Israël en guerre - Jour 366

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L’ex-chef du Shin Bet défend le Premier ministre pour les écoutes téléphoniques

Netanyahu réfute le reportage TV de "Uvda" qui a prétendu qu'il avait essayé de mettre sur écoute les chefs de la sécurité et s''indigne : "pas de limite aux mensonges"

L'ex-chef du Shin Bet, Yoram Cohen, à gauche, et l'ex-chef d'état-major de Tsahal, le général Benny Gantz, en décembre 2011. (Miriam Alster/Flash90)
L'ex-chef du Shin Bet, Yoram Cohen, à gauche, et l'ex-chef d'état-major de Tsahal, le général Benny Gantz, en décembre 2011. (Miriam Alster/Flash90)

L’ancien chef du service de sécurité du Shin Bet a publié vendredi un communiqué officiel inhabituel et curieusement formulé, niant les affirmations faites dans une émission d’informations télévisées selon lesquelles le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui avait demandé de mettre sur écoute les téléphones des chefs du Mossad et de l’armée israélienne en 2011.

« Je n’aborde généralement pas dans les médias les discussions professionnelles qui ont lieu entre le Premier ministre et le chef du Shin Bet », a déclaré Yoram Cohen dans le communiqué.

« Cependant, les reportages dans les médias sur les instructions que le Premier ministre m’aurait données quand j’étais chef du Shin Bet – pour écouter spécifiquement les téléphones du chef d’état-major [Benny] Gantz et du chef du Mossad [Tamir] Pardo – ne sont pas corrects », a-t-il précisé.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (au centre) avec le directeur sortant du Mossad, Tamir Pardo (à droite) et le futur directeur Yossi Cohen, à Tel Aviv, le 6 janvier 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Plus tôt, un reportage de la Dixième chaîne avait cité Cohen disant à des personnes de confiance qu’il était « surpris » par le reportage et l’avait qualifié d’“absurde”.

Jeudi soir, l’émission de télévision d’investigation « Uvda » – ou « Faits » – a diffusé une interview explosive de Pardo, mettant l’accent sur son travail à la tête du Mossad à partir de 2011, alors qu’Israël envisageait sérieusement de lancer une frappe militaire contre le programme nucléaire iranien.

Au cours de l’interview, la présentatrice d’Uvda Ilana Dayan, citant des sources connaissant bien l’affaire, a allégué que Netanyahu avait demandé à Cohen de mettre sur écoute les téléphones de Gantz et Pardo à titre de « mesure préventive », par crainte non fondée qu’ils ne divulguent des secrets d’État.

Vendredi, Netanyahu a catégoriquement démenti le reportage.

Le chanteur israélien Arik Einstein. (Moshe Shai/Flash90)

Dans un tweet tôt le matin, Netanyahu a écrit : « Je n’ai jamais demandé à mettre sur écoute le chef d’état-major et le chef du Mossad. C’est un mensonge total. Il n’y a pas de limite aux mensonges ! »

Netanyahu a déclaré plus tard vendredi que ce qu’il « écoute vraiment », c’est la musique israélienne : « The High Windows, The Yarkon Bridge Trio, Arik Einstein », ainsi que « The Beatles – les premiers albums – Abba et aussi les artistes d’aujourd’hui ».

Le reportage affirmait que Netanyahu avait demandé à Cohen d’utiliser les « capacités spéciales » de son service de sécurité pour écouter les communications d’un certain nombre de hauts responsables de la défense, dont Gantz et Pardo.

« C’est un mensonge complet », a déclaré Netanyahu dans une vidéo publiée sur ses comptes de réseaux sociaux. « Non seulement je l’affirme, mais l’ancien chef du Shin Bet [Yoram Cohen] dit également que c’est un non-sens, un mensonge. »

« Mais maintenant, la question se pose : les médias présenteront-ils des excuses pour ce mensonge ? J’en doute », a-t-il demandé, en indiquant que les Israéliens qui « veulent connaître la vérité » devaient consulter ses comptes sur les réseaux sociaux ».

Selon le reportage de Uvda, Cohen a refusé la demande du Premier ministre d’écouter les conversations téléphoniques de ses collègues, et aurait dit à Netanyahu que « le Shin Bet n’est pas censé utiliser des mesures aussi drastiques contre les dirigeants de l’armée et du Mossad ».

Le reportage a provoqué des ondes de choc dans tout Israël, les membres de l’opposition réclamant une audience de la Knesset sur la question.

The current heads of the Mossad, Tamir Pardo (right) and the Shin Bet, Yoram Cohen (Photo credit: Kobi Gideon/ Flash 90)
Tamir Pardo (à droite) avec le chef de Shin Bet Yoram Cohen sur une photo non datée. (Kobi Gideon/Flash90)

« De telles informations auraient dû être présentées en temps réel [en 2011] à la sous-commission du renseignement » de la Commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, a déclaré au site d’information Walla le député travailliste Isaac Herzog, chef de l’opposition.

Lors de son interview, M. Pardo a déclaré qu’il n’était pas au courant de la prétendue demande, mais qu’il avait été stupéfait par cette information.

« Je ne peux pas croire que dans l’État d’Israël, qui est un pays démocratique, le Premier ministre pourrait demander au chef du Shin Bet d’écouter le chef d’état-major ou moi-même. Si [Netanyahu] ne croyait pas en nous, il aurait pu mettre fin à nos fonctions en 10 minutes », a dit Pardo.

L’ancien chef espion a dit que la prétendue demande de Netanyahu révélait un « manque de confiance ».

