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« Ni plan A ni plan B » à Tchernobyl, dit un « liquidateur », aujourd’hui en Israël

Lev Klotz avait 18 ans lorsque son unité soviétique a été dépêchée six jours après l'explosion du réacteur ; quatre ans plus tard, il perdait toutes ses dents et devenait chauve

Lev Klotz, qui a été envoyé à Tchernobyl en tant que conscrit de l'armée soviétique à 18 ans, se rappelle les événements d'il y a 33 ans dans une interview sur la chaîne 12, le 13 juin 2019. (Capture d'écran de la chaîne 12)
Lev Klotz, qui a été envoyé à Tchernobyl en tant que conscrit de l'armée soviétique à 18 ans, se rappelle les événements d'il y a 33 ans dans une interview sur la chaîne 12, le 13 juin 2019. (Capture d'écran de la chaîne 12)

La diffusion de la série dramatique et historique de HBO racontant l’histoire de la catastrophe de Tchernobyl en 1986 a attiré l’attention sur les immigrants en Israël arrivés d’Ukraine et d’ailleurs en ex-Union soviétique ayant subi les conséquences de la pire catastrophe nucléaire de l’Histoire.

Le 26 avril 1986, le réacteur nucléaire n°4 de Tchernobyl a surchauffé et éclaté dans une explosion de vapeur, suivie d’un incendie à ciel ouvert du réacteur. De grandes quantités de rayonnement ont été libérées dans l’atmosphère, contaminant les zones environnantes, y compris l’approvisionnement en eau de la ville de Kiev. Les estimations varient sur le nombre de victimes, et bien que des centaines de personnes ont été tuées lors de la catastrophe initiale, des milliers d’autres seraient mortes de problèmes de santé causés par l’exposition à la radiation.

Les autorités soviétiques ont enrôlé des centaines de milliers de personnes, surnommées « liquidateurs », pour aider à contenir la catastrophe, sans ordonner immédiatement l’évacuation des communautés touchées. La propagation du rayonnement était si importante qu’elle a déclenché des alarmes dans toute l’Europe, y compris dans une centrale nucléaire située à 1 000 kilomètres en Suède. Le bâtiment du réacteur a finalement été confiné à l’intérieur d’un sarcophage géant en acier et béton.

Plusieurs milliers de personnes, qui vivaient dans les zones touchées, ont immigré en Israël par la suite. Parmi eux, on estimait à 5 000 le nombre de personnes qui ont été reconnues comme « liquidateurs de la catastrophe de Tchernobyl » – qui ont contribué à traiter l’urgence et à contenir le réacteur. De ce nombre, environ 1 300 à 1 500 sont encore en vie.

Lev Klotz, 52 ans, qui vit aujourd’hui dans le Moshav Givati, avait 18 ans à l’époque, jeune soldat recruté récemment et servant dans le génie au combat. Avec le reste de son unité, il a été envoyé à Tchernobyl six jours après la catastrophe pour travailler au déblaiement des débris.

Il a passé environ un mois sur le site. Il a déclaré à la Douzième chaîne d’Israël, dans une interview accordée jeudi, que bien qu’ils étaient stationnés à une trentaine de kilomètres, ils passaient quatre heures par jour dans l’usine dévastée, à l’intérieur de véhicules blindés, déployant des robots et utilisant « d’autres techniques ».

Bien qu’on leur ait donné des vêtements et des masques de protection, « je ne sais pas à quoi ils ont servi », a-t-il dit.

Vue du sarcophage gris fissuré et émietté recouvrant le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine, le 10 mars 2006. (AP/Efrem Lukatsky)

Lev Klotz explique avoir perdu ses cheveux, et toutes ses dents quand il avait 22 ans. Il a dit que les autorités « n’avaient pas de plan A ni de plan B… Nous apprenions ce que nous devions faire au fur et à mesure ».

