Rencontrez la prof de théâtre qui forme les diplomates et politiciens d’Israël
Michelle Stein Teer pense qu’Isaac Herzog a été mal conseillé, alors que Netanyahu, formé aux Etats-Unis, a été un “bon étudiant” et que Stav Shaffir est une “tigresse”
Avant qu’ils ne s’assoient devant les caméras des studios de télévision en Israël et à l’étranger, beaucoup de diplomates et politiciens israéliens se sont assis avec Michelle Stein Teer.
Conseillère et professeur de rhétorique et communication au centre interdisciplinaire (IDC) et à l’université Bar-Ilan, Stein Teer leur apprend comment construire des petites phrases – « commencez par la fin. Par votre message principal », où regarder, à éviter le passif, à commencer avec un message positif avant de passer aux négatifs, et à ignorer le conseil de garder les mains sur la table pendant l’interview.
« Alors ils s’assoient, et ne bougent pas, et ressemblent à un sphinx », dit-elle des personnages qui tiennent compte de ce conseil. « Et si nous n’utilisons pas de geste des mains, nos têtes commencent à faire des choses étranges. »
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Stein Teer, qui ne peut pas donner le nom de ses clients, dit avoir formé « beaucoup » de députés et de diplomates depuis qu’elle a commencé au ministère des Affaires étrangères en 2003, de tous les partis politiques. Elle soupire fortement quand elle parle du chef de l’opposition Isaac Herzog, dont elle affirme qu’il « aurait pu recevoir de meilleurs conseils » et a été conseillé d’être « quelqu’un qu’il n’est pas ».
La députée de l’Union sioniste Stav Shaffir est une « tigresse », dit-elle. Et elle cite les députés du Likud Gilad Erdan, Ofir Akunis et Gideon Saar (mais seulement quand il était plus jeune, note-t-elle) comme des politiciens qui ont pris le parti d’imiter la rhétorique épanouie de leur « patron talentueux » : le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Pendant des années, Stein Teer a animé une émission sur la chaîne de la Knesset qui analysait le langage corporel des politiciens, et elle finissait son doctorat à l’université Bar-Ilan sur ce qui rend un discours efficace. S’adressant au Times of Israël, Stein Teer est chaque morceau du professeur de théâtre ; articulée, avec la diction de Julie Andrews, ses gestes des mains sont mesurés, son regard inébranlable.
Au sujet de Netanyahu, elle décrit sa capacité, au début de sa carrière, à jouer avec la presse, et son retrait graduel des médias, en n’utilisant que ses propres termes. Elle trace une ligne entre les accessoires de Netanyahu à l’ONU et les casquettes de base-ball de Donald Trump, et définit la discordance entre la capacité du Premier ministre à influencer des publics en hébreu et en anglais.
« Mon Dieu, il est incroyable en anglais. Incroyable », dit-elle en anglais. « Et en hébreu, ils ne croient pas un seul mot qui sort de sa bouche », ajoute-t-elle en hébreu.
La ‘pyrotechnie’ de la diplomatie
Etre un diplomate israélien demande de la « pyrotechnique ». Il s’agit d’une créativité immense, dit Stein Teer.
« Parce que c’est très difficile ; cela revient toujours au conflit, et toutes les tentatives de présenter Israël ‘au-delà du conflit’ réussissent à un certain degré, mais pas au niveau qu’ils souhaiteraient. »
Pour compliquer la donne, la politique israélienne n’est pas toujours claire, dit-elle, donnant l’exemple des récents affrontements entre Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Moshe Yaalon sur les remarques du chef d’Etat-major adjoint Yair Golan, qui avait semblé comparé des parties de la société israélienne à l’Allemagne pré-nazie. Netanyahu avait condamné les remarques de Golan, alors que Yaalon l’avait défendu.
« Cela a mis les diplomates dans une position très difficile. Bibi [Netanyahu] est le ministre des Affaires étrangères [ainsi que le Premier ministre]. Alors qu’est-ce que vous faites ? Quelle politique vendez-vous ? Ils ont un problème très sérieux. Ils essaient de ne pas répondre à la question », dit-elle.
« Souvent, ils disent : ‘Israël est la seule démocratie du Moyen Orient, et il est très bon d’avoir des voix différents et des opinions différents’. C’est une réponse populaire. Mais combien de fois pouvez-vous dire ça ? Cela vous donne envie de… » Elle hésite. Vomir ? « Exactement. »
Authenticité et politique
Dans une Knesset souvent houleuse, le langage corporel – et les cris – sont assez constants dans tous les bords, dit Stein Teer.
