Lassés des lois du Shabbat, ces Israéliens laïcs trouvent un service de bus pour la plage
Noa Tnua, une petite coopérative de transports de bus de Tel Aviv, organise une collecte de fonds participative pour élargir ses services vers la côte durant le week-end, lorsque la majorité des transports publics sont à l'arrêt

JTA — Ces Israéliens laïcs en ont assez de devoir se soumettre aux lois du Shabbat le week-end. Et ils vont à la plage.
Noa Tnua, une petite coopérative de bus de Tel Aviv, a obtenu des centaines de milliers de shekels grâce à un financement participatif pour élargir de manière spectaculaire ses services vers la côte pendant le week-end, alors que la majorité des transports publics dans le pays sont à l’arrêt pour observer la journée de repos.
Environ 2 600 personnes ont donné des fonds en ligne – un record cette année sur la plate-forme populaire Headstart.
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« La réussite de cette campagne révèle seulement combien les gens sont lassés de la situation du jour du Shabbat », a commenté le fondateur et président de Noa Roy Schwartz Tichon. « Si vous n’avez pas les moyens d’avoir une voiture en Israël, vous êtes simplement coincés chez vous le week-end. »
Cet afflux inespéré de plus de 313 000 shekels (soit 87 000 dollars) depuis le 15 mars – ce qui est presque le double de l’objectif original fixé par Noa Tnua – a été suscité par une frustration largement partagée concernant l’interdiction des transports publics en Israël le jour du Shabbat.
Mais les partisans du « statu quo » religieux dans le pays – défendu par les politiciens ultra-orthodoxes – qualifient de telles initiatives de menace faite au caractère juif de l’état.
Noa Tnua, ce qui signifie « Avancer » en hébreu, a promis d’utiliser la rentrée d’argent inattendue de ce financement participatif pour ouvrir deux nouvelles lignes de bus cette année – l’une le long de la Route 18 depuis Tel Aviv au sud, vers Jaffa et Bat Yam, et une autre depuis la ville de Beer Sheva dans le Negev vers la municipalité côtière d’Ashkelon. Une enquête publique visant à déterminer une troisième ligne a été prévue au mois de juin.
Le groupe a aussi indiqué qu’il offrirait des voyages gratuits aux militaires sur la Route 18 jusqu’à la fin de l’année et consacrerait au moins 180 000 shekels (50 000 dollars) pour financer des déplacements en faveur des populations défavorisées. La campagne s’achèvera dimanche.
Schwartz Tichon, étudiant de 24 ans à l’Université ouverte d’Israël, a lancé la toute première ligne de bus de Noa Tnua en juin 2015 le long de la Route 63 très fréquentée entre Tel Aviv et ses banlieues de Ramat Gan et de Givatayim. Utilisant l’argent qu’il avait économisé au cours de son service militaire obligatoire, il a débuté les activités de son organisation à but non lucratif avec les deux membres de son conseil, Noam Tel-Verem, 25 ans et Lior Tavori, 32 ans.
Chaque samedi, un bus de 53 places loué arpente la route cinq fois, marquant à peu près 30 arrêts, et ce de 9 heures du matin à 6 heures du soir. Presque 2 000 personnes se sont enregistrées auprès de ce service jusqu’à présent, et des centaines l’utilisent pendant les week-ends d’été.
Elia Halpern, 46 ans, sténographe auprès d’un tribunal et mère célibataire originaire de Ramat Gan, emprunte les lignes mises à disposition par Noa Tnua depuis le début. Elle indique qu’avoir eu accès au bus a été comme « une libération de prison ». Avant de découvrir Noa Tnua sur Facebook, elle passait majoritairement ses samedis chez elle parce qu’elle ne pouvait payer des voyages aller et retour en voiture ou en taxi à Tel Aviv, à proximité.
« Maintenant nous allons au cinéma ou nous allons rendre visite à ma famille à Tel Aviv », dit Halpern. « J’ai récemment emmené mon fils à la plage un samedi pour la première fois. Il était tellement excité. Roy a vraiment réalisé quelque chose d’étonnant pour moi et pour les autres habitants du secteur ».
