Nazisme : Christie’s persiste et signe avec la vente controversé des bijoux Horten
Helmut Horten a été accusé d'avoir profité de l'"aryanisation" des biens juifs pendant la guerre
Christie’s persiste et signe en proposant aux enchères mercredi à Genève des bijoux d’exception de Heidi Horten, après avoir été exhortée à suspendre la vente à cause des liens du mari de la milliardaire autrichienne avec les nazis.
Plus de 700 bijoux font partie de cette collection estimée à plus de 150 millions de dollars, mais moins de 100 seront proposés mercredi et 150 autres vendredi. Le reste est vendu en ligne jusqu’au 15 mai et en novembre.
Juste avant le début de la vente, Rahul Kadakia, commissaire-priseur et directeur international pour la joaillerie de la célèbre maison de vente, a de nouveau expliqué pourquoi Christie’s avait choisi d’accepter de vendre cet impressionnant ensemble de joyaux.
La provenance des bijoux est irréprochable et « tous les profits de la vente seront versés à une fondation (la fondation Horten ndlr), qui soutient des causes philanthropiques », a-t-il insisté, ajoutant que « Christie’s apportera une contribution significative » du produit de la vente aux institutions juives et à l’éducation sur la Shoah « d’importance vitale ».
Mardi, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) est venu joindre sa voix aux opposants à la vente, la jugeant indécente.
L’une des pièces maîtresses de la collection de Mme Horten (1941-2022) est une bague Cartier sertie d’un rubis « sang de pigeon » de 25,59 carats, estimée entre 15 et 20 millions de dollars.
« Nous avons aussi le ‘Briolette d’Inde' », un diamant blanc de 90,36 carats « estimé entre 10 et 15 millions de dollars », rattaché à un collier formé d’une myriade de petits diamants blancs, avait indiqué à l’AFP M. Kadakia, lors d’une présentation à la presse.
Parmi les autres lots phares figure un collier de trois rangées de perles naturelles, avec pour fermoir un diamant rose de 11,15 carats (estimé sept à 10 millions de dollars).
La vente pourrait éclipser les précédents records établis par Christie’s lors de la dispersion des biens de l’actrice Elizabeth Taylor en 2011 et de la collection « Maharajas et magnificence moghole » en 2019, qui avaient dépassé les 100 millions de dollars.
Selon le classement Forbes, la fortune de Mme Horten, décédée en juin 2022, s’élevait à 2,9 milliards de dollars.
Mais l’origine de la fortune de son mari, qui possédait l’une des plus grandes chaînes de grands magasins en Allemagne, a suscité des critiques. En 1936, trois ans après l’accession d’Adolf Hitler au pouvoir, il avait repris la société textile Alsberg dont les propriétaires juifs avaient fui, avant de reprendre plusieurs autres magasins ayant appartenu à des juifs avant la guerre.
Helmut Horten a par la suite été accusé d’avoir profité de l' »aryanisation » des biens juifs – mesures de spoliation visant à transférer la propriété d’entreprises détenues par des personnes d’origine juive.
Malgré les assurances de Christie’s, le président du CRIF y voit une vente aux enchères « doublement indécente : non seulement les fonds ayant permis d’acquérir ces bijoux sont pour partie issus de l’aryanisation des biens juifs menée par l’Allemagne nazie, mais, en plus, cette vente doit abonder une fondation dont la mission est d’assurer la postérité du nom de famille d’un ancien nazi ! ».
Le Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la traque des anciens nazis, et le Comité juif américain ont aussi dénoncé la vente.
« Ne récompensez pas ceux dont les familles ont pu s’enrichir grâce à des Juifs désespérés ciblés et menacés par les nazis », a plaidé le rabbin Abraham Cooper, un des responsables du centre Simon Wiesenthal.
Pour le Comité juif américain non plus les efforts de Christie’s ne suffisent pas.