Israël en guerre - Jour 560

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« Carmiel est une ville juive », dit la cour à des élèves arabes

Le juge rejette la plainte réclamant des transports vers une école arabophone de la ville, citant la loi polémique sur l'Etat-nation de 2018 qui promeut le caractère juif du pays

Une vue de la ville de Carmiel, dans le nord d'Israël, le 2 mars 2016. (Crédit : FLASH90)
Une vue de la ville de Carmiel, dans le nord d'Israël, le 2 mars 2016. (Crédit : FLASH90)

Une plainte qui avait accusé une ville du nord d’Israël de contrevenir à son obligation de fournir des transports scolaires à des enfants arabes israéliens pour qu’ils puissent se rendre dans des écoles locales a été rejetée dans la matinée de lundi, pour en partie protéger « le caractère juif de la ville », a noté le tribunal.

Le juge de la cour des magistrats de Krayot, Yaniv Luzon, a écrit dans son jugement que fournir des services aux Arabes changerait le caractère de Carmiel qui, a-t-il affirmé, est « une ville juive qui avait été créée pour renforcer la présence juive en Galilée ».

« La construction d’une école arabophone ou la mise en place de transports scolaires pour des élèves arabes ou pour qui d’autres pourrait le souhaiter serait susceptible de modifier l’équilibre démographique et le caractère de la ville », a-t-il écrit.

Carmiel, une ville du nord d’Israël, a connu récemment un afflux de citoyens arabes issus de la classe moyenne aisée. C’est l’une, parmi plusieurs villes, où se constate une tendance à l’ouverture sur la mixité.

Carmiel avait été l’une des villes stratégiquement établie, au milieu des années 1960, dans le cadre d’une initiative gouvernementale visant à étendre la présence juive en Galilée, où les Arabes constituent la majorité de la population.

Une tentative d’expropriation des terres, d’une importance particulière, qui avait eu lieu au mois de mars 2016 – ces terres devaient servir à élargir plusieurs localités juives du secteur et à en construire d’autres – avait entraîné des émeutes meurtrières et elle reste un épisode douloureux de l’histoire des relations entre les Juifs et les Arabes en Galilée.

Certains résidents – avec, parmi eux, l’adjoint au maire de Carmiel – s’opposent depuis longtemps à d’éventuels changements démographiques. Une ligne d’urgence anonyme dont l’objectif était d’empêcher la vente de terrains aux Arabes avait été ainsi mise en place dès 2010.

« Nous devons prévenir les conflits non-nécessaires entre Juifs et Arabes », avait expliqué à ce moment-là l’adjoint au maire Oren Milstein. « Nous devons vivre les uns à côté des autres et sûrement pas à une telle proximité. Il y a déjà 1 000 habitants arabes à Carmiel, et très bientôt, ils vont nous demander une mosquée ».

Même si les Arabes constituent aujourd’hui environ 6 % de la population de Carmiel – soit environ 2 760 personnes – il n’y a pas d’école arabophone dans la ville. Et les parents arabes sont donc dans l’obligation d’envoyer leurs enfants dans différents établissements scolaires du secteur.

L’avocat Nizar Bakri avait porté plainte au nom de son frère Qassem et de ses deux neveux – dont le droit à l’éducation, avait-il affirmé dans les documents remis au tribunal, avait été substantiellement remis en cause par la difficulté de devoir constamment organiser des transports vers et depuis l’école située hors de la ville.

Bakri avait demandé que la municipalité commence à financer des transports pour les enfants Arabes devant se rendre à l’école dans la zone, et qu’elle rembourse les frais que les familles avaient déjà engagés. Il est difficile de dire, toutefois, si la loi israélienne exige réellement le financement de ce type de transports par les municipalités.

Les directives émises par le ministère de l’Education établissent que « l’obligation d’organiser les transports et de les mettre en place revient aux autorités locales où résident les élèves. Le ministère de l’Education ne participe pas à l’organisation des transports et ne prend part qu’à leur financement ».

Une partie du financement, dans les faits, est assurée par les autorités locales, affirme de son côté Emad Jaraisi, chercheur à l’Injaz, une organisation à but non-lucratif qui cherche à promouvoir les autorités locales arabes au sein de l’Etat juif.

