Le père d’Ori Danino lance un appel à Netanyahu « au nom des otages toujours à Gaza »
Le rabbin Elhanan Danino demande au Premier ministre, qui a rendu visite à la famille avec son épouse Sara, de "renforcer l'amour d'Israël" et de cesser de faire de la politique
Ori Danino, soldat de la brigade des parachutistes en permission, a été capturé par des terroristes du groupe palestinien du Hamas lors du festival de musique Supernova, après être retourné sur le site pour tenter de sauver ses amis. Il a été retenu en otage pendant onze mois avant d’être exécuté à bout portant par le groupe terroriste il y a deux semaines. La dépouille de Danino a été retrouvée par les troupes de Tsahal dans un tunnel à Rafah, au sud de Gaza, le 31 août, ainsi que ceux d’Eden Yerushalmi, de Carmel Gat, de Hersh Goldberg-Polin, d’Alex Lobanov et d’Almog Sarusi.
La semaine dernière, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son épouse Sara se sont rendus au domicile de la famille Danino à Jérusalem pour la shiva.
Des enregistrements diffusés pour la première fois lundi par la radio publique Kan ont révélé les critiques furieuses et angoissées que le rabbin Elhanan Danino, le père d’Ori, a adressées au premier ministre.
Voici la transcription d’une grande partie de la conversation, telle qu’elle a été diffusée par plusieurs médias israéliens.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu : « Je tiens à vous dire que nous avons prié et espéré ramener (Ori) et les autres à la maison, mais sans succès. Je m’excuse de ne pas avoir réussi à le faire. Il méritait tellement d’être avec vous, et vous avec lui. »
Elhanan Danino : « Vous, les gens haut placés, vous devez arrêter – arrêter ! – de vous occuper d’absurdités et d’attiser les conflits et les désaccords. Sans union, nous ne méritons pas ce pays ; il n’y aura pas de reconstruction sans cette terre. »
« Fermez la porte de votre bureau pendant dix minutes chaque jour et songez à vos valeurs juives. Fermez votre porte, dites à tout le monde de sortir, sans téléphone, sans rien, passez du temps seul avec votre Créateur et réfléchissez, où est Dieu en vous, qu’avez-vous fait de vos valeurs
juives ? Nous n’avons pas le droit d’exister sur cette terre sans le Tout-Puissant, qui nous a donné cette terre. Il n’est pas nécessaire d’être orthodoxe, ni même croyant. Le Saint béni soit-Il nous a connectés et nous a permis de vivre sur cette terre. »
« Ce désastre est dû à la division et aux schismes. C’est aussi clair que de l’eau de roche ce qui s’est passé. »
« Ne gaspillez pas votre temps à faire de la politique mesquine et bon marché. Une vie humaine, ça n’a pas de prix. Je m’adresse à vous ici au nom des [otages] qui sont toujours là-bas [à Gaza]. Je n’ose pas penser à ce que vivent les familles Goldin et Shaul [dont les fils ont été tués lors de combats à Gaza en 2014 et dont les corps sont détenus par le Hamas depuis lors], avec lesquelles je me suis entretenu au cours des onze derniers mois. »
« Le Seigneur a eu pitié de moi et m’a accordé un miracle : celui d’enterrer mon fils sur une montagne sacrée, dans la ville sainte. Un miracle ! Comment se fait-il qu’enterrer un être cher soit devenu un miracle ? Comment en est-on arrivé là ? Dans quelle situation nous avez-vous plongés pour qu’enterrer son fils soit un miracle ? Où sommes-nous arrivés ? Qu’est-il arrivé à ce pays ? Réveillez-vous ! Renforcez l’unité, l’amour d’Israël. Arrêtez de dire n’importe quoi, je vous en prie ! »
« Vous êtes un dirigeant. Vous avez été élu, envoyé pour diriger. Débarrassez-vous de toutes ces absurdités. Trop d’autres choses se sont immiscées… »
Benjamin Netanyahu : « Quelles choses ? »
Elhanan Danino : « Arrêtez de vous préoccuper du nombre de sièges à la Knesset, des sondages, de ce qui peut vous apporter des voix, de ce qui ne vous en apportera pas. Arrêtez. Je ne sais pas s’il était possible de conclure un accord [pour sauver Ori et d’autres otages] ou non. Je n’entrerai pas là-dedans. Mais je m’excuse monsieur, mais tout cela s’est passé sous votre mandat. Mon fils a été assassiné dans un tunnel construit alors que vous étiez au pouvoir [en autorisant l’entrée de fonds et de matériel à double usage dans la bande de Gaza]. Je m’excuse, je m’excuse, mais vous êtes au pouvoir depuis de nombreuses années. De très nombreuses années. Le béton et les dollars sont entrés [à Gaza] sous votre mandat. »
« Je ne parlerai pas de mon fils. Nous acceptons le verdict [divin] avec amour. Mais vous êtes responsable de la vie de tout le monde… »
« Je ne participe pas au débat qui se déroule à l’extérieur. Nous sommes restés silencieux pendant onze mois parce que nous croyons au Tout-Puissant. Aujourd’hui aussi, nous croyons au Tout-Puissant. Mais j’ai l’impression que rien n’a changé. »
« Enfermez-vous dans une pièce et réfléchissez à la valeur juive que vous apportez – et non à l’identité juive de l’État d’Israël – et nous contrôlerons ici, nous contrôlerons là. En fin de compte, c’est le Saint béni soit-Il qui fait tout. Aussi forts que nous le fussions avant cela, nous avons reçu à Simchat Torah une gifle comme jamais avant. Une gifle. Ni l’armée de l’air, ni l’infanterie n’ont servi à quelque chose. Mon fils servait dans l’armée. Qu’on ne vienne pas dire que je suis un dos [argot péjoratif pour les ultra-orthodoxes] qui ne croit pas en l’armée. Je l’ai éduqué pour qu’il serve dans l’armée. J’ai moi aussi fait mon service militaire. »
Benjamin Netanyahu : « Dans quelle unité ? »
Elhanan Danino : « Moran [une unité d’artillerie] ».
