Le républicain Mike Pence retire sa candidature à la présidentielle 2024
L’ex vice-président met en garde le parti Républicain contre le « chant des sirènes du populisme » et les candidats Républicains s’engagent à soutenir Israël
LAS VEGAS — L’ancien vice-président des Etats-Unis Mike Pence a choisi un évènement de la communauté juive américaine pour annoncer samedi son intention de retirer sa candidature à l’investiture du Parti républicain en vue de l’élection présidentielle de 2024 et avertir que son ancien patron, Donald Trump, représentait une menace pour une politique étrangère américaine robuste qui, selon lui, était vitale pour les intérêts d’Israël.
« Je suis venu vous dire que c’est devenu clair pour moi : ce n’est pas mon heure », a déclaré Mike Pence, en s’adressant à la Coalition juive républicaine (RJC) réunie en convention à Las Vegas, dans le Nevada.
« Après mûre réflexion et prière, j’ai décidé de suspendre ma campagne pour la présidence », a-t-il dit.
Le candidat Pence, qui était à la peine dans les sondages avec quelque 3,8% des intentions de vote selon le site spécialisé fivethirtyeight.com, n’avait guère de chance face à son ancien patron Donald Trump qui fait figure de grand favori des primaires républicaines, malgré ses déboires judiciaires.
« Nous avons toujours su que ce serait une bataille difficile, mais je n’ai aucun regret », a poursuivi Pence devant un public conquis, qui a réagi avec une surprise perceptible à sa déclaration et lui a réservé de multiples ovations.
« Je quitte cette campagne mais laissez-moi vous promettre que je n’abandonnerai jamais le combat pour les valeurs conservatrices », a-t-il encore dit.
Pendant son discours, l’ex vice-président Pence a été salué aux cris de « Nous vous aimons ! ».
Pence est le premier gros candidat à quitter une campagne dominée par son ancien patron devenu rival, Trump, et ses difficultés soulignent à quel point l’ex-président a transformé le parti. Un ancien vice-président serait généralement considéré comme un challenger redoutable dans n’importe quelle primaire, mais Pence a eu du mal à trouver des soutiens.
La décision de Pence, plus de deux mois avant les caucus de l’Iowa sur lesquels il avait misé sa campagne, lui évite de continuer d’accumuler des dettes sans parler de l’embarras de ne pas se qualifier pour le troisième débat des primaires républicaines, le 8 novembre prochain à Miami.
Pence n’a pas pu se résoudre à mentionner le nom de Trump, qui a pris la parole lors de l’événement samedi et qui est de loin le favori de l’investiture. Pence a même évité de citer le nom de l’ancien président tout en examinant le bilan de ce qu’il a appelé l’administration la plus « pro-israélienne » de toute l’histoire américaine.
Mais après avoir invité à détrôner le président américain Joe Biden – moment très attendu du public -, Pence a clairement dit qu’il ne souhaitait pas que Trump reprenne ses fonctions, en raison notamment de la guerre d’Israël contre le Hamas.
« Les Républicains continueront-ils de former le parti des conservateurs traditionnels, ce qui définit notre mouvement depuis ces 40 dernières années, ou notre parti suivra-t-il le chant des sirènes d’un populisme éloigné des principes conservateurs ? », a déclaré M. Pence.
« Un nouveau mouvement populiste, au sein du Parti Républicain, dit que l’Amérique devrait se retirer de sa position de leader, se replier sur elle-même et ne s’occuper que de ses affaires intérieures », a-t-il dit. « Permettez-moi de vous dire du fond du cœur que quiconque dit que l’Amérique ne peut pas résoudre ses problèmes internes et être le leader du monde libre a une vision assez limitée de la plus grande nation qui soit. Nous devons et nous ferons les deux pour le bien de l’Amérique, d’Israël et du monde. »
Trump n’a pas encore dit comment ses appels à réduire la présence américaine à l’étranger affecteraient l’aide à Israël. Il a pris ses distances avec certaines des personnalités pro-israéliennes les plus éminentes de son mandat, comme Nikki Haley, l’ancienne ambassadrice à l’ONU, Mike Pompeo, l’ancien Secrétaire d’État et Pence.
Le désaccord le plus important entre Trump et Pence s’est produit le 6 janvier 2021, lorsque Pence s’est opposé aux incitations de Trump à rejeter l’élection à l’issue de l’examen des votes par le Congrès, ce que Pence n’était pas habilité à faire. Les exhortations de Trump ont déclenché une insurrection violente et certains émeutiers ont voulu assassiner Pence.
Un autre candidat, Vivek Ramaswamy, a explicitement demandé une réduction des fonds alloués à Israël.
Le slogan de Trump depuis 2016, lorsque lui et Pence ont remporté l’élection, était « America First », expression qui était également le nom d’un mouvement antisémite des années 1930 et 1940 dirigé par Charles Lindbergh.
« J’aime Israël »
Organisé chaque année, cet événement, qui est traditionnellement l’occasion pour les prétendants conservateurs au Bureau ovale d’aller à la pêche aux soutiens financiers, revêt cette année une importance particulière pour la communauté juive américaine, traumatisée par l’attaque du Hamas qui a fait 1 400 morts en Israël, le 7 octobre dernier.
L’ex-président américain Donald Trump a promis samedi de rétablir son décret migratoire controversé ciblant des pays musulmans s’il était à nouveau élu.
« Les Etats-Unis sont totalement avec Israël », a affirmé M. Trump, candidat le plus ovationné de l’événement, parlant d’un « combat entre la civilisation et la barbarie ».
