Le nouveau ministre de la Justice rencontre la présidente de la Cour suprême
Amir Ohana avait dit, la semaine dernière, qu'il ne fallait pas nécessairement obéir à tous les jugements des tribunaux ; Esther Hayut avait alors mis en garde contre "l'anarchie"
Le ministre de la Justice Amir Ohana a rencontré la magistrate et présidente de la cour suprême Esther Hayut jeudi, leur premier entretien depuis la nomination du ministre au poste, la semaine dernière, et suite à une polémique publique entre les deux hauts-responsables en raison de propos controversés tenus par Ohana, qui avait déclaré que tous les jugements émis par les tribunaux ne devaient pas être nécessairement respectés.
Cette réunion a été organisée par les deux responsables pour tenter d’afficher leur coopération suite à la querelle. Dans un communiqué conjoint transmis dans le sillage de la rencontre, ils ont affirmé s’être penchés sur des « problèmes à l’ordre du jour du système judiciaire » et sur « la coopération substantielle exigée entre le système judiciaire et le ministre pour aider à avancer sur ces questions ».
Ils ont également convenu de s’entretenir toutes les deux semaines pendant toute la durée du mandat d’Ohana, qui devrait rester à la tête du ministère au moins jusqu’au mois de novembre, lorsqu’un nouveau gouvernement prêtera serment à l’issue des élections du 17 septembre.
Ohana, député du Likud qui a pris ses nouvelles fonctions mercredi dernier, avait vivement critiqué les tribunaux.
Dans l’une de ses premières interviews en tant que ministre de la Justice, le jour même de sa prestation de serment, il avait insinué devant les caméras de la Douzième chaîne qu’il n’était pas toujours approprié d’adhérer aux jugements émis par la haute-cour de justice – et tout particulièrement quand ces jugements pouvaient mettre des vies en danger.
En exemple, il avait clamé que la Haute cour avait rejeté une demande de l’armée israélienne de détruire des constructions palestiniennes à Gaza, en 2004, qui étaient situées le long de la route de Kissufim. Des terroristes palestiniens avaient ultérieurement ouvert le feu et tué une femme israélienne, Tali Hatuel, qui était alors enceinte, et ses quatre filles depuis ces bâtiments.
« L’ultime élément à prendre en compte », avait-il déclaré alors qu’il lui avait été demandé s’il fallait parfois ignorer les jugements émis par la Cour suprême, « doit être la préservation de la vie des citoyens ».
Les propos d’Ohana avaient suscité une polémique dans les médias israéliens, qui avaient rappelé que l’Etat avait abandonné sa demande de démolition en 2004 avant les audiences de la Cour, et que jamais le tribunal n’avait en conséquence pu émettre un tel jugement.
Hayut avait pour sa part directement réprimandé le nouveau ministre de la Justice qui, selon elle, allait mener le pays à « l’anarchie ».
Elle avait fustigé une « vision du monde irresponsable et sans précédent dans la sphère judiciaire » de la part du ministre qui, selon elle, revenait à affirmer que « tout justiciable peut désormais – avec la bénédiction du ministre de la Justice – choisir quel verdict doit être respecté ou non ».
Ohana avait également été critiqué par le procureur général Avichai Mandelblit et d’autres responsables.
Même le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a en Ohana un soutien loyal, avait écrit sur Twitter que tous les Israéliens devaient se conformer aux jugements émis par les tribunaux.
Les décisions de justice concernent tout le monde, avait écrit Netanyahu.
Ohana, qui était avocat avant de se tourner vers la politique, s’est ultérieurement empressé de clarifier son intention de respecter les décisions de la Cour suprême, expliquant qu’il n’avait fait référence qu’au cas le plus extrême où un « drapeau noir » avait entaché une décision judiciaire.
« De mon point de vue, la seule et unique responsabilité de l’Etat est le bien-être et la sécurité des citoyens », avait-il fait savoir dans une déclaration, ajoutant que « pour ce que soit clair : sans système judiciaire, il est impossible d’avoir une démocratie ».
La semaine dernière, Ohana avait également utilisé son discours inaugural de ministre à la Knesset pour déclarer que le système judiciaire israélien était « le moins démocratique » des trois branches du gouvernement, jurant de procéder à des changements qui, selon lui, entraîneraient un système plus réactif.