Les Juifs irlandais contre la participation de Higgins aux commémorations de la Shoah
Michael Higgins, accusé de minimiser l'antisémitisme, est un choix « inapproprié » pour intervenir lors de la commémoration de la Shoah le 26 janvier, dit un dirigeant juif

La communauté juive d’Irlande a vivement réagi à l’annonce de l’intervention du président Michael Higgins lors de la cérémonie nationale de commémoration de la Shoah, qui est prévue à Dublin le 26 janvier.
Higgins, connu pour ses critiques ouvertes à l’égard de la politique israélienne, a également été accusé par des membres de la communauté juive de minimiser l’antisémitisme et de discréditer les points de vue défendus par les Juifs. En décembre, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, l’avait qualifié de « menteur antisémite » et il avait annoncé la fermeture de l’ambassade d’Israël à Dublin.
Le président Higgins devrait s’exprimer lors de cette commémoration annuelle de la Shoah, prévue le 26 janvier à Dublin. C’est la sixième fois qu’il prend la parole à cette occasion, selon le quotidien britannique Jewish Chronicle (JC).
Le grand rabbin d’Irlande, Yoni Wieder, a rappelé qu’en mai dernier, Higgins avait qualifié les préoccupations israéliennes face à la montée de l’antisémitisme en Irlande « d’exercice de relations publiques », suscitant l’indignation de nombreux Juifs irlandais.
« Le président Higgins a ignoré le fléau de l’antisémitisme contemporain en Irlande et il n’a, en aucune manière, pris au sérieux les préoccupations exprimées par les représentants de la communauté juive », a déclaré Wieder dans un communiqué relayé par plusieurs médias britanniques. « Avec une telle attitude, je crains que son discours à l’occasion de la journée de la Shoah ne sonne inévitablement creux pour de nombreux Juifs irlandais. »
Maurice Cohen, président du Conseil représentatif juif d’Irlande, a également critiqué la participation de Higgins, estimant qu’il serait « inapproprié » qu’il prenne la parole lors de cet événement.

« Sa participation risque d’offenser de nombreuses personnes présentes, juives et non juives, qui aspirent à ce que cette journée soit marquée par la dignité et par l’unité », a déclaré Cohen, des propos qui ont été cités par le JC.
Oliver Sears, directeur de l’association Holocaust Awareness Ireland basée à Dublin, a exprimé son mécontentement dans Jewish News. « Compte tenu de l’insensibilité flagrante du président Higgins à l’égard des Juifs irlandais, nous sommes profondément consternés de voir qu’il s’apprête, une fois encore, à commettre un affront. »
En décembre, Gideon Saar s’était vivement emporté contre Higgins sur X après que celui-ci a accusé Israël de chercher à coloniser l’Égypte, tout en acceptant les lettres de créance de l’ambassadeur palestinien, Jilan Abdaljamid.
« Menteur antisémite un jour, menteur antisémite toujours », avait écrit Saar à propos de Higgins.
Once an antisemitic liar – always an antisemitic liar.
Ireland's President reached a new low, spewing lies that Israel "has breached the sovereignty of three of his neighbors, in relation to Lebanon, Syria and would like in fact to have a settlement in Egypt."
Let's get the… https://t.co/cEbhqI4x17
— Gideon Sa'ar | גדעון סער (@gidonsaar) December 17, 2024
Cette déclaration avait fait suite à l’annonce par Saar de la fermeture imminente de l’ambassade d’Israël en Irlande, citant ce qui, selon lui, était « la politique anti-Israël extrême » menée par Dublin.
« Les discours et les actions antisémites de l’Irlande contre Israël reposent sur la délégitimation et sur la diabolisation de l’État juif, ainsi que sur une politique de deux poids deux mesures », avait déclaré Saar dans un communiqué. « L’Irlande a franchi toutes les lignes rouges dans ses relations avec Israël. »
Higgins, pour sa part, a accusé Israël à maintes reprises de confondre les critiques envers le Premier ministre Benjamin Netanyahu avec l’antisémitisme, rejetant les alertes lancées par les Juifs irlandais concernant l’augmentation rapide du sentiment antijuif dans le pays.

« Le peuple irlandais n’est pas antisémite, bien au contraire. En témoigne le fait que l’hébreu figurait parmi les cinq langues maîtrisées par Douglas de Hyde, premier président de l’Irlande », avait indiqué Higgins à l’Irish Examiner en mai dernier.
Le Premier ministre Simon Harris et le ministre des Affaires étrangères Micheál Martin, ainsi que Higgins lui-même, ont tous les trois été accusés de contribuer à alimenter l’antisémitisme en raison de leurs critiques acerbes à l’encontre d’Israël dans le cadre de la guerre à Gaza et de leur réticence à aborder cette question directement.
En mai, Oliver Sears avait confié à l’Irish Examiner qu’il n’avait jamais observé « un tel niveau d’hostilité envers les Juifs que celui des sept derniers mois », évoquant « une rhétorique brutale de la part des élus » et « un silence assourdissant de la part de beaucoup ».
En novembre, le grand rabbin Yoni Wieder avait expliqué au Times of Israel que « la rhétorique incendiaire a créé un contexte dans lequel l’antisémitisme peut prospérer », tout en avertissant qu’il était important de ne pas « surestimer l’ampleur de l’antisémitisme ».
Le ministère des Affaires étrangères irlandais n’a pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires concernant la participation prévue de Higgins aux commémorations.

Un porte-parole de Higgins a déclaré au JC que cette intervention marquerait la sixième fois que le président prendrait la parole lors de cet événement. Il a également rappelé que Higgins s’était rendu à Auschwitz en 2020 pour le 75e anniversaire de la libération du camp.
La cérémonie annuelle prévue dimanche est organisée par Holocaust Remembrance Ireland en partenariat avec le conseil municipal de Dublin et le ministère irlandais de l’Enfance, de l’Égalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse. Elle se tiendra parallèlement à d’autres commémorations en Pologne, à l’ONU, en Israël et ailleurs, marquant les 80 ans de la libération du camp de la mort nazi d’Auschwitz-Birkenau.
En 2024, Higgins avait utilisé son discours à l’événement commémoratif de la Shoah pour attirer l’attention sur la situation à Gaza, tout en s’élevant contre « l’acte horrible et moralement répréhensible » perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023.
« Si nous croyons que la vie humaine est primordiale, que toutes les vies comptent, alors nous devons reconnaître que, depuis le 7 octobre, trop de vies ont été perdues, en particulier celles des femmes et des enfants. À l’heure actuelle, plus d’un demi-million de personnes sont au bord de la famine », avait-il déclaré.
Higgins s’était également déclaré partisan d’une « mémoire éthique », un concept que son administration a décrit comme visant à mettre en avant les voix des victimes marginalisées et à favoriser des commémorations selon les termes des communautés concernées.