Tsahal ne veut pas de « clichés victorieux », mais la victoire, quel que soit le temps que cela prendra
Le ministre des Affaires étrangères parle d'une « fenêtre diplomatique » de 2 à 3 semaines avant que la pression pour terminer la guerre ne devienne trop forte. Le calendrier de l'armée est tout autre
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Ce lundi, le ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, a informé les journalistes diplomatiques qu’Israël disposait d’une « fenêtre diplomatique » de deux à trois semaines avant que la pression pour mettre fin à la guerre contre le Hamas ne devienne trop forte.
Avec tout le respect que je dois à Eli Cohen, l’armée israélienne a un calendrier sensiblement différent.
Dans l’esprit de Tsahal, nous ne sommes pas ici en présence d’un simple conflit de plus contre le Hamas. Pas le genre de guerre susceptible de s’arrêter, quand bien même les quelque 240 otages de Gaza seraient libérés.
Nous sommes plutôt en présence d’une guerre destinée à rétablir la primauté d’Israël en matière de sécurité, non seulement en ce qui concerne Gaza, où le Hamas doit être vaincu et la sécurité être rétablie, mais aussi en ce qui concerne l’ensemble de la région, notamment le Liban, mais pas seulement. Cela pourrait bien mettre Israël toujours plus en porte-à-faux avec la plupart de ses partisans les plus convaincus. Cela va mettre à l’épreuve la résilience émotionnelle et pragmatique des Israéliens, à mesure que les pertes vont se multiplier, tout comme les tensions sociales et économiques. Et ça va durer très, très longtemps.
Le 7 octobre est une tragédie sans précédent pour Israël et les dirigeants militaires israéliens. Pire, bien sûr, que les pertes enregistrées dans la lutte pour la survie de l’Etat, lors de la guerre d’indépendance et fondatrice d’Israël, en 1948, avec des dirigeants bien conscients de l’âpreté des combats, mais qui l’ont emporté au prix d’une forte insistance. Pire, bien pire même que la guerre du Kippour, avec ses hauts gradés aveugles jusqu’à l’inconscience de ce que l’ennemi préparait pourtant au vu et au su de tous, et qui ont payé un prix militaire terrible.
Parce que le 7 octobre, ce sont les citoyens d’Israël qui ont perdu la vie aux mains d’une force d’invasion, laissée sans protection par des forces de l’ordre qui refusaient tout simplement de croire qu’elles avaient face à elles une véritable armée terroriste, patiemment organisée au fil des années, entraînée à l’attaque semaine après semaine.
S’il n’y avait pas une guerre à gagner, toute la haute hiérarchie des forces de l’ordre israéliennes aurait sans doute annoncé sa démission le mois dernier, en même temps qu’un certain nombre d’officiers et responsables, brisés de n’avoir pu protéger les gens de leurs propres communautés ou de celles qu’ils ont passé toute leur vie à défendre.
Mais il y a une guerre à gagner. Et ces mêmes personnes qui n’ont pas arrêté le Hamas ont, pour l’instant, mis de côté l’échec du 7 octobre et, à tort ou à raison, rayonnent de la conviction qu’elles peuvent et vont gagner cette guerre, et que le gouvernement résistera aux pressions internationales pour arrêter les combats avant leur terme.

Du point de vue des hauts gradés, l’échec est profond, au-delà du dicible. Mais la riposte a commencé le jour même. Le 7 octobre aurait été bien pire – l’invasion plus profonde, les cibles plus nombreuses, le nombre de morts plus élevé, l’impact sur d’autres fronts plus significatif encore – si les forces – inadéquates – sur le terrain n’avaient pas riposté avec autant de courage, et n’avaient pas finalement reçu l’aide d’importants renforts, pour tuer au moins 1 200 des 3 000 envahisseurs armés, en capturer 200 et passer rapidement à l’offensive contre le Hamas.
L’offensive terrestre, qui en est maintenant à sa troisième semaine, n’a pas été retardée ou hésitante. Bien au contraire, il a fallu la préparer en partant quasiment de zéro, et entraîner les soldats à ce qui les attendait.
Des décisions fondamentales et fatidiques ont été prises rapidement. Parmi elles, concentrer l’attaque terrestre d’abord sur le cœur des opérations militaires et des infrastructures du Hamas dans la ville de Gaza. Contre un Hamas qui s’était préparé pendant 16 ans pour le jour J. Avec toutes la difficulté qu’implique le fait de se battre dans l’un des endroits les plus peuplés du monde, contre un ennemi amoral qui utilise les stratagèmes les plus cyniques pour mettre les non-combattants en danger, tirer depuis les endroits les plus sensibles et déformer ce qui se passe réellement, devant les yeux d’un monde dans l’ensemble très crédule.