L’avocat Nizar Bakri, résident de Carmiel qui a porté plainte au nom de ses neveux pour demander à la municipalité de financer les transports scolaires des enfants arabes israéliens dans le secteur. (Autorisation)

« Si vous demandez au ministère de l’Education, je suis sûr qu’on vous dira que le financement est suffisant. Si vous posez la question aux autorités locales, on va vous dire que ce n’est pas assez et que ce sont elles qui paient de leurs propres poches pour les élèves », commente Jaraisi.

Luzon, le président du tribunal, a présenté de nombreuses raisons pour rejeter la plainte, notamment qu’il n’y avait aucune obligation légale, de la part de la municipalité, de consacrer des fonds aux transports et que les plaignants auraient dû intenter des poursuites contre le ministère de l’Education plutôt que contre la municipalité de Carmiel.

Bakri, pour sa part, a contesté les critiques émises par le juge. Il a déclaré qu’il présenterait une plainte, dans les prochains mois, qui répondrait à la majorité des arguments présentés par le magistrat et qui comprendrait la municipalité et le ministère de l’Education.

Mais c’est la dernière raison invoquée par Luzon qui a immédiatement suscité la controverse : celle de la nécessité induite par la préservation du caractère juif de la ville.

Ainsi, Luzon a cité la loi dite « sur l’Etat-nation » qui avait été adoptée en 2018 et qui avait entraîné de nombreuses polémiques – cette législation ancre Israël comme étant « le foyer national du peuple juif » et établit que « le droit à l’exercice de l’auto-détermination national, au sein de l’Etat d’Israël, revient exclusivement aux Juifs ». Elle déclare également que « l’Etat considère l’avancement de l’implantation des Juifs sur le territoire comme une valeur nationale et agira de manière à encourager et à défendre cette implantation ».

« Le développement de l’implantation des Juifs sur le territoire est donc une valeur nationale qui est inscrite dans une loi fondamentale. Cette considération doit donc être mise en avant et impérativement prise en compte dans toutes les réflexions menées par la municipalité, notamment en ce qui concerne l’établissement d’écoles et le financement des transports scolaires », a continué Luzon.

Le jugement a entraîné immédiatement de nombreuses critiques. Bakri, l’avocat qui avait déposé plainte, a estimé que le juge « s’est éloigné du dossier qui nous intéresse » et qu’il se montrait « raciste ».

« A tous ceux qui ont pu dire que la loi sur l’Etat-nation n’était pas dangereuse et qu’elle était purement symbolique – le jugement émis aujourd’hui à Carmiel indique la direction qu’elle peut prendre. En invoquant un ‘caractère juif’, il est possible de discriminer des Arabes – en vertu de la loi sur l’Etat-nation », a déclaré la députée de la Liste arabe unie Aida Touma-Suleiman, ajoutant que cette loi était de celles qui « créent l’apartheid ».

La Haute-cour de justice devrait débattre d’un appel qui avait été déposé par le groupe de défense des droits des Palestiniens Adalah contre la loi sur l’Etat-nation, à la fin du mois de décembre dernier. Le tribunal a ordonné au gouvernement de justifier son positionnement dans les jours à venir.

« Au nom de l’implantation des Juifs sur le territoire placée au rang de valeur nationale, les citoyens arabes palestiniens d’Israël ne peuvent même pas recevoir des services égalitaires de la part des municipalités », a déploré Nareman Shehadeh-Zoabi, avocat à Adalah.

Si la plus grande partie des Arabes israéliens vivent dans des villes à majorité arabe, un certain nombre de « villes mixtes » – comme Tel Aviv, Akko, Jérusalem, Haïfa ou Lod – existent depuis la fondation de l’Etat.

Au cours des dernières décennies, un certain nombre de villes qui étaient jusqu’alors presque entièrement juives ont vu s’installer des communautés arabes de plus en plus importantes. Les villes et villages arabes manquent d’assistance gouvernementale en termes de planification et de construction.

Parmi eux, il y a Nof HaGalil – qui était connu, dans le passé, sous le nom de Nazareth Illit – et qui a récemment élu un adjoint au maire arabe. D’autres villes, comme Beer Sheva et Carmiel, sont « des villes qui sont sur la voie de la mixité », avait établi un rapport rédigé en 2018 par l’Institut israélien de la démocratie.

Vue d’une route principale de Carmiel, une ville du nord d’Israël, le 8 novembre 2017. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

« Cela fait environ 20 ans que nous constatons ce phénomène qui est celui d’Arabes israéliens s’installant dans des villes juives, résidant hors des villes et des villages arabes », continue Jaraisi. « Ils s’intègrent – mais ils ne s’assimilent pas – dans la société israélienne ».

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