« Nous allons attaquer l’Irak », avait déclaré Israël aux Etats-Unis
27 ans après les attaques de Scud de Saddam sur l'état hébreu, le ministère de la Défense publie des entretiens avec de hauts responsables militaires

Pour le 27e anniversaire des frappes contre Israël de missiles Scud de Saddam en 1991, le ministère de la Défense publie des entretiens avec des hauts responsables expliquant à quel point Israël a failli bombarder Bagdad.
Aux premières heures du 18 janvier 1991, alors que la Première guerre du Golfe allait éclater, l’armée irakienne a lancé huit missiles Scud sur Israël. Les frappes sur Tel Aviv et Haïfa ont blessé sept personnes et causé des dégâts importants sur plusieurs bâtiments résidentiels.
L’armée de Saddam Hussein a continué à tirer 30 Scuds supplémentaires contre des villes du Centre d’Israël, tuant deux personnes dans des frappes directes et 11 autres indirectement, à cause de crises cardiaques et d’asphyxie. Il y avait une réelle possibilité que Jérusalem puisse mener des frappes aériennes de riposte contre des cibles irakiennes.
Des entretiens réalisés peu après la guerre avec le ministre de la Défense de l’époque Moshe Arens et le chef de l’armée israélienne Dan Shomron, qui ont été déclassifiés des Archives du ministère de la Défense jeudi pour marquer le 27e anniversaire des attaques de Scud, montrent à quel point la menace d’une riposte israélienne était sérieuse.

« Au final, Arens a appelé [le ministre américain de la Défense de l’époque Dick] Cheney et lui a dit, ‘OK, nous allons attaquer, enlevez vos avions’ « , s’est-il souvenu.
Dans son entretien, Arens confirme qu’il a dit quelque chose dans le genre. « Je parlais avec Cheney sur une ligne spéciale presque chaque jour. Je lui ai dit : ‘Nous devons attaquer, nous devons nous coordonner’ « , s’est-il souvenu.

« Il essayait toujours de m’en dissuader. Il disait qu’il fallait la permission du président et que nous ne l’avions pas, donc nous ne pouvions pas nous coordonner », a expliqué Arens.
Les Etats-Unis étaient opposés à une intervention israélienne dans le conflit, de peur que cela puisse causer des problèmes pour certains membres de la coalition, qui ne voulaient pas donner l’impression de combattre aux côtés d’Israël.
La coalition s’est donc engagée dans ce qui a été appelé familièrement une « chasse aux Scuds », cherchant les lanceurs à partir desquels l’armée irakienne lançait les missiles non seulement contre Israël, mais aussi contre l’Arabie Saoudite, y compris lors d’une attaque qui a frappé une base militaire américaine, tuant 28 soldats.

Arens a noté que relativement peu de personnes ont été tuées et blessées en Israël. Il a déclaré que l’on avait le sentiment que « le prochain missile pourrait faire beaucoup de victimes, le prochain missile pourrait être un missile chimique et les Américains n’arrivaient pas à les neutraliser, alors nous devions le faire ».
Dans son entretien, Shomron a noté que lui et Arens n’étaient pas toujours du même avis et, s’il présentait au gouvernement des plans pour une attaque, il y était personnellement opposé.
« Si le gouvernement nous avait demandé d’attaquer, nous aurions attaqué, mais je ne recommandais pas de le faire, a déclaré Shomron. Si une heure plus tard, un missile avec des gaz toxiques avait frappé en entraînant de nombreuses victimes, alors j’aurais peut-être recommandé d’attaquer. Je ne disais pas qu’il ne fallait pas attaquer jusqu’à la fin des temps ».
Il a reconnu que sa position n’était pas très populaire en Israël à l’époque.
« Les gens pensaient, ‘Ils nous attaquent et nous ne répondons pas ?’ C’est le réflexe que la plupart des gens ont. C’est ainsi que nous avons été élevés », a répondu Shomron.

« Arens voulait toujours faire quelque chose. Il nous donnait toujours des petites missions. Et je ne voulais jamais faire ces petites missions », a déclaré Shomron.
« Quand perd-on sa capacité de dissuasion ? Quand on fait des petites actions. Ensuite, l’ennemi se dit, ‘C’est tout ce dont [les Israéliens] sont capables’ », a déclaré l’ancien général.

