Le procureur général et les enquêtes de corruption contre Netanyahu
En tant qu'ancien secrétaire de cabinet du Premier ministre, certains exhortent Avichai Mandelblit à se récuser, mais celui-ci dément toute partialité

Dans son bureau à Jérusalem Est, un homme de loi devra étudier dans quelques semaines, ce qui sera peut-être la décision la plus difficile de sa carrière : les preuves contre Benjamin Netanyahu sont-elles suffisantes pour inculper le Premier ministre en poste, une première en Israël, – une démocratie vieille de 69 ans.
Alors que les enquêtes sur les écarts de conduites présumés de Netanyahu se poursuivent, et des fuites parsèment quasi-quotidiennement les journaux télévisés, nous ne savons pas encore si le Premier ministre a effectivement été impliqué dans une quelconque activité criminelle.
En attendant, certains activistes de gauche et des députés ont tenté de faire tomber le procureur général Avichai Mandelblit, l’accusant d’être à la merci du Premier ministre, et l’ont appelé à se récuser de l’affaire, étant donné son passé au service de Netanyahu, en tant qu’ancien secrétaire de son cabinet.
Alors qu’il pondère les mesures qu’il va prendre et le sort du Premier ministre, et potentiellement celui de la coalition au pouvoir, Mandelblit a commencé cette semaine à rejeter les accusations qui le qualifient de biaisé. Il affirme être pieds et poings liés au ministère de la Justice et imperméable au débat public et à la pression.
« Nous fermerons les fenêtres de la rue Salah a-Din à Jérusalem et nous nous concentrerons sur l’application de la loi », a-t-il déclaré lundi lors d’un discours prononcé dans la ville côtière de Netanya. « Le bruit de fond de l’extérieur, de ceux qui veulent changer notre position, d’un côté comme de l’autre, ne m’atteint pas, ne m’affecte pas. Ce sont des considérations extérieures – elles ne doivent pas avoir d’effet. »
Loyaliste ? Témoin ? Ou « impartial » ?
Selon l’avis des experts, des médias israéliens étiquettent fréquemment les procureurs généraux comme étant à la botte du Premier ministre, le décrivant comme le procureur général familial (un jeu de mots en hébreu, remplaçant le terme Hayoetz hamishpati lamemshala par Hayoetz hamishpahti lamemshala). Mandelblit et son prédécesseur Yehuda Weinstein n’ont pas été épargnés.
Au début de la semaine, l’activiste Eldad Yaniv a écrit à la police pour demander à ce que le procureur général soit considéré comme un témoin de « l’Affaire 2 000 », relative aux enregistrements entre Netanyahu et l’éditeur du Yedioth Aharonoth Arnon Mozes, surnommé Noni.
L’accord, qui n’a pas été mis en œuvre, aurait permis au Premier ministre de faire avancer la législation pour freiner la distribution du quotidien Israel Hayom, financé par Sheldon Adelson, en échange d’une couverture médiatique plus favorable dans le très populaire Yedioth. Netanyahu et Mozes ont été interrogés par la police à plusieurs reprises dans le cadre de cette affaire.
Netanyahu dément avoir quelque chose à se reprocher dans les deux enquêtes dont il fait l’objet. Il a indiqué dans une publication sur Facebook au début de la semaine qu’il avait voté contre la loi sur Israel Hayom, qui aurait interdit les quotidiens gratuits ; dissous le gouvernement à cause d’un « bouleversement » au sein de la coalition dans le soutien de cette proposition, et inclus une disposition dans les accords de coalition du gouvernement actuel pour s’assurer que le projet de loi ne serait pas relancé. (La police enquête également sur des cadeaux illégaux reçus par Netanyahu et sa famille de la part de riches bienfaiteurs pendant la durée de son mandat.)
Yaniv soutient qu’en tant que secrétaire de cabinet durant cette période, et chargé de gérer l’agenda et de coordonner les ministres sur le projet de loi, Mandelblit a dû avoir accès à des informations de l’intérieur sur l’affaire Mozes et sur la position de Netanyahu sur la question.
« Mandelblit a tout vu. Tout entendu. Touché à tout. »
« Noni entrait et sortait du bureau », a-t-il écrit sur Facebook. « À 12 reprises. Dans cette période, quand les ministres rebelles votaient contre Bibi et en faveur de la loi Israel Hayom, Bibi a décidé d’anticiper les élections à cause d’Israel Hayom. Pour renvoyer les ministres rebelles. C’était le chaos dans ce cabinet. Le cabinet dont Mandelblit est un haut fonctionnaire. »
« Mandelblit a tout vu. Tout entendu. Touché à tout. Il n’y a aucun scénario duquel Mandelblit a été exclu en ce qui concerne l’anticipation des élections à cause d’Israël Hayom… Ce qui signifie que Mandelblit est un témoin essentiel dans l’enquête de police. Point barre. »
La chef du Meretz, Zehava Galon a accusé Mandelblit de « loyalisme », quand il a autorisé Netanyahu à conserver le ministère des Communications malgré toutes ces accusations.
« C’est exactement ce à quoi ressemble un État quand le gardien de la nation devient le gardien de Netanyahu », a-t-elle affirmé.
« Netanyahu doit partir, et il doit prendre avec lui le procureur général. »
Le ministre de l’Éducation Naftali Bennett, l’un des partenaires de la coalition de Netanyahu, a défendu l’attitude de Mandelblit dans cette enquête, le qualifiant d’homme « droit, fort et impartial ».
Mandelblit fait l’objet d’autres accusations. Certains l’accusent d’avoir fait traîner l’ouverture de l’enquête sur le Premier ministre.
D’autres médias indiquent que le procureur général s’est récusé des débats sur la probation de l’ex-président et violeur condamné Moshe Katsav, récemment libéré de prison, ainsi que des enquêtes sur l’ancien employé du Bureau du Premier ministre, Gil Sheffer, accusé d’abus sexuels.
Le procureur général s’est retiré de ces cas parce qu’il connaissait personnellement les suspects. Cette attitude alimente donc les convictions de ceux qui l’exhortent à passer le relais dans l’affaire Netanyahu.
Les accusations de retards délibérés rappellent également le rôle marginal de Mandelblit dans l’affaire Harpaz – dont il a ensuite été innocenté – dans laquelle, en tant que défenseur général de l’armée, il était soupçonné d’obstruction de la justice en retardant la remise de documents accablants à la police.
« Nous, la Loi »
Mandelblit a fait profil bas depuis son entrée en fonction en février 2016 – à l’exception de sa virulente opposition au projet de loi dit de régulation des avant-postes de la Cisjordanie, qu’il a mise par écrit.

