La dénonciation du budget ne fait pas l’unanimité chez les anti-refonte judiciaire
Les leaders des rassemblements disent que la lutte contre le budget de l'État partisan est un prolongement de la lutte contre la réforme judiciaire - entraînant parfois un malaise
Alors que leur campagne de lutte contre le plan gouvernemental visant à affaiblir de manière drastique le pouvoir et l’autorité du système judiciaire israélien est lancée depuis maintenant vingt semaines, les leaders du mouvement national de protestation ont procédé à un changement apparent de stratégie.
Tandis que les législations qui visent à réformer le système de la justice sont actuellement en pause jusqu’à l’adoption, par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, d’un budget de l’État – il a jusqu’au 29 mai pour ce faire – deux manifestations majeures ont d’ores et déjà eu lieu à l’initiative des organisateurs du mouvement de protestation. Elles ont dénoncé l’allocation de milliards de shekels à des intérêts sectoriels, des financements qui viennent répondre aux demandes qui ont été soumises par les partenaires politiques d’extrême-droite et ultra-orthodoxes de Netanyahu.
Cela fait longtemps que les politiciens de la coalition attaquent les manifestations contre la refonte du système judiciaire en évoquant une tentative de la gauche de l’échiquier politique visant à renverser le gouvernement de droite dure de Netanyahu, pour forcer l’organisation de nouvelles élections. En tournant leur attention vers le budget, vers les largesses accordées à l’étude religieuse des ultra-orthodoxes et vers les priorités des résidents d’implantation, les protestataires ont été pris d’assaut, sur les réseaux sociaux, pour avoir dévoilé leur jeu présumé, laissant entendre que l’opposition au projet de réforme de la justice israélien rentre réellement dans le cadre d’un complot ourdi contre un gouvernement qu’ils ne veulent pas voir à la barre du pays.
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Le mouvement d’opposition – l’union vague de plus de 50 groupes qui a constamment fait descendre des centaines de milliers d’Israéliens dans les rues depuis quatre mois et demi – n’a pas de leadership politique, mais les politiciens de l’opposition, de droite ou de gauche, prennent fréquemment la parole lors des rassemblements.
Dans la mesure où le mouvement n’est pas politique, ses représentants sont convaincus que la question du budget fait partie intégrante du plan de réforme du système judiciaire, affirmant que les concessions financières faites aux principaux alliés du gouvernement sont nécessaires pour maintenir la coalition à flot.
« Les manifestations ne prennent pas une nouvelle direction. Le gouvernement utilise sa technique de saucissonnage et tout cet argent offert à ses acolytes politiques fait partie du danger d’un régime dictatorial », a commenté Josh Drill, porte-parole du mouvement de protestation national.
« Nous avons vu de telles techniques utilisées en Pologne et en Hongrie et nous ne permettrons pas au gouvernement d’atteindre ses objectifs », a-t-il confié au Times of Israel. Il n’y a pas de changement dans les exigences des protestataires, a-t-il ajouté : le plan de réforme du système de la justice doit être purement et simplement abandonné et toute menace potentielle d’avènement d’un régime qui serait par essence non-démocratique doit être levée.
Ami Dror, un militant de premier plan du mouvement qui, dans le passé, était en charge de la sécurité de Netanyahu lorsque le Premier ministre effectuait son premier mandat dans les années 1990, estime de la même manière que « le budget est en lien » avec le plan de réforme judiciaire parce « qu’il est évident que la raison pour laquelle le Premier ministre désire dépenser 13 milliards de shekels en pots-de-vin politiques, c’est la nécessité de maintenir sa coalition » dans un seul but : celui de faire approuver ses projets de loi qui restructureraient radicalement l’équilibre des pouvoirs.
Le cabinet a approuvé, la semaine dernière, 13,7 milliards de fonds de coalition – qui seront principalement alloués au soutien des institutions et des programmes ultra-orthodoxes – une initiative qui a été critiquée avec férocité par les partis de l’opposition.
« Aujourd’hui, nous constatons qu’il n’y a pas d’avancée dans le cadre du coup d’État judiciaire », explique Dror. Mais toutes les initiatives qui peuvent être prises par le gouvernement tendent vers ce but ultime « de manière à ce qu’il puisse enfin le mener à bien », poursuit-il.
Les leaders du mouvement de protestation déclarent avoir la conviction que le gouvernement de Netanyahu accordera de nouveau toute son attention à l’adoption du plan de réforme controversé une fois que le budget aura été définitivement approuvé.
