La loi de l’Etat-nation n’est pas une arme contre les Arabes – Officiel
Selon le ministère de la Justice, cette loi controversée, invoquée pour refuser un transport vers une école arabe à Carmiel, ne vise pas à "diminuer les droits des enfants"

Un responsable du ministère de la Justice a déclaré lundi à la Knesset que la loi sur l’Etat-nation n’avait pas pour intention de limiter les droits individuels des citoyens, après l’utilisation par un juge de cette législation controversée adoptée en 2018 pour justifier son rejet d’une plainte déposée par des résidents arabes de la ville de Carmiel, dans le nord du pays.
Cette plainte avait accusé une ville du nord d’Israël de contrevenir à son obligation de fournir des transports scolaires à des enfants arabes israéliens pour qu’ils puissent se rendre dans des écoles locales. Mais elle avait été rejetée par la cour des magistrats de Krayot, qui avait estimé que fournir des services aux Arabes encouragerait ces derniers à vivre dans la localité, modifiant son caractère juif.
Eyal Zandberg, responsable du droit public au sein du département du Conseil et de législation du ministère, a indiqué devant la commission spéciale de la Knesset chargée des droits des enfants qu’il apparaissait clairement dans la formulation de la loi que cette dernière « ne devrait pas diminuer les droits des enfants ».
Il a ajouté que, le rejet de la plainte faisant l’objet d’un appel, il ne voulait pas entrer dans les détails. Il a néanmoins souligné que l’Etat n’était pas partie dans le dossier actuellement présenté devant la Cour des magistrats de Krayot.
Yousef Jabareen, président de la commission et membre de la Liste arabe unie, a indiqué que la législation était « raciste » et qu’il fallait absolument « combattre toute tentative de la transformer en une politique qui serait préjudiciable ».

Le juge de la cour des magistrats de Krayot, Yaniv Luzon, avait écrit dans son jugement que fournir des services aux Arabes changerait le caractère de Carmiel qui, avait-il affirmé, est « une ville juive qui avait été créée pour renforcer la présence juive en Galilée ».
« La construction d’une école arabophone ou la mise en place de transports scolaires pour des élèves arabes ou pour qui d’autres pourrait le souhaiter serait susceptible de modifier l’équilibre démographique et le caractère de la ville », avait-il écrit.
Carmiel, une ville du nord d’Israël, a connu récemment un afflux de citoyens arabes issus de la classe moyenne aisée. C’est l’une, parmi plusieurs villes, où se constate une tendance à l’ouverture sur la mixité.
Carmiel avait été l’une des villes stratégiquement établie, au milieu des années 1960, dans le cadre d’une initiative gouvernementale visant à étendre la présence juive en Galilée, où les Arabes constituent la majorité de la population.
Une tentative d’expropriation des terres, d’une importance particulière, qui avait eu lieu au mois de mars 2016 – ces terres devaient servir à élargir plusieurs localités juives du secteur et à en construire d’autres – avait entraîné des émeutes meurtrières et elle reste un épisode douloureux de l’histoire des relations entre les Juifs et les Arabes en Galilée.
Certains résidents – avec, parmi eux, l’adjoint au maire de Carmiel – s’opposent depuis longtemps à d’éventuels changements démographiques. Une ligne d’urgence anonyme dont l’objectif était d’empêcher la vente de terrains aux Arabes avait été ainsi mise en place dès 2010.
Même si les Arabes constituent aujourd’hui environ 6 % de la population de Carmiel – soit environ 2 760 personnes – il n’y a pas d’école arabophone dans la ville. Et les parents arabes sont donc dans l’obligation d’envoyer leurs enfants dans différents établissements scolaires du secteur.
L’avocat Nizar Bakri avait porté plainte au nom de son frère Qassem et de ses deux neveux – dont le droit à l’éducation, avait-il affirmé dans les documents remis au tribunal, avait été substantiellement remis en cause par la difficulté de devoir constamment organiser des transports vers et depuis l’école située hors de la ville.
Bakri avait demandé que la municipalité commence à financer des transports pour les enfants Arabes devant se rendre à l’école dans la zone, et qu’elle rembourse les frais que les familles avaient déjà engagés. Il est difficile de dire, toutefois, si la loi israélienne exige réellement le financement de ce type de transports par les municipalités.

Luzon, le président du tribunal, avait cité la loi dite « sur l’Etat-nation » qui avait été adoptée en 2018 et qui avait entraîné de nombreuses polémiques – cette législation ancre Israël comme étant « le foyer national du peuple juif » et établit que « le droit à l’exercice de l’auto-détermination national, au sein de l’Etat d’Israël, revient exclusivement aux Juifs ».
Elle déclare également que « l’Etat considère l’avancement de l’implantation des Juifs sur le territoire comme une valeur nationale et agira de manière à encourager et à défendre cette implantation ».
« Le développement de l’implantation des Juifs sur le territoire est donc une valeur nationale qui est inscrite dans une loi fondamentale. Cette considération doit donc être mise en avant et impérativement prise en compte dans toutes les réflexions menées par la municipalité, notamment en ce qui concerne l’établissement d’écoles et le financement des transports scolaires », avait continué Luzon.
La Haute-cour de justice devrait débattre d’un appel qui avait été déposé par le groupe de défense des droits des Palestiniens Adalah contre la loi sur l’Etat-nation, à la fin du mois de décembre dernier. Le tribunal a ordonné au gouvernement de justifier son positionnement dans les jours à venir.
Aaron Boxerman a contribué à cet article.