Le premier Yom HaAtsmaout d’Israël sans son rêveur en chef, Shimon Peres
Chemi Peres affirme que son père a laissé une boussole et les outils pour aider le pays à suivre sa voie, pour faire des technologies, pas la guerre

Mourir à l’âge mûr de 93 ans est une bénédiction en Israël, un pays habitué à pleurer de jeunes soldats morts à la guerre, qui venaient à peine de commencer à rêver.
Même ainsi, la famille de Shimon Peres et l’équipe du Centre Peres pour la Paix se préparaient pour les célébrations du 69e anniversaire d’Israël, le premier sans la présence de l’immigrant, devenu kibboutznik puis politicien et président, dont la vie a si étroitement reflété l’histoire de la nation, et qui était probablement son plus grand rêveur.
« Pour moi, rêver c’est simplement être pragmatique », avait l’habitude de dire Shimon Peres. Ou « vous êtes aussi grands que la cause que vous servez, et aussi jeune que vos rêves. » Et dans ces dernières années, il a souvent parlé avec regret de ne pas avoir osé poursuivre des rêves encore plus grands.
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« Cela sera le premier Yom HaAtsmaout sans lui », a déclaré son fils, Chemi Peres, 58 ans, poignant, pendant un entretien la semaine dernière. « Nous l’avons perdu, mais en pratique, rien n’a changé. Nous avons décidé de continuer à travailler comme s’il était avec nous, dans l’esprit de sa vision. »
Peres, qui est mort en septembre, a été député pendant près d’un demi-siècle, de 1959 à 2007, et a détenu quasiment tous les portefeuilles ministériels.
En 1994, il a reçu le prix Nobel de la Paix avec Yitzhak Rabin, alors Premier ministre, et Yasser Arafat, leader palestinien, pour la négociation des accords d’Oslo. En 1996, Shimon Peres a fondé le Centre Peres pour la Paix pour promouvoir sa vision de l’amitié israélo-palestinienne. En 2007, il a été élu président et l’est resté pendant sept ans. Au moment de sa retraite, en 2014, Shimon Peres était le chef d’Etat le plus âgé au monde.

Shimon Peres n’était pas du genre à choisir la facilité, et il cherchait toujours de nouvelles solutions, que ce soit dans son combat pour la paix ou dans la promotion des nouvelles technologies. L’un de ses derniers projets, lancé en juillet 2016, a été un centre d’innovation nationale qui s’intégrera à son Centre pour la Paix, situé à Jaffa, le transformant en Centre Peres pour la Paix et l’Innovation.
Peres fils, cofondateur de Pitango Venture Capital, l’un des fonds de capital risque les plus importants d’Israël avec un portefeuille de plus de 1,8 milliard de dollars, est aujourd’hui le président du Centre Peres, un rôle qu’il a accepté alors que son père était encore le président du pays. Mais son père était alors vivant. N’est-ce pas difficile de poursuivre son héritage si vous n’êtes pas un rêveur comme lui ?
« Nous sommes comme un navire. Nous avons une voile qui est gonflée par son esprit. Il nous a aussi laissés une boussole claire, a dit Peres de son père. Il nous a laissés les outils et la direction, et maintenant nous construisons le bateau ensemble, pour continuer à naviguer dans cette direction. »

« Construisez votre bateau pour votre mer de rêves, dirigez votre boussole selon votre morale, et levez la voile. Le vent qui vous propulse est l’innovation, la technologie et la science. Et essayez d’avoir un impact global positif, pas seulement en Israël, mais en général, a dit Chemi Peres. C’est son héritage. »
L’autobiographie de Shimon Peres, No room for Small Dreams (Pas de place pour les petits rêves, non traduit en français), sera publié en septembre par HarperCollins. C’est son « dernier témoignage, achevé dans les dernières semaines de sa vie », a annoncé l’éditeur.
« Son livre parle de cela, a dit Peres. Qu’il y a eu des plus grands rêves, et que nous aurions dû avoir osé et rêvé encore plus. »
Le Centre Peres est à présent en pleine levée de fonds pour son projet d’innovation, qui doit attirer des invités du monde entier pour apprendre les réussites d’Israël dans la sphère high-tech et pour promouvoir des relations étroites entre les jeunes Israéliens juifs et arabes et avec d’autres nations. La technologie, dans cette vision, est utilisée pour construire des ponts.
Lever des fonds sans la présence de son père « est clairement différent », a reconnu Peres. Le centre a déjà récolté la moitié de la somme dont il a besoin, et la cible est que le projet soit en place au milieu de l’année 2018. Le centre est aussi en discussion avec des gouvernements africains et avec des entités publiques et privées chinoises pour installer des centres d’innovation similaires dans ces pays.

