La pandémie fait de la plus grande célébration juive du monde un petit événement
Deux cent personnes ont célébré Lag BaOmer sur le mont Meron en Galilée, contre 250 000 normalement ; quand un chanteur a parlé de "l'énergie", les gens ont cru qu'il plaisantait
MONT MERON, nord d’Israël – Lundi soir, la crise du Covid-19 a transformé la plus grande célébration juive du monde, normalement caractérisée par des hordes de danseurs en transe, en une série de petites cérémonies discrètes.
Moins d’un millième de la foule habituelle était présente au sommet de la colline de Galilée, qui accueille habituellement une fête annuelle effrénée débordant de feux de joie et de musique perceptible de loin.
En temps normal, Lag BaOmer, qui a eu lieu lundi soir et mardi, voit quelque 250 000 personnes, Israéliens et pèlerins juifs du monde entier, se rassembler devant la tombe du rabbin et mystique du deuxième siècle Shimon Bar Yohai.
Cette année, moins de 200 personnes ont été autorisées à faire la fête sur le site, divisées en trois groupes, chacun ayant droit à une heure et demie de feu de joie et de flammes, puis se voyant dire par la police de partir.
L’un des rares rires de la soirée aura été celui du chanteur ultra-orthodoxe Mendi Jerufi, qui a déclaré sur scène qu’il y avait une grande « énergie ». L’audience a soupçonné une pointe de sarcasme.
Il a expliqué au Times of Israel après son concert qu’il n’était pas sarcastique et qu’il pensait que même avec un nombre réduit de participants, l’événement était spécial, mais qu’il était bien conscient de la tristesse qui y régnait.
« C’est un jour heureux, mais dans une situation triste », a commenté Mendi Jerufi, s’exprimant à travers un masque. Il a ajouté qu’il était « très ému » de monter sur scène, car il avait l’impression de chanter ses chants sacrés « pour les nombreuses personnes qui voulaient venir, mais qui n’ont pas pu ».
Ce soir-là, trois célébrations par culte ont eu lieu, l’une après l’autre : ashkénaze ultra-orthodoxe, séfarade ultra-orthodoxe et sioniste religieuse. Chacun ne disposant que de 90 minutes, ils ont dû se contenter de discours, d’allumer des feux de joie miniatures et d’écouter de la musique. Si les chanteurs ont essayé de créer une atmosphère de fête, les rassemblements ont été moins festifs et plus cérémonieux.
Nissim Khabit, 48 ans, qui vit près de Meron, a qualifié les événements de « très tristes », ajoutant qu’il fait habituellement la fête avec des gens de tout Israël et des visiteurs venus d’Amérique pour l’occasion. « Tout le peuple juif aurait dû être présent sur ce site, pour s’imprégner de l’immense sentiment d’unité que l’on ressent habituellement ici ».
Les policiers présents à l’événement étaient bien plus nombreux que les participants à la fête. De nombreux agents se tenaient à proximité les uns des autres et bafouaient l’obligation de porter des masques qu’ils étaient censés faire respecter – mais ils sont parvenus à limiter strictement le nombre de participants à ces événements.
Des dizaines de barrages routiers ont été installés autour du site religieux, et seuls les quelques personnes autorisées à y entrer pouvaient s’en approcher. « Il y avait 2 500 policiers qui sécurisaient l’événement », a indiqué Shabtai Garbachik, porte-parole de la police pour les événements religieux, au Times of Israel, ajoutant que de nombreuses personnes non autorisées avaient tenté d’entrer, « mais nous étions prêts ».
Les accréditations se limitaient pour la plupart à des rabbins de premier plan, à quelques-uns de leurs disciples, à une poignée d’habitants du coin et à quelques hommes politiques. Les rabbins ont joué un rôle majeur dans la détermination des personnes accréditées et ont sélectionné une liste d’invités presque exclusivement masculins.
Bien qu’une plainte ait été déposée auprès de la Cour suprême de justice plus tôt dans la journée par des représentantes des femmes, demandant une plus grande représentation, elle a été rejetée, car elle est arrivée trop tard pour être prise en compte.