Mais dans son discours de lundi soir, Mandelblit a personnellement évoqué les enquêtes, et a catégoriquement démenti tout retard dans le lancement des enquêtes. Durant son discours, il a employé la troisième personne du pluriel, ne s’alignant pas avec le Premier ministre, mais avec les autres organismes d’application de la loi.
« Quand je dis ‘nous’ – c’est la police, le procureur de l’État, le procureur général », a-t-il dit.
Mandelblit a déclaré que « nous » avons pris une décision « stratégique », à l’unanimité pour attirer l’attention sur « l’Affaire 1 000 », qui implique des cadeaux à la famille Netanyahu de la part de bienfaiteurs millionnaires, tout en minimisant – pour le moment – l’affaire Mozes, appelée « Affaire 2000 »,
En faisant cela, a déclaré Mandelblit, avec une confidentialité « relative », la police est parvenue à obtenir des dizaines de témoins et à recueillir des preuves considérables sur la première affaire.
« L’éclatement immédiat et prématuré de l’Affaire 2000 et la protestation médiatique qui s’ensuivra, n’aurait pas permis une progression organisée et systématique dans l’Affaire 1 000 », a-t-il dit, pour justifier ce que certains estiment être une façon de gagner du temps.
« Cela a permis à la police de travailler intensément, de recueillir des preuves et de compléter l’enquête sur l’Affaire 1 000 en recueillant des dizaines de témoignages et d’autres actions d’enquête, dont certaines à l’international. »

Le consensus dans la hiérarchisation entre l’enquête sur les cadeaux et celle sur l’affaire Mozes était « sage, intelligent et justifié », a-t-il dit. « Les seules considérations prises en compte étaient les intérêts de l’enquête et l’obtention de la vérité », a-t-il dit.
Il a ajouté qu’en tant que procureur général, il n’avait « pas le luxe de ne pas prendre de décisions dans ces affaires ».
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