Plus tard, lorsqu’il en a appris davantage sur la catastrophe, il s’est rendu compte que les autorités avaient menti sur ce qui se passait à l’époque, mais n’était pas surpris. « Quiconque a été soviétique sait qu’on a vécu dans le mensonge. »

Dans un entretien accordé au quotidien Haaretz, le « liquidateur » a déclaré qu’à la fin de la mission, les responsables avaient officiellement estimé que son unité avait absorbé 25 rems, soit la quantité maximale de rayonnement autorisée par les autorités. Lev Klotz, cependant, indique qu’ils avaient en fait absorbé plusieurs fois cette quantité.

Il a reçu deux médailles pour ses services rendus à Tchernobyl, l’une d’elles pour acte de bravoure. Il a dit avoir sauvé deux de ses camarades, dont l’un est mort peu après avoir terminé son service militaire, et un autre dix ans plus tard. « Une mort horrible, beaucoup de souffrance », a déclaré Lev Klotz. « Je pense que si je ne les avais pas sauvés, ils seraient morts immédiatement, sans souffrir autant. »

Quelques années après la catastrophe, il s’est installé en Israël où il a eu besoin de soins médicaux considérables, notamment de multiples transfusions sanguines.

Il a déclaré à la Douzième chaîne qu’il avait aussi fait « beaucoup de service de réserve » dans l’armée israélienne, et qu’il n’y avait aucune comparaison entre les deux. En ex-URSS, explique-t-il, « la vie d’un soldat, la vie d’un homme, n’est pas considérée. C’est très différent. »

Pour Lev Klotz, la série HBO est « excellente », il s’est dit surpris par la précision des détails, même mineurs, de la fiction américaine. « Je ne pensais pas que les Américains étaient capables de bien faire les choses, même les petites choses », a-t-il admis.

Une photo aérienne de la centrale nucléaire de Tchernobyl prise deux ou trois jours après l’explosion de la centrale en 1986. (AP/Volodymir Repik)

Yelena Artyomenko, qui vivait à Kiev avec sa famille au moment de la catastrophe et avait une fille de 12 ans et un petit garçon, a confié à Haaretz qu’elle était toujours hantée par « le stress, la peur et la terreur qui ne vous laissent pas de répit ».

Celle qui vit aujourd’hui à Haïfa a rappelé que quelques jours après la catastrophe du 26 avril 1986, bien qu’un incendie ait été signalé à Tchernobyl, les autorités sanitaires ont assuré aux habitants qu’ils pouvaient encore sortir avec les enfants. Le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, des manifestations ont eu lieu malgré la forte contamination par les radiations dans les rues.

Les liquidateurs survivants ont droit à une allocation annuelle d’environ 5 700 shekels (1 425 euros), a indiqué Haaretz.

Ksenia Svetlova, ancienne députée du parti de l’Union sioniste. (Miriam Alster/Flash90)

En 2001, Israël a légiféré sur la reconnaissance des liquidateurs de Tchernobyl en adoptant une loi qui leur accordait le droit au logement social, une subvention spécifique et des soins médicaux particuliers qui étaient censés être proposés à cette fin.

Selon l’ancienne député de la Knesset, Ksenia Svetlova, cependant, la loi n’a pas été appliquée. Le 17 décembre 2018, la Cour suprême a statué que le gouvernement devait fournir aux « liquidateurs » les services médicaux et autres droits prévus par la loi, mais aucun progrès supplémentaire n’a été réalisé en raison des élections d’avril, puis de la dissolution de la Knesset et du calendrier des nouvelles élections du 17 septembre, le Premier Ministre Benjamin Netanyahu n’étant pas parvenu à former une coalition majoritaire.

Dans un éditorial du Times of Israel publié lundi, elle note que « contrairement aux personnages de la série télévisée, les liquidateurs de la catastrophe de Tchernobyl sont de vraies personnes, en chair et en os. Je ne peux qu’espérer que le regain d’intérêt pour la plus grande catastrophe écologique du 20e siècle finira par amener les médias à se concentrer non seulement sur les histoires d’horreur des poulets à deux têtes et des dents prématurément perdues, mais aussi sur la vie réelle des 1 500 Israéliens qui vivent ici ». Comme ils en ont le droit, a-t-elle conclu, « ils ont besoin et méritent notre aide concrète en matière de logement et de soins médicaux ».

« Tchernobyl », la mini-série télévisée est diffusée en Israël sur Yes, Hot et Cellcom TV.

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