En conséquence, la manifestation qui a eu lieu samedi soir à Tel Aviv – elle est devenue un symbole des rassemblements – a changé son centre d’intérêt, abandonnant le maintien nécessaire de l’indépendance du système judiciaire pour se concentrer sur les allocations sectorielles qui ont été consenties dans le budget.
Les 100 000 manifestants – ou presque – réunis dans la ville ont brandi des panneaux condamnant « le gouvernement des pilleurs », les organisateurs expliquant qu’ils se référaient « à la coalition qui cherche aujourd’hui à offrir 14 milliards de shekels sortis de la poche du contribuable aux partis ultra-orthodoxes et ultra-nationalistes ».
Mercredi dernier, le message était encore plus explicite alors que des milliers de manifestants convergeaient vers l’enclave ultra-orthodoxe de Bnei Brak, où habite le président de la Commission des Finances de la Knesset, le député Moshe Gafni.
Un rassemblement qui voulait dénoncer le budget de l’État que la Commission de Gafni avait approuvé en vue de ses deux derniers votes devant le Parlement, la veille.
« Nous défilons à Bnei Brak pour dire clairement au gouvernement qu’il est en train de détruire ce pays qui est notre foyer – et nous le disons en particulier aux dirigeants ultra-orthodoxes qui, d’un côté, collaborent avec la dictature et qui, de l’autre, pillent les coffres », avaient indiqué les organisateurs avant le rassemblement.
Mardi prochain, les manifestants du secteur high-tech prévoient de se retrouver devant la Knesset pour « mettre un terme au pillage » alors que le budget devrait être présenté aux députés pour ses deux derniers votes.
Si le budget n’est pas adopté avant l’échéance du 29 mai, Israël devra se préparer à retourner aux urnes pour la sixième fois en l’espace de quatre ans.
ביום שלישי ב-17:00 כולנו בכנסת, עוצרים את הביזה. pic.twitter.com/l8uHQn2BwR
— מטה ההייטק (@Techrael1) May 21, 2023
Que cette opposition au budget soit – ou non – l’ouverture d’un nouveau front contre « la dictature » ou le lancement d’une nouvelle campagne contre la coalition qui souhaite limiter le pouvoir du système judiciaire, cette stratégie a entraîné un malaise chez certains manifestants.
« Si nous nous focalisons contre le budget en matière de stratégie, alors nous allons perdre l’élan de notre combat réel », a commenté l’un des leaders d’un groupe d’opposants majeurs qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat auprès du Times of Israel.
D’autres personnalités de premier plan du mouvement ont indiqué qu’il y avait « plus d’orientations que de personnes » et que la douzaine de personnes qui prêtent leur voix au leadership national des manifestations ne sont pas claires sur leurs « objectifs précis ».
La faction du mouvement de protestation représentant le secteur high-tech a exercé en particulier des pressions visant à dénoncer le budget – une faction qui est également profondément inquiète des conséquences d’un budget qui creuserait le déficit sur le positionnement macro-économique d’Israël, en particulier dans la mesure où une nouvelle augmentation des dépenses pourrait faire s’emballer une inflation déjà élevée.
D’autres groupes, au sein du mouvement des manifestations, tentent encore de définir leur positionnement face à cette nouvelle ligne de combat, ce qui souligne les difficultés qu’il peut y avoir pour parvenir à mettre en place un front unifié en présence de nombreuses parties et en l’absence d’un système décisionnaire centralisé.
Dimanche matin, les médias israéliens ont largement donné la parole à des manifestants venus à Tel Aviv qui affirmaient s’être rassemblés contre l’affaiblissement du pouvoir judiciaire – et qui ajoutaient toutefois qu’ils étaient « mal à l’aise » à l’idée de participer à ce qui s’apparentait, selon eux, à un combat contre la communauté ultra-orthodoxe ou contre les membres du mouvement pro-implantations et leurs représentants.
De leur côté, les organisateurs de la manifestation de samedi, à Jérusalem, ont précisé que leur rassemblement visait à dénoncer « les initiatives préjudiciables » du gouvernement et qu’elles n’étaient nullement l’illustration « d’une haine quelconque à l’encontre d’une communauté ou d’une autre au sein de notre foyer israélien – ni à l’encontre des Haredim, ni à l’encontre des communautés laïque ou arabe », ont-ils précisé.
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