« Cela ne compte pas votre bord politique, votre langage corporel est le même. Si je vous accuse maintenant, alors je vous poignarde avec mon doigt. Et vous, de votre côté, vous me poignardez avec votre doigt. Ou je lève mon poing, ou fait un geste de couteau – et vous voyez les politiciens des deux côtés utiliser exactement le même langage corporel, et les mêmes intonations, et les mêmes accents. »
A son avis, les tentatives d’Herzog d’adopter une personnalité de dur en s’en prenant à Netanyahu pendant les dernières élections sont tombées à plat.
« Pour Bouji [Herzog], je pense qu’il aurait pu recevoir de meilleurs conseils. Ils ont essayé pendant les élections de faire de lui quelqu’un qu’il n’est pas. Et nous ne pouvons être quelqu’un d’autre que pendant une courte période de temps, dit-elle en soupirant. Nos habitudes sont plus fortes que nous le sommes, donc vous pouvez les changer, mais vous allez devoir travailler très dur. Ce n’est pas assez de se tenir sur scène et de crier ‘soulèvement, soulèvement’ », dit-elle en faisant référence au slogan de campagne de l’Union sioniste.
« Cela ne signifie pas que les politiciens pensent tout ce qu’ils disent. Pas du tout. Pas du tout, ajoute-t-elle. Mais cela doit venir d’un endroit authentique. »
Stein Teer pointe Shaffir, qui à 31 ans est l’une des plus jeunes parlementaires, pour son « héroïsme » face aux autres députés qui la traitent comme un « freluquet ». Et elle affirme que les politiciens du Likud comme Erdan et Akunis imitent Netanyahu « parce que cela marche pour lui, alors peut-être que ça marchera pour eux » et « s’ils sont comparés à Netanyahu, c’est une bonne chose ».
‘Tout est prémédité avec Netanyahu’
Stein Teer signale deux anecdotes médiatiques célèbres liées à la relation du Premier ministre avec la presse. La première est peut-être la version israélienne du narratif entourant le débat entre Nixon et Kennedy, pendant lequel les auditeurs de la radio auraient basculé vers Nixon, alors que les téléspectateurs ont vu en Kennedy le vainqueur.
En 1996, Netanyahu a affronté Shimon Peres pendant un débat télévisé. Peres s’est adressé au journaliste pendant toute l’émission, alors que Netanyahu – formé aux Etats-Unis par Lilyan Wilder, qui a aussi formé Oprah Winfrey – s’est adressé à la caméra, et a finalement gagné l’élection.
Netanyahu était un « très bon étudiant » dit-elle. « Tout est prémédité » avec Netanyahu, affirme Stein Teer. Mais de temps en temps, « l’absence de spontanéité » peut donner l’impression que son discours est « robotique », ajoute-t-elle.
« Il est préparé, il a compris que pour faire bien, vous devez vous préparer. Il n’y a pas de spontanéité. Alors de ce côté il appartient à une génération de télé-politiciens, qui compte aussi Tony Blair, Bill Clinton bien sûr, Sarkozy, dit-elle. Pendant de nombreuses années, c’était sa force. Il arrivait au studio, il y avait une promesse de forte audience. Mais aujourd’hui, il se cache. Parce qu’aujourd’hui, les médias ne le servent pas. »
Netanyahu et Trump démontrent tous deux une utilisation rhétorique de « l’intelligence créatrice », dit-elle, le Premier ministre israélien avec ses accessoires à l’ONU, et le candidat républicain américain avec ses casquettes de base-ball.
La seconde anecdote est une histoire « qui circule dans les couloirs de l’ONU, au sujet de Danny Gillerman : quand il a été nommé pour être 13e ambassadeur à l’ONU, il a rencontré Netanyahu et lui a demandé ‘quel est le meilleur conseil que vous pouvez me donner ?’, dit Stein Teer. Et Netanyahu a répondu : ‘je vais vous donner trois conseils : médias, médias, médias’. »
Les Israéliens familiers des harangues fréquentes de Netanyahu contre les médias et son refus d’être interviewé par les médias israéliens pourraient trouver cela peu représentatif de leur Premier ministre. Mais selon Stein Teer, Netanyahu « joue toujours les médias » et son changement fait partie d’une « réinvention ».
« Il n’a pas donné d’interviews pendant des années. Mais pendant les élections, à la fin – blitzkrieg. Parce que cela servait ses intérêts », dit-elle.
« Même les politiciens qui sont dans le domaine depuis longtemps doivent se réinventer », ajoute-t-elle, et pendant les dernières élections, il « s’est réinventé, et comment ». La tactique des Arabes qui votent « en masse » et les sketchs auxquels il a participé sont « une sorte de réinvention de lui-même », dit-elle.
« Mais il le fait sur son territoire. Dans son bureau, à sa caméra, aux personnes qu’il paie pour faire le travail comme il veut. »
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