Israël en guerre - Jour 399

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Analyse

L’attaque très réussie – quoique limitée – d’Israël laisse l’Iran plus vulnérable que jamais

Alors que des parts déterminantes du système de défense antiaérienne du pays - et le Hezbollah - ont été affaiblis, Téhéran sait bien que l'armée de l'air pourrait revenir, ce qui pourrait pousser l'Iran à avancer de plus belle vers la bombe et l'État juif à tenter de le freiner

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Un avion de ravitaillement Boeing 707 de l'armée israélienne et plusieurs avions de chasse F-35 et F-15 effectuent un exercice au large des côtes d'Israël, le 15 août 2024. (Crédit : Armée israélienne)
Un avion de ravitaillement Boeing 707 de l'armée israélienne et plusieurs avions de chasse F-35 et F-15 effectuent un exercice au large des côtes d'Israël, le 15 août 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Les responsables israéliens ne se sont pas beaucoup exprimés au sujet des frappes aériennes qui ont pris l’Iran pour cible, samedi en tout début de matinée. Ce qui ne diminue en rien la portée de cette opération.

Une opération qui semble s’être déroulée exactement comme prévu, sans aucune perte enregistrée du côté israélien. Ce qui est, en soi, une réussite majeure.

Les risques inhérents à un raid mené à 1 600 kilomètres de l’espace aérien israélien sont redoutables. Une complication mineure est susceptible de se transformer en piège mortel.

Les frappes avaient été programmées en prenant pour hypothèse que les avions de chasse seraient en capacité de se réapprovisionner en carburant à proximité de l’Iran. Mais si une composante, même mineure, de ce système de réapprovisionnement avait connu un dysfonctionnement, ou si un moteur était tombé en panne, son pilote aurait dû envisager un atterrissage dangereux en territoire probablement ennemi. Toutes les capacités d’urgence et de soutien que l’armée de l’air est en mesure de déployer au cours de ses opérations à Gaza et au Liban deviennent sans pertinence à une telle distance des frontières de l’État juif.

Toutefois, à notre connaissance, aucun dysfonctionnement de ce type n’a eu lieu, ce qui témoigne non seulement des compétences des pilotes israéliens mais aussi du professionnalisme des militaires en charge de la maintenance technique et logistique des appareils au sein de l’armée de l’air.

Et ce sont des dizaines d’avions de chasse qui ont pu s’approcher suffisamment de l’Iran pour attaquer des cibles militaires du pays à l’aide de plusieurs vagues de frappes de précision.

La république islamique avait connaissance de cette attaque à venir depuis des semaines – et il est possible qu’elle ait obtenu des renseignements indirects sur le moment choisi par l’État juif pour lancer ces frappes. Elle n’a pourtant rien pu faire pour empêcher les avions de mener leur raid, de manière délibérée et systématique.

Une image non confirmée circulant sur les réseaux sociaux voulant montrer le site d’une explosion dans la région de Téhéran aux premières heures du 26 octobre 2024, alors qu’Israël annonce avoir effectue des « frappes précises » sur des cibles militaires iraniennes. (Crédit : Réseaux sociaux ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Aujourd’hui l’Iran – et ses structures gazières et nucléaires – sont plus vulnérables que jamais. Les systèmes de défense anti-aérienne les plus avancés du régime ont été détruits et les remplacer – si le fournisseur du régime des mollahs, la Russie, a la volonté et les capacités de le faire – demandera du temps. Les systèmes de défense anti-aérienne iraniens, qui ont été inefficaces, samedi, le sont encore davantage maintenant que ses batteries et ses radars ont été détruits.