« Les Etats-Unis sont aux côtés des Israéliens pour s’assurer que le Hamas soit décimé et que toutes ces atrocités soient vengées », a-t-il ajouté, promettant de défendre Israël « comme personne ».
Ces dernières semaines, l’ex-président a suscité la polémique notamment en disant que le Hezbollah, bête noire d’Israël au Liban et allié du groupe terroriste islamiste du Hamas, était « très intelligent » et que Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, était un « connard« .
Trump a tenu ces propos en rappelant l’assassinat, en 2020, par son administration, du général iranien Qassem Soleimani, chef de la Force Qods d’élite du Corps des gardiens de la révolution islamique.
Dans son discours, qu’il a commencé en déclarant : « J’aime Israël. J’aime Israël », Trump a redit que, selon lui, Netanyahu s’était retiré à la dernière minute de cet assassinat.
« Je n’oublierai jamais que Bibi Netanyahu nous a laissé tomber. C’était terrible. Nous étions très déçus, mais nous avons fait le travail nous-mêmes, d’une précision absolue, un travail absolument magnifique », avait-il déclaré à l’époque. « Puis Bibi a essayé de s’en attribuer le mérite. Cela ne m’a pas fait plaisir. Mais ce n’est pas grave. »
Le cabinet de Netanyahu n’a pas voulu s’exprimer sur la question, mais le ministre des Communications Shlomo Karhi a lui déclaré à la Treizième chaîne israélienne qu’il était « honteux qu’un homme comme lui, un ancien président américain, encourage la propagande et diffuse des informations qui salissent et blessent les combattants d’Israël et ses citoyens ».
Le conflit entre Israël et le Hamas est « un combat entre la civilisation et la sauvagerie, entre la décence et la dépravation, et entre le bien et le mal », a déclaré Trump, qui a reçu un accueil des plus chaleureux de la part des participants, alors qu’il s’en prenait à l’administration Biden et s’abstenait de critiquer ses rivaux.
Il a dit que, s’il était réélu président, il rétablirait « la paix par la force » et « arrêterait la Troisième Guerre mondiale ».
Enjeu majeur
Les autres concurrents de M. Trump ont eux aussi professé un soutien sans faille à Israël.
Nikki Haley, l’ex-ambassadrice américaine à l’ONU, a déclaré que Trump était en effet un « président pro-Israël », tout en ajoutant : « La question est de savoir ce qu’il fera à l’avenir ? »
Elle a rappelé les propos de Trump sur le gouvernement israélien, quelques jours seulement après l’attaque du Hamas, et ses éloges répétés pour les dirigeants autocratiques de Chine et de Corée du Nord.
« Ce ne sont pas des gens bons ni intelligents », a déclaré Haley.
Elle a dit que le style de Trump, mélange de « chaos, vendettas et drame » serait dangereux, faisant là une des critiques les plus acerbes de l’ex-président.
« Il y a huit ans, c’était bien d’avoir un leader qui cassait les codes », a déclaré Haley. « Mais pour l’heure, nous avons besoin d’un leader qui sache aussi comment remettre les choses en place. »
Ramaswamy, que Pence et Haley ont critiqué pour son inexpérience et ses erreurs en matière de politique étrangère, s’est fait huer lorsqu’il a déclaré que le rôle de l’Amérique était « d’être forte chez elle, de s’occuper de ses propres affaires et d’éviter les bourbiers militaires à l’étranger qui ne sont pas directement liés à la patrie ».
Mais il a été acclamé pendant quasiment tout le reste de son discours, y compris lorsqu’il a affirmé qu’il « n’aimerait rien de plus » que l’armée israélienne « mette en jeu les 100 principaux dirigeants du Hamas et les aligne à la jonction entre Israël et Gaza ».
A la réunion de la RJC, Ron DeSantis a qualifié l’offensive du Hamas « d’attaque la plus meurtrière contre le peuple juif depuis la Shoah ».
DeSantis a rappelé son action en soutien à Israël, du parrainage de vols charters pour les Américains d’Israël à l’ordre donné aux universités d’État d’interdire un groupe d’étudiants pro-palestiniens.
Avec d’autres, il a souligné ce qu’ils a qualifié de montée de l’antisémitisme sur les campus universitaires américains, et proposé de supprimer les fonds publics des universités concernées et d’annuler les visas pour les étudiants étrangers pro-palestiniens.
« Nous avons besoin d’une chimiothérapie culturelle pour lutter contre ce cancer », a lancé lors de la RJC le sénateur et candidat Tim Scott, tandis que M. DeSantis a promis d’annuler les visas des étudiants qui manifestent pour la Palestine.
Plus tôt dans la semaine, l’ex-gouverneure de Caroline du Sud Nikki Haley, seule femme en lice, a promis d’agir contre l’antisémitisme en se focalisant sur les débats provoqués actuellement par le conflit sur les campus universitaires américains.
« Une fois présidente, j’amenderai la définition fédérale officielle de l’antisémitisme pour y inclure la négation du droit d’Israël à exister, et je retirerai aux écoles leur exonération fiscale si elles ne luttent pas contre l’antisémitisme sous toutes ses formes, conformément à la loi fédérale », a-t-elle déclaré.
« Les campus universitaires bénéficient de la liberté d’expression, mais ils ne sont pas libres de répandre la haine qui est le terreau du terrorisme », a-t-elle déclaré. « La loi fédérale oblige ces établissements à lutter contre l’antisémitisme. Nous donnerons à cette loi les outils dont elle a besoin et nous l’appliquerons. »
L’AFP a contribué à cet article.