Benjamin Netanyahu : « Je ne vous dirai pas ce qui se passe à huis clos. Cela ne vous intéressera pas trop non plus… »
Sara Netanyahu : « Tu étais pratiquement tout seul. »
Benjamin Netanyahu : « Seul… Contre tout le monde. Face au président des États-Unis et aux gens d’ici, et face à certains cadres militaires d’ici. »
Sara Netanyahu : « Et face aux cadres de l’armée ici. »
Benjamin Netanyahu : « Pour combattre et pour expliquer. Il ne s’agit pas uniquement du Hamas. Il n’y a pas que le Hezbollah. C’est une véritable bombe atomique qu’ils vont lâcher sur nous tous ici… Tous les jours, en entrant dans [mon bureau], je me pose la question suivante : ‘Pourquoi es-tu ici ? À quoi je sers ? Pourquoi ?…’ »
Elhanan Danino : « Vous ne l’avez pas fait [vous attaquer au Hamas] pendant quinze ans…. Quinze ans que vous restez assis en silence. Vous n’avez rien fait. »
Benjamin Netanyahu : « Je ne suis pas resté assis en silence… »
Elhanan Danino : « Vous leur avez fourni des épées. Vous leur avez fourni des tunnels et des dollars… Êtes-vous venus ici pour écouter ou pour être écouté ? Parce que ce que vous avez à dire, cela fait quinze ans que nous l’entendons. »
Plus tard dans la conversation, la Douzième chaîne a rapporté, sans diffuser l’audio, que Netanyahu avait mentionné avoir pris d’assaut un avion détourné, à 22 ans, pour sauver des otages, et qu’il savait ce qu’était perdre un être cher parce qu’il a perdu son frère aîné Yoni.
Le frère d’Ori Danino serait intervenu en disant : « Non, non, vous ne comprenez pas. Vous avez construit votre carrière sur le dos de votre frère. Ça suffit. J’ai enterré mon frère ! Votre frère était un véritable héros national. Où cela a-t-il été oublié ? Je ne sais pas. »
Un membre de la famille aurait ajouté que, si l’on se souviendra d’Ori comme d’une bonne personne, ce ne sera pas le cas de Netanyahu.
Netanyahu aurait répondu : « Je ne suis pas le problème, et la façon dont on se souviendra de moi est sans importance. Vous avez le droit de penser ce que vous voulez, et je respecte cela. »
Elhanan Danino aurait ensuite dit à Netanyahu qu’il n’aurait pas d’aide divine (siyata dishmaya) tant qu’il ne ferait pas preuve d’un cœur véritable et de valeurs juives, l’aurait réprimandé pour avoir perdu la passion sioniste qui le poussait à l’âge de 22 ans. Il a également affirmé que le Netanyahu d’il y a 50 ans aurait détruit le Hamas avant qu’il ne devienne un monstre.
Sara Netanyahu aurait ensuite accusé Danino de dire des choses que d’autres lui ont dit de dire.
Personne ne me dit ce que je dois dire, aurait répondu Danino.
Peu après la diffusion d’extraits de l’audio, Netanyahu a publié un communiqué vidéo disant qu’il avait entendu « le cri des familles d’otages qui ont perdu ce qui leur est le plus cher ».
« Ma femme et moi assistons à des réunions déchirantes qui nous brisent le cœur. J’entends, j’écoute, je ne juge pas », a-t-il affirmé. « Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ramener les otages et gagner la guerre. »
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