Partenariat entre Twitter et eToro, plateforme israélienne de trading à haut-risque
Si les détails de l'accord sont indéterminés, les experts déclarent qu'une relation trop étroite entre les deux firmes pourrait attirer l'attention des régulateurs
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël
Twitter a établi un partenariat avec la compagnie israélienne de trading en ligne eToro, ce qui permettra aux utilisateurs du réseau social d’échanger des actions, des crypto-devises et autres.
Depuis le 13 avril, les usagers de Twitter qui tapent le symbole du dollar ou celui de certaines actions ou fonds indiciels sont automatiquement redirigés vers une page qui les encourage à faire du trading avec eToro. La page fournit aux utilisateurs de Twitter des informations financières et des diagrammes de marché pour une action donnée et elle offre l’accès, par le biais d’un bouton, à une page intitulée « Affichez avec eToro ». Les utilisateurs accèdent alors à la plateforme de trading eToro.
Les experts consultés par le Times of Israel ont indiqué que si cette relation doit être celle qui est habituellement entretenue entre un annonceur et une plateforme de réseau social – ce qui signifie que Twitter touchera une commission pour chaque clic menant sur la page d’eToro – alors la situation ne sera pas problématique.
Toutefois, si la relation entre les deux compagnies doit dépasser ce simple stade, alors les régulateurs européens et américains pourraient être tentés d’intervenir.
Ces dernières années, le réseau social Twitter est devenu populaire pour les entreprises qui souhaitent faire la promotion d’un conseil financier ou recommander des actions, alors même qu’un seul tweet écrit par Elon Musk, propriétaire de la plateforme, peut entraîner la hausse ou l’effondrement du prix d’une action.
Musk a racheté Twitter au prix de 44 milliards de dollars au mois d’octobre 2022 et depuis, des changements controversés ont été effectués au sein de la plateforme. Musk a renvoyé des milliers d’employés, il a réintégré des personnalités dont les comptes avaient été bannis – l’ancien président américain Donald Trump ou le champion de kickboxing Andrew Tate – sur le réseau social et il a affirmé que certains médias étaient « financés par le gouvernement », sans faire la différence entre pays démocratiques et les dictatures, entraînant le départ de Twitter de PBS et de NPR, dont les sièges sont aux États-Unis.
Il a aussi fait part de son intention de transformer Twitter en « super-app », une application « tout en un » offrant des services allant des discussions par visioconférence au covoiturage, et en passant par les services bancaires.
Le 13 avril, eToro a écrit sur Twitter que « nous sommes très enthousiastes à l’idée de lancer un nouveau partenariat $Cashtags avec @Twitter, qui permettra aux utilisateurs de Twitter de voir les prix en temps réel pour une gamme beaucoup plus importante d’actions, de crypto-devises et autres, et qui offrira aussi l’option de faire des investissements à travers eToro ».
EToro est un courtier en ligne qui permet aux petits investisseurs d’acheter et de vendre des actions, des crypto-devises, des marchandises, des devises ou des ETF (exchange-traded funds), ainsi que des dérivés de certains de ces produits.
Un reportage effectué par le Times of Israel, en juillet 2021, avait cité des critiques de la firme qui avaient affirmé qu’une partie significative des revenus d’eToro provenait des CFDs (Contract for Differences) à effet de levier, un produit financier complexe inadapté pour les non-initiés qui, pour la majorité d’entre eux, perdront de l’argent s’ils se risquent à tenter l’aventure d’investir dedans.
Les investigations du Times of Israel avaient aussi révélé des liens entre eToro et l’industrie des options binaires, largement frauduleuse et qui est aujourd’hui hors-la-loi : Plus d’une dizaine d’employés actuels et anciens d’eToro ont travaillé pour une firme d’options binaires ou une autre dans le passé, selon leur profil sur LinkedIn.
Un expert a noté auprès du Times of Israel que les informations transmises par les médias donnaient peu de détails sur l’accord conclu entre Twitter et eToro. Mais si eToro joue simplement le rôle d’annonceur – rémunérant Twitter pour les clics permettant d’accéder à son site internet – la situation n’aurait rien de malencontreux.
« Nous ne savons pas à quoi ressemble le contrat établi entre Twitter et eToro », a dit Mikhail Gordon, un autre expert spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d’argent qui travaille pour la firme américaine Affiliated Monitors et qui est professeur à l’Académie internationale anti-corruption, dont le siège est en Autriche, au Times of Israel.
« Si cet accord dit simplement que Twitter vous accorde la possibilité d’accéder à eToro… Eh bien, ce n’est qu’un lien. Ce n’est pas différent d’un lien permettant d’accéder à la CNBC ou à Forbes« , a ajouté Gordon.
« Tant que Twitter ne vous encouragera pas à acheter des actions auprès d’eToro, que le réseau social ne discutera pas des actions particulières que vous êtes susceptibles d’échanger sur eToro, alors il n’y aura pas de problème », a-t-elle poursuivi.
Si Twitter devait être en partie propriétaire d’eToro, de l’autre côté, ou que l’entreprise devait recevoir une partie des profits de l’entreprise, d’autres problèmes se poseraient alors, a continué Gordon.
Tout d’abord, a-t-elle indiqué, « eToro est une plateforme de trading à haut-risque ; Twitter devrait vraiment alors renforcer ses efforts dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. C’est pourtant Musk qui a considérablement réduit le nombre d’employés qui travaillaient dans les secteurs juridique et de mise en conformité au sein de Twitter ».
En second lieu, a-t-elle précisé, si Twitter devait partager des données sur ses utilisateurs avec eToro et ce, sans leur autorisation, cela pourrait potentiellement violer certaines lois sur la confidentialité qui nécessitent un consentement affirmatif de la part des utilisateurs.
« Twitter est une entreprise basée en Californie. Elle est soumise aux lois californiennes sur la confidentialité des consommateurs. Ainsi, si la plateforme veut partager les données de ses utilisateurs, ces derniers doivent pouvoir avoir le choix de refuser », a-t-elle conclu.