morte écrasée le 16 mars 2003 par un bulldozer militaire blindé dégageant de la végétation dans une zone de combat le long de la frontière entre Gaza et l’Egypte.
Elle faisait partie du Mouvement de solidarité internationale, un groupe pro-palestinien qui avait envoyé des volontaires occidentaux pour se mêler aux activités de l’armée israélienne dans Gaza et la Cisjordanie.
Corrie et d’autres activistes pro-palestiniens se sont opposés à deux bulldozers et à un petit contingent d’infanterie qui gardait les véhicules.
Les activistes voulaient arrêter ce qu’il croyaient être une destruction immédiate d’une habitation. Corrie se tenait devant la lame du bulldozer, essayant de bloquer le véhicule, lorsqu’elle a été tuée.
La famille de Corrie a poursuivi Israël pour sa mort. Elle a accusé les soldats d’avoir tué volontairement leur fille ou d’avoir agi avec négligence.
Elle affirme que l’armée israélienne était responsable de la vie de Corrie, même si elle s’était sciemment placée en danger pour contrecarrer l’opération militaire.
La famille demande un dollar symbolique et le remboursement de ses frais de procédure en dommages.
Les audiences du procès ont commencé en 2010, et en août 2012, le juge Oded Greshon a rejeté toutes les demandes de la famille comme étant « infondées ».
Il a statué que la mort était un accident de la part de Tsahal et que Corrie en était responsable.
« C’est un terrible accident, mais pas une action sciemment voulue », a-t-il déclaré. « La victime s’est elle-même mise dans une situation dangereuse. Elle se tenait devant un grand bulldozer à un endroit où le conducteur ne pouvait pas la voir. »
« Même lorsqu’elle a vu la butte de terre se rapprocher, elle ne s’est pas éloignée comme une personne raisonnable l’aurait fait. »
Cindy Corrie, la mère de l’activiste, a fustigé le système judiciaire israélien qui protège « l’armée israélienne et les soldats qui participent aux actions militaires en leur accordant une impunité. »
Dans cette affaire, l’avocat de la famille, Hussein Abu Hussein, a argumenté que Corrie était clairement visible grâce à la veste jaune clair qu’elle portait.
Il l’a considérée comme une « activiste américaine qui voulait simplement protester contre la démolition de maisons et la grande injustice faite aux résident de Gaza. »
La conducteur du bulldozer, un réserviste de l’armée qui n’a été identifié que par l’initiale de son prénom, Y., a témoigné devant la cour qu’à cause du champ de vision restreint du véhicule blindé, il n’avait pas vu l’Américaine.
L’officier en charge sur place, un major de l’infanterie, a témoigné que les activistes avaient ignoré les avertissements répétés de quitter le lieux et qu’ils mettaient en danger les soldats.
« C’était une zone de guerre », a-t-il déclaré à la cour.
Lors du procès, il est également apparu que les responsables militaires avaient discuté de la possibilité de cesser les opérations à cause de la présence des activistes, mais avaient choisi de continuer pour ne pas créer de précédents.
L’avocat de la famille Corrie a déclaré que l’ordre était illégal et que le conducteur aurait dû l’ignorer. Il a également contredit l’affirmation du gouvernement selon laquelle Corrie se serait mise elle-même dans une soi-disant zone de guerre.
Il a souligné que l’Etat n’avait pas pu fournir de copie de l’ordre déclarant que l’endroit était une zone militaire fermée. Il a par ailleurs noté que Tsahal n’avait engagé aucune poursuite contre les activistes qui bloquaient les démolitions à cet endroit.
Une première enquête militaire avait également blanchi les soldats de tout accusation de méfait. Le juge a déclaré que l’enquête « ne présentait aucun défaut ».
Les forces israéliennes sur le terrain étaient en « danger de mort » et avaient agi correctement, a-t-il déclaré, en avertissant les activistes de quitter l’endroit dans une confrontation qui avait commencé plusieurs heures avant la mort de Corrie.
Les activistes ont ignoré les avertissements.
Le juge avait souligné que depuis la flambée de violence de septembre 2000 jusqu’au jour de la mort de Corrie, les forces israéliennes avaient reçu plus de 6 000 grenades dans cette zone, 1 400 tirs, 150 engins explosifs, 200 roquettes antitanks et plus de 40 tirs de mortiers.
A la suite du verdict de 2012, le Département d’Etat américain a qualifié la mort de Corrie de « tragédie ».
« Nous comprenons la déception de la famille quant à la issue du procès », avait déclaré la porte-parole du Département d’Etat de l’époque, Victoria Nuland. Elle n’avait pas précisé si l’administration Obama partageait ce sentiment.
Après sa mort, Corrie est devenue une héroïne pour les opposants d’Israël, le sujet d’une pièce, et une des victimes les plus connues des violences de la deuxième Intifada palestinienne, dont certains estiment le nombre de victimes à 6 500.
Une fondation mise en place par sa famille en son honneur milite en faveur d’un boycott anti-Israël.
Matti Friedman a contribué à cet article.