« Nous allons créer les affaires de l’innovation, pas les affaires étrangères », a dit Peres. Les centres internationaux présenteront les technologies locales et leurs propres écosystèmes technologiques, a-t-il dit, mais ils collaboreront avec le Centre Peres en Israël pour promouvoir le savoir, l’éducation et les projets communs.
Assez de guerre, de la technologie plutôt
Shimon Peres pensait que pour la première fois de l’Histoire, les nations pouvaient parvenir à la grandeur non par la guerre, conçue pour mettre la main sur les ressources et la main-d’œuvre bon marché des voisins, mais par la technologie, qui permettra de remplacer les ouvriers et de créer les ressources là où elles n’existent pas, comme de l’eau à partir de l’air, ou de l’électricité à partir du soleil, a expliqué son fils.
Et Israël, avec ses 6 000 sociétés technologiques et ses 1 500 nouvelles start-ups créées chaque année, ainsi que son industrie du capital risque qui est à présent mature, peut jouer un rôle crucial dans ce nouveau monde, a dit Peres. Sa seule contrainte est la pénurie de talent humain, un problème que le pays doit résoudre pour pouvoir maximiser son potentiel.
Le secteur high-tech d’Israël, qui a été un moteur de croissance pour l’économie, fait face à une pénurie aigüe d’ingénieurs et de programmeurs, au moment où les étudiants s’éloignent de l’informatique, des mathématiques et des statistiques.

« La seule chose qui nous arrête est le talent humain, a dit Peres. Nous n’avons pas assez de personnes, nous ne les formons pas assez vite, nous ne réussissons pas à extraire toute la valeur qui réside chez les minorités, les ultra-orthodoxes, les différentes tranches d’âge et les genres, entre la périphérie et le centre, avec nos voisins. »
Les fonds de capital risque d’Israël ont parcouru un long chemin depuis le début de l’industrie technologique du pays il y a une vingtaine d’années, a dit Peres.
« Les partenaires des fonds de capital risque sont bien plus expérimentés, plus matures, ils ont vu plus de choses, ils ont traversé plus de cycles », a-t-il expliqué. Et l’écosystème high-tech d’Israël est « bien plus développé » qu’il ne l’était il y a 20 ans.
Il y a plus d’entreprises, à des étapes différentes de développement, et il y a beaucoup d’entrepreneurs qui s’y reprennent pour la deuxième ou la troisième fois, qui mettent en place des entreprises « mieux conçues et mieux dirigées », a dit Peres. Ils sont aussi « plus audacieux » et ont une vision à plus long terme qu’au début du développement du secteur. « Ils sont prêts à parcourir de plus longues distances », a-t-il ajouté.
Alors, quand les investisseurs évaluent le marché technologique d’Israël, ils ne devraient pas nécessairement regarder vers l’arrière parce qu’il n’y a pas de réelle profondeur, a expliqué Peres. C’est toujours une industrie relativement jeune comparée aux 60 ans de la Silicon Valley, par exemple.
Les investisseurs « devraient regarder vers l’avant, a dit Peres. Regarder les tendances, regarder la courbe d’apprentissage, regarder ce qui a changé, regarder la stratégie en allant de l’avant au lieu de se plonger dans ce qu’elle était il y a dix ou quinze ans », parce que le marché a changé. « Nous avons plus de futur que de passé », a dit Peres, dont la voix, l’optimisme et l’enthousiasme reflétaient la même passion et la même conviction que son père sur le sujet.

La maturité du marché technologique et du capital risque en Israël, associée au fait que même ses industries traditionnelles, comme les secteurs de la finance, de la construction, du transport et de l’assurance, cherchent à innover, et que de plus en plus d’objets rejoignent l’Internet des Objets, rendant le monde encore plus connecté et automatisé, place Israël à un rang particulier, a dit Peres.
« Le monde est à un point d’inflexion, où vous avez besoin d’innovation plus robuste, et Israël est un endroit pour l’innovation robuste », a-t-il dit. Tout passe « par la technologie de la perturbation, a dit Peres. Je pense qu’Israël est mûr pour exploser dans les 10 ou 20 prochaines années en termes de nombre d’opportunités. Vous n’avez encore rien vu. »
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