L’application réussie de la réglementation relative au coronavirus sur le mont Meron ne s’est pas reflétée partout en Israël. Dans certains endroits, dont Jérusalem et Beit Shemesh, les gens ont bafoué les règles et se sont rassemblés en grand nombre pour faire la fête. Selon une déclaration du gouvernement, le conseiller à la sécurité nationale Meir Ben-Shabbat a exprimé des inquiétudes quant au fait qu’un tel comportement était susceptible de conduire à des épidémies de coronavirus. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a « fermement condamné la violation des règles ».
Le rassemblement annuel de Meron a lieu sur la tombe de rabbi Shimon Bar Yohai, car on pense que Lag BaOmer est l’anniversaire de sa mort. Et certaines des personnes présentes étaient convaincues que, depuis les cieux, Shimon Bar Yohai jouerait un rôle dans la fin de la pandémie.
« Je crois que grâce à son mérite, le coronavirus peut s’arrêter », a ainsi déclaré Naftali Tzemach, 30 ans, de Jérusalem. Netanel Dawa, de Bnei Brak, a exprimé un espoir similaire, disant que c’était une attente logique, car il était « un grand tzadik [personne juste] ». Ils ont dit croire que les efforts faits pour honorer l’anniversaire de la mort du rabbin mystique contribueraient à assurer son intervention céleste.
Lag BaOmer est depuis longtemps associé au thème des fléaux. On dit que c’est le jour où, pendant la vie de Shimon Bar Yohai, une peste a pris fin après avoir tué 24 000 savants de la Torah. Naftali Tzemach, Netanel Dawa et d’autres ont évoqué la croyance selon laquelle le pouvoir spirituel du rabbin, qui a survécu à la peste, avait permis d’y mettre fin.
Cette affirmation a circulé récemment dans les communautés religieuses et a surpris certains historiens juifs. « En fait, je l’ai entendue pour la première fois hier », a déclaré Jeffrey Woolf, rabbin orthodoxe et professeur de Talmud à l’université Bar-Ilan, dans une interview téléphonique mardi.
Il a dit que si une source concernant cette affirmation a pu voir le jour, il n’en avait pas connaissance. Il a ajouté : « Même s’il y a une source, le fait que cette histoire fasse surface maintenant est une indication puissante de la recherche de réponses et de remèdes à une époque d’épidémie ».
Lundi soir, à Meron, le nuage de la pandémie a fortement pesé sur l’ensemble de l’événement. « Cela n’a jamais été comme ce que j’ai vécu ici à Lag BaOmer », a commenté Tzvi Tessler, un journaliste Haredi pour la Vingtième chaîne, disant que cela manquait d’exaltation.
Il l’a confié au Times of Israel : « Je viens ici depuis que je suis sur les épaules de mon père, et aussi depuis ces sept dernières années où c’est devenu plus gigantesque que jamais. Cela n’aurait pas pu être plus différent ».
Motti de Bnei Brak, qui n’a pas voulu donner son nom de famille, s’est exclamé : « Il y a de la place pour bouger ! En général, on ne peut pas bouger ici. Chaque année, on se fait écraser ». Il estime que limiter le nombre de personnes était « la bonne décision, mais c’est vraiment, vraiment triste ».
Mardi, des affrontements ont éclaté au mont Meron après qu’un groupe de jeunes ultra-orthodoxes a pénétré dans le lieu de sépulture du rabbin Shimon Bar Yochai, a rapporté la Douzième chaîne. Des images diffusées par le réseau montrent des policiers se heurter avec un certain nombre de jeunes hommes Haredi.
חלק מכוחות המשטרה עזבו את ההר.
המונים הצליחו לפרוץ למירון.
מהומה גדולה במקום.
המוזיקה הופסקה.
מהומה גדולה במקום. pic.twitter.com/mnYroKtgGg— ישי כהן (@ishaycoen) May 12, 2020