Dans son interview, Arens a déclaré ne pas se souvenir que Shomron était opposé aux plans d’attaque de représailles, qui auraient inclus non seulement des frappes aériennes mais aussi l’abandon des forces terrestres dans l’ouest de l’Irak.
« Il n’a pas vraiment dit qu’il ne le recommandait pas. Au contraire ! Il a présenté le plan, et je l’ai approuvé », a déclaré Arens.
Shomron a indiqué que certaines des cibles qu’ils avaient choisies incluaient l’un des palais de Saddam Hussein et le quartier général de l’état-major de l’armée irakienne.
Passage aux attaques chimiques
L’ancien chef de l’armée, décédé en 2008, a également discuté de la préoccupation réelle de l’armée à l’égard de Saddam sur l’utilisation d’armes chimiques contre Israël dans les mois qui ont précédé la guerre. Il a également noté que l’armée se préparait à la possibilité que le dirigeant irakien entreprenne une campagne éclair à grande échelle sur le Moyen-Orient et tente de prendre le contrôle de la Jordanie et de la Syrie.
« Je ne savais pas s’ils allaient tirer des missiles, mais la possibilité existait », a-t-il dit. « Le renseignement militaire ne pouvait pas dire s’ils disposaient d’ogives chimiques. Elles étaient en cours de développement, mais il n’était pas clair si elles existaient déjà pour les missiles Scud d’Hussein.
« Il était admis que le Moyen-Orient se dirigeait vers des attaques chimiques, avec des ogives chimiques sur des missiles sol-sol, qui étaient difficiles à intercepter », a déclaré Shomron.
Le chef de l’armée a noté qu’avant la guerre du Golfe, les défenses aériennes israéliennes étaient limitées, sans aucune riposte réelle contre les attaques de missiles.
« Personne au monde n’avait une bonne réponse sur la façon d’arrêter un missile sol-sol, et nous n’en avions pas non plus », a déclaré Shomron.

Après le barrage initial du 18 janvier, les États-Unis et les Pays-Bas ont déployé le système de défense anti-missile Patriot en Israël, mais il était d’une efficacité limitée ou nulle.
Reuven Pedatzur, ancien pilote de l’armée de l’air israélienne et analyste militaire, a ensuite déclaré devant le Congrès américain qu’ « une seule ogive d’al-Hussein a été visiblement touchée par des missiles Patriot ».
(Le système a été mis à jour à plusieurs reprises depuis et est considéré comme beaucoup plus efficace maintenant.)
Dans son interview, Arens se rappelle avoir voyagé aux États-Unis pendant la guerre pour parler au président de l’époque, George H.W. Bush pour le convaincre qu’Israël devrait mener une attaque de représailles contre l’Irak, car la coalition ne faisait pas assez et le système Patriot était inefficace.
« Il y a eu une discussion, et ils ont dit que leurs chiffres montraient qu’ils réussissaient à intercepter [des missiles Scud]. Je leur ai dit : « Écoutez, je vous dis qu’ils ne sont pas efficaces. Ils n’ont pas intercepté un seul missile », a déclaré Arens.
Shomron a déclaré que la réelle préoccupation des attaques chimiques a conduit à la distribution massive de masques à gaz aux citoyens israéliens avant la guerre.
« J’ai recommandé au Premier ministre que nous distribuions des masques à gaz aux gens au lieu de les garder dans les centres de collecte, comme nous le faisions », a-t-il dit.

« Il est préférable de les distribuer quand les choses sont calmes plutôt qu’en temps de crise », se souvient-il avoir dit au Premier ministre d’alors, Yitzhak Shamir.
En fin de compte, bien sûr, Israël n’a mené aucune attaque contre l’Irak, surtout à cause des pressions américaines.
Bien qu’il fut en faveur d’une attaque à l’époque, dans son interview, Arens a reconnu qu’Israël, en tant que pays, perdait peu de son pouvoir de dissuasion en raison de sa décision de ne pas réagir, il précise que cela aurait pu coûter à Shamir l’élection de 1992.
« Peut-être que nous avons perdu un peu [de la dissuasion] au cours des deux ou trois années qui ont marqué les gens qui nous ont attaqués, mais Israël est très fort et s’est renforcé depuis », a déclaré Arens.
Mitch Ginsburg a contribué à cet article.
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