Pardo a ajouté que s’il avait appris que le Premier ministre avait fait cette demande à l’époque, « je me serais levé et je serais sorti en disant : ‘Je ne joue pas à ce jeu-là' ».

L’ancien chef du Mossad a ajouté que s’il avait été à la tête du Shin Bet et avait reçu une telle demande, il aurait dit au Premier ministre d’aller en enfer, ce qui, selon lui, est ce que [Cohen] a fait.

Le bureau de Netanyahu a rapidement réagi au reportage, le qualifiant de « totalement infondé », mais il a également semblé reconnaître qu’au moins certains aspects de ce reportage étaient vrais.

« L’affirmation selon laquelle le Premier ministre a demandé au chef du Shin Bet de mettre sur écoute le chef d’état-major et le chef du Mossad est totalement infondée », a affirmé le bureau du Premier ministre dans un communiqué. « C’est une distorsion totale des efforts systémiques qui sont faits parfois pour protéger des informations sensibles de la plus haute importance pour la sécurité d’Israël. »

« La décision quant aux mesures à utiliser et contre quelles personnes est laissée aux seuls agents autorisés », a déclaré le bureau de Netanyahu.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre les responsables en poste en 2014 : le chef d’état-major de Tsahal Benny Gantz, le ministre de la Défense Moshe Yaalon, le chef du Shin Bet Yoram Cohen, le directeur du Mossad Tamir Pardo et le Conseiller à la sécurité nationale (NSC) Yossi Cohen au ministère de la Défense à Tel Aviv, pour discuter de la disparition de trois adolescents juifs près d’Hébron, en Cisjordanie, le 14 juin 2014. (Kobi Gideon/GPO/Flash90)

La révélation concernant la prétendue demande d’écoute du Premier ministre faisait partie d’un reportage plus large diffusé par Uvda jeudi soir sur les débats et les décisions du cabinet de sécurité en 2011 alors qu’Israël envisageait de lancer une frappe sur les installations nucléaires iraniennes afin d’empêcher la République islamique d’acquérir la bombe atomique.

Pardo a expliqué lors de l’émission de télévision que Netanyahu avait ordonné à Gantz, alors chef d’état-major de Tsahal, de faire en sorte que les forces armées soient prêtes à mener une attaque contre l’Iran dans les 15 jours suivant l’ordre de passer à l’action. Cet ordre, a indiqué M. Pardo, revêtait une importance énorme, ce qui l’a amené à envisager de démissionner plutôt que de participer à ce type d’attaque.

« Ce n’est pas un exercice d’entraînement », a-t-il dit au sujet de la demande de mettre l’armée sur le pied de guerre. « Si quelqu’un fait cela, cela a deux objectifs [possibles] : Un des buts est qu’il signifie vraiment [attaquer] et l’autre option est qu’il envoie un signal, à l’intention de quelqu’un en particulier ».

« Il est possible que quelqu’un aux États-Unis en entende parler d’une manière ou d’une autre, et cela le pousserait à agir », a ajouté M. Pardo.

Pardo, qui a été nommé par Netanyahu pour diriger le Mossad et a pris ses fonctions au début de 2011, a rappelé qu’il a commencé à examiner si le Premier ministre avait le pouvoir d’ordonner des mesures pouvant mener à la guerre.

« Je me suis renseigné sur tout ce qui était en mon pouvoir. J’ai vérifié avec les chefs du Mossad. J’ai vérifié avec les conseillers juridiques. J’ai consulté toute personne que je pouvais consulter afin de comprendre qui est autorisé à donner des instructions sur tous les aspects du déclenchement d’une guerre », a-t-il expliqué.

Son prédécesseur, Meir Dagan, avait critiqué publiquement Netanyahu et son intention d’attaquer l’Iran après avoir démissionné de son poste. La décision de Netanyahu de remplacer Dagan par Pardo aurait été motivée, du moins en partie, par le désir de mettre en place quelqu’un qui soutiendrait une action militaire contre l’Iran.

Pardo s’est entretenu avec le procureur général de l’époque, Yehuda Weinstein. A un moment donné, a admis Pardo, Netanyahu a découvert ses agissements.

« En fin de compte, si je reçois un ordre et si je reçois une instruction du Premier ministre, je suis censé l’exécuter », a-t-il dit. « Je dois être certain si, Dieu nous en garde, quelque chose se passe mal, ou même si l’opération échoue, que ce ne soit pas une situation pour laquelle j’aurais accompli une action illégale. »

Lorsqu’on lui a demandé si une frappe sur l’Iran signifiait le déclenchement d’une guerre, Pardo a répondu : « Certainement ».

En fin de compte, Pardo et Gantz se sont tous deux opposés au projet de Netanyahu et le Premier ministre a abandonné cette décision, a-t-il ajouté.

Rejetant les critiques sévères d’Israël, les puissances mondiales ont finalement signé le Plan d’action global conjoint 2015 avec l’Iran, levant les lourdes sanctions contre la République islamique en place depuis des années, en échange du gel d’une grande partie de son programme nucléaire.

Le 12 mai 2018, le président américain Donald Trump s’est retiré de l’accord sur le nucléaire, déclarant que des sanctions seraient rétablies jusqu’à ce que l’accord soit modifié pour imposer d’autres restrictions sur l’armement nucléaire iranien et le programme de développement de missiles à longue portée.

Le mandat de Pardo en tant que chef du Mossad a pris fin en 2016, et l’agence d’espionnage est maintenant dirigée par Yossi Cohen. Le mandat de M. Gantz en tant que chef d’état-major de Tsahal a pris fin au début de l’année 2015. Le lieutenant-général Gadi Eizenkot lui a succédé.

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