En plus de la désactivation de ses systèmes de défense anti-aérienne – des sommes considérables avaient été investies dans ces derniers derniers – la république islamique a également perdu son principal outil de dissuasion à l’égard d’Israël. Après des semaines de frappes dévastatrices contre le Hezbollah – avec l’assassinat de ses dirigeants et les opérations menées par les troupes israéliennes dans le sud du Liban, sur le terrain – le groupe terroriste parvient à tirer quelques centaines de roquettes sur Israël par jour. Mais c’est tout. Il a perdu la capacité d’influencer d’une manière ou d’une autre les décisionnaires israéliens concernant d’éventuelles frappes en direction de l’Iran. Hassan Nasrallah, le chef de longue date du Hezbollah, a été tué et les avions israéliens ont frappé directement la république islamique. D’un autre côté, la vie quotidienne se poursuit dans la majeure partie d’Israël.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, tenant un fusil alors qu’il prononce un sermon lors de la cérémonie de la prière du vendredi à Téhéran, en Iran, le 4 octobre 2024. Derrière lui se trouve un portrait du fondateur de la République islamique, Ruhollah Khomeini. (Credit : Khamenei.ir/AFP)

La frappe israélienne a peut-être été quelque peu limitée en termes de dégâts réels mais ce qui compte, c’est le message qui a été adressé au Guide suprême – fragile – Ali Khamenei et au Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran : Israël peut atteindre des sites stratégiques en Iran et frapper toutes les cibles que l’État juif sera amené à choisir, et Téhéran ne pourra pas l’en empêcher.

Cette fois-ci, il s’agissait de sites militaires, mais les dirigeants iraniens doivent se demander ce qu’il faudrait de plus pour qu’Israël focalise son attention sur des cibles d’une plus grande valeur stratégique – installations pétrolières, symboles du régime et, bien sûr, programme nucléaire.

Des pilotes d’avions de chasse de l’armée de l’air israélienne se préparant à partir pour des frappes en Iran, à l’aube du 26 octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Et les choses pourraient encore empirer pour Téhéran. La Maison Blanche de Joe Biden et Kamala Harris se sont efforcés de limiter les représailles israéliennes contre les deux attaques aux missiles qui avaient été lancées par l’Iran cette année, craignant une escalade vers une guerre régionale susceptible d’entraîner les États-Unis. Pas de risque non plus pour Téhéran de voir Biden ordonner une frappe américaine sur le sol iranien.

Au grand dam de la république islamique, il y a de fortes probabilités que Donald Trump revienne au pouvoir au mois de janvier. Le retour du président imprévisible qui avait ordonné l’élimination du célèbre chef de la Force Quds du Corps des gardiens de la révolution, Qassem Soleimani, et qui avait remplacé l’accord nucléaire qui avait été signé en 2015 par une stratégie de pressions maximales, en plus du nouveau positionnement agressif qu’a adopté Israël à l’encontre de l’axe iranien, est un scénario dangereux pour Téhéran.

La candidate démocrate à la présidence, la vice-présidente Kamala Harris, le 20 août 2024 et le candidat républicain à l’élection présidentielle, l’ancien président Donald Trump, le 21 août 2024. (Crédit : Jacquelyn Martin/AP ; Chuck Burton/AP)

Ce qui signifie pas que l’Iran ne réagira pas à l’attaque de samedi. La république islamique est réfractaire à l’idée de laisser apparaître une faiblesse, quelle qu’elle soit, devant sa population rebelle et devant ses proxies. L’arsenal de missiles balistiques de Téhéran est important et il peut tout à fait entraîner des dégâts pour Israël – même si la majorité de ses frappes sont interceptées par Tsahal et les alliés de l’État juif. Les Israéliens ne sont pas d’humeur à supporter des attaques massives de l’Iran, même si les dommages ont été relativement limités jusqu’à présent.

Reste la question toujours pressante du programme nucléaire iranien. Avec une pression croissante sur le régime et un sentiment grandissant de vulnérabilité, ce scénario pourrait-il pousser Khamenei à ordonner une accélération du travail livré pour permettre au pays de se doter d’une arme atomique, ce qui autoriserait le régime à présenter une nouvelle force de dissuasion puissante à l’encontre d’Israël et des États-Unis ?

C’est certainement possible. Mais après la frappe de samedi, il est également plus probable qu’Israël estimera que l’État juif a la capacité – et l’obligation – de causer des dommages significatifs à ce programme par une nouvelle série d’attaques.

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