Smotrich estime qu’il faut permettre l’effondrement total de Gaza
Le ministre d'extrême-droite, qui veut obtenir un siège au cabinet de guerre, a évité de répondre à une question portant sur de nouvelles implantations juives à Gaza à l'avenir
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le ministre des Finances Bezalel Smotrich a répété son appel à élargir le cabinet de guerre restreint pour y inclure des représentants de chaque parti de la coalition, affirmant que les politiciens qui ont dénoncé les stratégies israéliennes d’apaisement du Hamas et de l’Autorité palestinienne jusqu’à présent devaient avoir le droit de faire partie du processus décisionnel pendant la guerre en cours.
Smotrich a accusé le cabinet de guerre actuel, composé de trois membres, des hommes politiques centristes et de droite, de s’en tenir à une stratégie sécuritaire articulée autour de la complaisance et de l’apaisement – « ce qui, dans une large mesure, nous a amenés à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. »
Alors que la guerre opposant Israël au Hamas au sein de l’enclave côtière a commencé il y a six semaines, le chef du parti d’extrême-droite a affirmé que « des opinions qui, jusqu’à présent, n’ont pas été entendues » devaient s’exprimer au sein du cabinet de guerre, et notamment celle des responsables politiques « qui se sont insurgés, depuis des années, contre cette conception des choses ; qui ont exigé l’élimination du Hamas, y-compris par la conquête de la bande de Gaza, pour éliminer la menace qu’il représente pour l’État d’Israël ».
Même si Smotrich tente aujourd’hui de laisser entendre qu’il n’a jamais eu d’influence réelle en matière politique jusqu’à présent et qu’il a essayé de prendre ses distances face aux échecs qui ont entraîné l’attaque du 7 octobre, il occupe actuellement un poste de ministre subalterne au ministère de la Défense et il a été ministre des Transports dans un gouvernement antérieur de Netanyahu. Il était membre du cabinet de sécurité de haut-rang dans les deux cas.
Dans un entretien accordé en 2014, où il évoquait les efforts livrés par les Palestiniens pour ôter toute légitimité à Israël, Smotrich, qui était député à ce moment-là, avait déclaré que l’Autorité palestinienne était un « fardeau » et que le Hamas, largement reconnu comme groupe terroriste, était « un atout ».
Avant de rejoindre la politique, Smotrich avait été arrêté pour son activisme violent lors du désengagement unilatéral de la bande de Gaza qui avait été décidé par le gouvernement, en 2005 – avec notamment le déracinement de toutes les implantations juives qui avaient été construites au sein de l’enclave côtière.
Interrogé par des journalistes qui lui demandaient s’il serait favorable à la construction de nouvelles implantations qui ancreraient la présence juive à Gaza, Smotrich a répondu que « ce n’est pas le moment de s’occuper de cela ».
« Nous en discuterons plus tard », a-t-il ajouté.
Netanyahu a indiqué, ces derniers jours, qu’Israël ne s’implanterait pas à Gaza et que l’État juif ne prendrait la barre de l’entité palestinienne, tout en affirmant que l’armée israélienne assumerait le contrôle sécuritaire au sein de l’enclave. Les Palestiniens ont dit être inquiets que le déplacement des civils des zones de combat, un déplacement qui a lieu à l’heure actuelle, ne soit un signe annonciateur d’une expulsion permanente de leurs habitations dans la bande.
Netanyahu et son partenaire au sein du gouvernement d’urgence, Benny Gantz, n’ont pas commenté la requête faite par Smotrich d’intégrer le cabinet de guerre. Le ministre d’extrême-droite a fait remarquer toutefois que s’il devait entrer dans ce dernier, son parti continuerait à s’opposer au transfert de carburant à Gaza comme il l’avait fait en votant contre cette décision soutenue par les Américains lors d’une rencontre du cabinet, dans la soirée de samedi.
Selon Smotrich, une politique de pression maximale sur les infrastructures gouvernementales et civiles à Gaza accélérerait la fin de la guerre. Netanyahu, de son côté, aurait fait savoir au cabinet de sécurité que permettre l’entrée d’aides humanitaires – comme celle du carburant qui fait fonctionner les systèmes des eaux usées – est déterminant pour conserver le soutien Américain aux opérations menées par l’armée. Et le Premier ministre l’a encore répété lors d’une conférence de presse organisée dans la soirée de samedi.
« Je pense que le moyen de gagner cette guerre est de soumettre entièrement le Hamas à Gaza et pour ce faire, il faut que le système de l’État tout entier s’effondre et il ne faut surtout pas autoriser quoi que ce soit qui pourrait aider le Hamas à continuer à porter atteinte à nos soldats et à nos civils », a continué Smotrich, lundi.
Un point de vue qui est partagé par le chef du parti d’opposition Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, qui a indiqué lundi que le gouvernement appliquait « la mauvaise stratégie » en « tentant d’acheter la sécurité par l’apaisement, en essayant de ne provoquer personne », des propos qu’il a tenus lors d’une réunion de sa faction à la Knesset.
« C’est cette même conception erronée qui reste la stratégie dominante… dans les milieux étatiques et diplomatiques », a ajouté Liberman, qui a fait remarquer que les ministres Gantz et Gadi Eizenkot, du parti HaMahane HaMamlahti; faisaient « partie intégrante » de ce système de pensée.
