L’opération de sauvetage des 4 otages était-elle conforme au droit international ?
Les critiques soutiennent que le nombre élevé de victimes palestiniennes au cours de l'opération pourrait signifier qu'elle a enfreint les lois de la guerre
L’audacieuse opération menée le 8 juin pour sauver quatre otages israéliens des griffes des complices du groupe terroriste palestinien du Hamas a été saluée et célébrée dans tout l’État hébreu, offrant un (très) rare moment d’espoir et apportant enfin au pays quelques bonnes nouvelles après huit mois d’une guerre épuisante et d’une campagne militaire souvent déprimante.
L’opération a toutefois été condamnée par de nombreuses parties internationales en raison du nombre élevé de victimes du côté palestinien.
Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a exprimé sa « condamnation » devant la mort, selon lui, de « centaines de civils palestiniens », et le chef de la politique étrangère de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, a lui parlé d’un « bain de sang ».
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Le Hamas a chiffré le nombre de morts à 274, sans faire de distinction entre les civils et les membres du groupe. Tsahal a déclaré avoir connaissance de « moins de 100 » victimes palestiniennes, mais n’a pas fourni de source pour cette estimation ni de précision entre les morts civiles et celles des membres des groupes terroristes.
De nombreux témoins palestiniens ont affirmé aux médias avoir vu de nombreux cadavres éparpillés dans la zone de Nuseirat et ont parlé de centaines de personnes blessées, amputées d’un membre ou souffrant d’autres blessures graves.
Abdel Salam Darwish, un habitant de la région, a confié à la BBC qu’il était en train d’acheter des légumes au marché lorsqu’il a entendu des avions de chasse et des coups de feu.
« Par la suite, des morceaux de corps étaient éparpillés dans les rues et du sang maculait les murs », a déclaré le journaliste de la BBC, le citant et dont la couverture de la guerre a suscité de nombreuses polémiques.
La mission de sauvetage
Noa Argamani, 26 ans, Almog Meir Jan, 22 ans, Andrey Kozlov, 27 ans, et Shlomi Ziv, 41 ans, les quatre otages qui ont été secourus, étaient détenus dans deux immeubles résidentiels du camp de réfugiés de Nuseirat, une zone densément peuplée.
L’opération a été menée en milieu de journée par l’unité d’élite antiterroriste Yamam de la police israélienne, en collaboration avec Tsahal et l’agence de renseignement du Shin Bet. La mission a été planifiée pendant des semaines, au cours desquelles des renseignements sur la localisation des otages ont été obtenus et étudiés.
L’unité de Yamam est entrée simultanément dans les deux bâtiments et, alors que l’extraction d’Argamani s’est déroulée sans encombre, le sauvetage des trois hommes a donné lieu à un violent échange de tirs, au cours duquel l’inspecteur en chef de Yamam, Arnon Zamora, a été mortellement blessé.
Qui plus est, le véhicule utilisé pour extraire les trois otages a été pris pour cible, l’immobilisant et nécessitant l’intervention d’une force de sauvetage plus importante pour extraire l’équipe.
Les terroristes ont commencé à tirer sur les forces, a expliqué l’officier, ajoutant : « Nous avons déclenché des tirs de saturation à une cadence élevée pour nous assurer que personne ne s’approchait du véhicule [d’extraction] et que les forces de secours disposaient de suffisamment de temps pour arriver sur les lieux et secourir les forces [d’extraction] ».
L’officier a précisé que l’équipe de secours initiale s’était retrouvée bloquée et que les directives opérationnelles préconisaient un renforcement sur place. L’escadron de drones devait « isoler [l’équipe] de toute menace et attendre l’arrivée de la force de secours plus importante ».
Des vidéos prises sur les lieux montrent de fortes explosions et des nuages de fumée s’élevant au-dessus du quartier. Un témoin, interviewé par un média arabe et diffusé ensuite par Kan News, a déclaré que « les tirs se sont enchaînés à un rythme effréné ; les avions ont commencé à attaquer depuis les airs sur tous les fronts ».
Proportionnalité et précaution
Compte tenu des circonstances de l’opération et de ses conséquences meurtrières, Tsahal a-t-il respecté les lois de la guerre ?
Plusieurs juristes et experts en droits de l’homme ont fait part de leurs inquiétudes quant au caractère légal de la mission.
Kenneth Roth, ancien directeur de Human Right’s Watch (HRW) et critique virulent et de longue date d’Israël, a déclaré que l’opération avait été menée pendant la journée de manière délibérée, augmentant ainsi le risque pour les civils.
« Le problème des opérations de jour est la présence de civils un peu partout, et certaines des bombes sont clairement tombées sur ou près d’un marché de Nuseirat qui était bondé de monde », a-t-il déclaré à Al Jazeera.
« Dans de telles circonstances, il était évident que le nombre de victimes civiles serait plus élevé que si l’opération avait été menée de nuit. Cela va à l’encontre de l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter les pertes civiles ».