Israël interdit la plupart des transports publics lors du Shabbat sur la base d’un accord passé en 1947 entre le Premier ministre David Ben-Gourion et le mouvement Agudath Yisrael, qui représentait la petite communauté ultra-orthodoxe de l’époque. Cette convention de statu-quo est devenue la base de nombreux arrangements religieux en Israël notamment dans les domaines de la casheroute, du mariage et de l’éducation.
Les autorisations et les failles contenues dans les réglementations émises par le ministère des Transports, adoptées en 1991, ont laissé un nombre limité de lignes de bus en état de fonctionnement le jour du Shabbat. Et les navettes ou « sherouts », circulent dans – et entre – certaines villes considérées comme des bases vitales de transport et comme les régulations l’autorisent.
A Jérusalem, un service de bus privé appelé Shabus fonctionne depuis 2015. En travaillant en tant que collectif, le groupe contourne l’exigence d’une autorisation gouvernementale préalable.
Noa Tnua est structuré de la même façon. Les membres s’inscrivent en ligne gratuitement et paient neuf shekels par transport via l’application sur smartphone HopOp, qui traite les paiements après Shabbat.
Tandis que les Israéliens ont des points de vue complexes et variés sur les questions de la synagogue et de l’état, il existe un large soutien au maintien des transports publics le jour du Shabbat. Une enquête commandée l’année dernière par Hiddush, un groupe qui promeut le pluralisme religieux, a révélé que 72 % des sondés souscrivent à l’idée de conserver au moins certains bus et navettes en fonctionnement entre le vendredi après-midi et le samedi soir.

Des centaines de donateurs ont publié des commentaires de soutien sur la page de financement participatif de Noa Tnua, un grand nombre d’entre eux déplorant le statu-quo.
« Un projet réussi. Quand il y a une coercition religieuse, ceux qui s’intéressent à conserver les libertés dans l’état doivent s’unir », a écrit un commentateur jeudi.
« Une initiative véritablement la bienvenue jusqu’à ce que ce pays revienne à la raison et qu’il y ait des transports public pour la population entière », a posté un autre.
Schwartz Tichon, qui a grandi à Haïfa qui considère les bus du Shabbat comme allant de soi, a indiqué que les Orthodoxes ne devraient pas être en mesure de dicter la manière dont le pays entier gère ses week-ends, et en particulier lorsque ce sont les plus pauvres qui sont touchés en premier lieu par ces décisions. Il ajoute que son objectif ultime est de faire des transports publics le jour du Shabbat une réalité que le gouvernement n’aura plus qu’à accepter.
« Si les trois-quarts du pays veulent quelque chose, ils l’obtiendront un jour », a-t-il dit. « Nous sommes la ‘nation des start-ups’, nous savons comment changer les choses ».
Mais peu comptent sur une action de la Knesset israélienne, où les partis politiques haredim ont une influence considérable et en particulier sur les questions religieuses. Les Haredim et leurs partisans affirment que le Shabbat doit être protégé au nom de l’unité juive.
Lors d’un débat avec Schwartz Tichon diffusé la semaine dernière par la Dixième chaîne israélienne, le journaliste haredi Benny Rabinovich a abordé ce sujet et a juré de s’opposer sans relâche à Noa Tnua.
« Si nous voulons rester un état juif -laïques, religieux, Haredim, Ashkénazes, Séfarades, chacun d’entre nous – la seule chose qui nous unit en tant que Juifs est le Shabbat. Rien d’autre », a estimé Rabinovich. « Je ferai en sorte que cette ligne de bus soit fermée parce que vous entreprenez des choses qui sont interdites par la loi. Je vous promets que je ferai tout ce qu’il faudra au ministère de l’Intérieur. Je n’abandonnerai pas.
Halpern, qui a donné 50 shekels à la campagne de Noa Tnua, prône pour sa part une mentalité de « vivre et laisser vivre ».
“Nous ne devons pas les forcer à avoir des bus dans leurs quartiers », dit-elle, « mais ils ne doivent pas nous contraindre non plus à ne pas en avoir ».
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