« Quelle autre ligne rouge devra donc être franchie » avant que le gouvernement ne modifie son approche des ennemis et de la guerre en cours ?, s’est-il interrogé.
Attaquant le gouvernement à sa gauche, le leader de l’opposition Yair Lapid a indiqué que les affaires civiles continuaient à être mal gérées, accusant le gouvernement de ne pas prendre en charge l’économie, l’éducation et les besoins de base des 200 000 Israéliens environ qui ont été évacués, six semaines après l’assaut meurtrier du Hamas et la guerre qui a suivi.
« C’est un gouvernement qui ne fonctionne pas et un Premier ministre qui ne fonctionne pas, en qui le public a perdu toute confiance », a affirmé Lapid, au début de la réunion de sa faction Yesh Atid, lundi. Il a ajouté que « nous avons besoin d’un Premier ministre opérationnel en temps de guerre ».
Il a ajouté que « si les motivations n’étaient pas politiques, nous aurions un [nouveau] budget pour 2024, nous aurions un gouvernement beaucoup plus restreint et plus efficace, nous aurions des ministres fonctionnels dans des ministères qui fonctionnent ».
Le parti Shas, qui appartient à la coalition, a pour sa part critiqué avec vivacité Lapid qui, selon lui, s’adonne à de la « politique politicienne » en temps de guerre. La semaine dernière, Lapid avait appelé à remplacer Netanyahu au poste de Premier ministre par un autre député du Likud de manière à ce qu’un gouvernement d’unité plus large puisse être formé, pilotant ainsi le pays à travers la guerre.
« Ceux qui font de la politique ou qui cherchent à marquer des points politiques portent gravement atteinte au peuple d’Israël et nuisent à nos soldats », a déclaré Deri dans des propos adressés aux journalistes avant une réunion de sa faction.
« C’est assez, laissez la politique de côté. Nous ne changerons pas de Premier ministre. Je demande à Lapid et à Avigdor Liberman, président de Yisrael Beytenu, de rejoindre le gouvernement », a-t-il ajouté.
Lapid et Liberman avaient tous les deux négocié – en vain – leur entrée dans le gouvernement d’urgence. Lapid avait exigé, comme condition préalable, de limoger les membres extrémistes de la coalition, à savoir Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, et Liberman avait réclamé un siège influent au sein du cabinet de guerre. Deux requêtes qui avaient été refusées.
Par ailleurs, Lapid a dit que les mêmes extrémistes de la coalition qu’il n’a cessé de dénoncer avaient eu un comportement « honteux » lors d’un débat organisé lundi à la Knesset, qui était consacré à l’adoption d’une loi prévoyant la peine de mort pour les actes de terrorisme, au cours duquel les législateurs se sont livrés à des échanges violents avec les familles d’otages.
Le chef de Yesh Atid a estimé que la discussion avait été « une honte, un véritable scandale et une insulte terrible non seulement pour les familles des otages, mais aussi pour l’État d’Israël tout entier ». Il a noté que « c’est ce qui arrive lorsque l’on prend les personnalités les plus démentes et les plus extrêmes du pays et qu’on les place au pouvoir ».
Ce sont en particulier des députés d’Otzma Yehudit, la faction de Ben Gvir, qui ont réclamé le débat sur cette proposition de loi consacrée à la peine capitale et qui ont initié cette violente altercation.
« Quand comprendrez-vous qu’un véritable désastre a eu lieu dans ce pays » le 7 octobre, « et qu’il est impossible de continuer comme ça ? », a interrogé Lapid, s’adressant alors à la quarantaine de ministres du cabinet, mêlant ses critiques à un ensemble plus large de problématiques nationales sur la nécessité de canaliser les ressources vers l’effort de guerre.
Smotrich a laissé entendre qu’il apportait son soutien à la législation tout en condamnant légèrement le comportement d’ Otzma Yehudit.
« Je ne pense pas qu’il y ait un désaccord au sein des Israéliens au sujet de la sentence à appliquer à ces nazis », a expliqué Smotrich en parlant des terroristes qui ont semé la désolation sur le sol israélien, le 7 octobre, tout en estimant que la discussion aurait dû montrer « une plus grande sensibilité à l’égard des familles des otages ».
Yisrael Beytenu a présenté sa propre version de loi portant sur la peine de mort pour les terroristes depuis 2015, a fait remarquer Liberman qui a ajouté que si sa formation continuait à soutenir ce changement de politique, le moment choisi pour le débat, à la Knesset, sur cette initiative controversée avait été malencontreux.
« Concernant le moment choisi, il est évident qu’il n’y avait aucune raison d’avoir cette discussion aujourd’hui, » a commenté Liberman qui a ajouté qu’aucune partie du texte n’était présentée au vote actuellement.
Plusieurs familles des otages ont supplié les députés de suspendre le projet de loi jusqu’à ce que leurs proches aient été libérés, sains et saufs.
La salle de conférence de Yesh Atid, à la Knesset, a été recouverte des affiches montrant les visages des 240 otages ou presque qui se trouvent au sein de l’enclave côtière.
« L’État d’Israël est, avant tout, dans l’obligation de faire revenir les otages », a affirmé Lapid, disant que dans ce contexte, le groupe terroriste du Hamas serait démantelé.