Le droit international humanitaire coutumier, tel que défini par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), stipule que « toutes les précautions possibles » doivent être prises pour éviter ou minimiser les pertes civiles lors des opérations militaires.
Roth a néanmoins noté que le Hamas avait ouvert le feu sur les équipes de secours et que la proportion exacte de civils et de terroristes parmi les victimes n’était pas encore connue.
Mardi, un porte-parole du bureau des droits de l’homme de l’ONU a également remis en question la légalité de l’opération sur la base des mêmes principes que ceux mentionnés par Roth.
« La manière dont le raid a été mené dans une zone aussi densément peuplée soulève de sérieuses questions quant au respect par les forces israéliennes des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, tels qu’énoncés dans les lois de la guerre », a affirmé Jeremy Laurence, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH).
« Toutes les actions commises par les deux parties peuvent relever de crimes de guerre », a-t-il ajouté.
« L’avantage militaire » du sauvetage des otages
Tammy Caner, chercheuse à l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) de l’université de Tel Aviv (TAU), a déclaré que le principe clé en jeu dans l’évaluation de la légalité des opérations militaires est celui de la proportionnalité.
Le protocole additionnel I à la convention de Genève stipule qu’une attaque dont on peut attendre qu’elle cause des pertes civiles et des dommages « qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu » est illégale.
En d’autres termes, si un commandant militaire prévoit que le nombre de victimes civiles ou de blessés résultant d’une opération contre un objectif militaire légal sera probablement disproportionné par rapport à l’avantage militaire attendu de l’attaque, l’attaque est illégale.
Mais l’équation de ce qui peut être considéré comme des pertes civiles « excessives » peut varier en fonction de la valeur de la cible.
La libération des otages n’était pas seulement un « avantage militaire » significatif, mais [l’opération] a permis d’atteindre l’un des principaux objectifs de la guerre, à savoir la libération des quatre otages », a déclaré Caner.
« Ainsi, même si les dommages collatéraux infligés aux civils sont importants, ils n’ont pas été considérés comme étant excessifs au vu des circonstances. »
Elle a également souligné que l’évaluation de la légalité d’une attaque ne dépendait pas de l’évaluation des dommages civils réels survenus après l’attaque, mais plutôt des « dommages raisonnablement prévisibles, c’est-à-dire ceux susceptibles de résulter de l’attaque dans un cours normal des événements ».
Caner a noté que les otages avaient été placés par le Hamas dans des bâtiments résidentiels situés en plein milieu d’un quartier civil densément peuplé, et que les forces d’extraction de Tsahal avaient essuyé des tirs nourris, provenant vraisemblablement de mitrailleuses lourdes et de RPG.
Emanuel Gross, professeur honoraire à la faculté de droit de l’université de Haïfa et expert en droit international dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, a indiqué qu’Israël avait une obligation juridique claire envers les otages, en tant que citoyens, de faire tout ce qui était en son pouvoir pour les secourir, « par la négociation ou par la force ».
Une fois l’opération en cours, Israël avait le droit de défendre à la fois la force de sauvetage et les otages contre l’assaut imminent des terroristes du Hamas. »S’ils utilisent la force contre vous, il est clair que vous devez répondre à leurs tirs pour protéger les otages et les soldats qui les extraient, même si vous frappez de nombreux civils au cours de l’opération. Ces conséquences sont inévitables », a affirmé Gross.
« Yuval Kaplinsky, ancien chef du département de droit international du bureau du procureur général, a déclaré qu’étant donné que les otages étaient des civils israéliens qui avaient été enlevés illégalement du territoire souverain de leur pays par une organisation terroriste illégale, les règles régissant les conflits armés pourraient être plus flexibles en ce qui concerne les victimes civiles au cours d’une opération de sauvetage. »
« La situation d’un otage est différente de celle d’un civil ordinaire. Vous essayez de mettre fin à un crime de guerre très grave contre des civils [lors d’une opération de sauvetage] », a indiqué Kaplinsky.
« Comme l’opération visait à sauver des otages civils, la marge de manœuvre peut être plus grande que dans le cas d’une attaque [contre une cible militaire ordinaire], en termes de proportionnalité ».
Kaplinsky a ajouté qu’il n’y avait jamais eu d’affaire portée devant une cour internationale ou un tribunal juridique pour poursuivre une mission de sauvetage d’otages, et que de telles circonstances étaient sans précédent et donc difficiles à évaluer.
Dans le même ordre d’idées, Gross a estimé que les lois sur les conflits armés, largement élaborées au cours de la première moitié du XXe siècle, et même avant, n’avaient pas été formulées en tenant compte du type de guerre que mène actuellement Israël.
« Le type de guerre que nous menons n’est pas la guerre classique pour laquelle le droit international humanitaire a été créé », a expliqué Gross.
« Ces lois ont été créées pour des guerres entre deux nations, pas pour une nation contre un groupe terroriste. La communauté internationale devrait essayer d’adopter des lois différentes et nouvelles pour répondre correctement au nouveau phénomène auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, à savoir des États face à des acteurs non étatiques comme le Hamas et le Jihad islamique. »
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