L’armée israélienne a également livré des combats dans le camp de réfugiés de Shati, au nord, dans des bâtiments de 14 étages et un vaste monde souterrain en contrebas.
Et elle a le sentiment de progresser rapidement. La coopération entre les différentes branches et services — l’armée de l’air, la marine, la logistique, le renseignement — est jugée excellente, voire inégalée.
Rien n’est parfait. Rien n’est jamais parfait en temps de guerre. Le bilan de Tsahal ne cesse de s’alourdir. Les commandants sont parfois allés trop vite, ce qui a des conséquences fatales. Ils ne savaient pas tout ce qu’ils avaient besoin de savoir à propos des tunnels, et ils ne le savent probablement toujours pas.
Mais l’armée israélienne, qui envoie des forces terrestres depuis le nord et le sud de la bande de Gaza, dans un mouvement de tenaille, pense avoir pris le contrôle d’une grande partie du nord de Gaza et du cœur de la ville de Gaza.
Lorsque la guerre a été déclarée, l’unique objectif avoué était d’éliminer le Hamas. Le second, à savoir la libération des otages, s’est ajouté par la suite. Les proches des otages qui ont rencontré cette semaine le ministre de la Défense Yoav Gallant estiment que, pour ce dernier, cet objectif est essentiel, mais aussi que plus la guerre est efficace, plus les chances de libération des otages sont grandes, soit par le biais d’un ou plusieurs accords, soit par le biais d’un sauvetage militaire.
Même si un seul otage, Ori Megidish, a pu être sauvé jusqu’à présent, dans le cadre d’une opération extrêmement risquée, l’armée israélienne partage totalement l’avis de Gallant. Toutes les familles n’en sont pas convaincues, craignant au contraire que plus la guerre sera dure, plus il est probable que le Hamas blesse les otages, ou que Tsahal le fasse par inadvertance.

Les commandants de Tsahal sont indignés, mais pas surpris, par les tactiques du Hamas, jusqu’à l’utilisation scandaleuse d’hôpitaux, mosquées ou écoles comme bases terroristes. Après les atrocités du 7 octobre, qui ont mis en scène, parmi tant d’autres actes monstrueux, le meurtre délibéré d’Arabes israéliens, dont au moins une femme musulmane religieuse, voilée, il est évident qu’ils n’ont aucun tabou.
L’armée affirme que le Hamas tire dans les jambes de civils de Gaza pour les empêcher d’évacuer vers le sud, ou qu’il a essayé d’évacuer clandestinement ses propres hommes armés en même temps que les non-combattants.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, Tsahal ne pense pas que le Hamas soit brisé. Ses roquettes continuent de frapper Israël, mais depuis des positions plus au sud, dans la bande de Gaza. Mais, les unes après les autres, les figures du Hamas sont éliminés, et ce alors même qu’un grand nombre des plus hauts commandants du Hamas ne se battent pas sur le terrain.
Il reste encore beaucoup à faire dans le nord de Gaza. Le quartier de Shejaiya et le camp de réfugiés de Jebalya, dans la ville de Gaza, sont des bastions clés. Et une fois que le Hamas sera démantelé dans le nord de Gaza, Tsahal entend se déplacer vers le sud, avec Khan Younis, probable repaire des plus hauts responsables du Hamas, comme cible majeure.
Le moral est actuellement au plus haut, et il va falloir qu’il le reste – avec toutes les pressions exercées sur les centaines de milliers de réservistes, avec tous ces Israéliens déplacés à l’intérieur du pays, avec ce potentiel infini d’escalade sur d’autres fronts, avec le Hamas qui tire toutes les ficelles psychologiques en ce qui concerne les otages.
L’armée israélienne semble n’avoir aucune réponse aux manipulations du Hamas sur la véritable nature du conflit. Le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, se garde de démentir à chaud les affirmations les plus invraisemblables du Hamas afin de vérifier les faits. Il est manifestement convaincu qu’il ne pourra jamais contrer les mensonges, pas plus qu’il ne pourra persuader ceux qui sont prêts à les croire.
L’hiver arrive, ce qui ne va pas faciliter les combats, en particulier pour l’armée de l’air. Mais comme le dit – ou devrait le dire – le proverbe, quand la pluie arrive, elle tombe aussi sur l’ennemi.
Ces deux derniers jours, des images ont circulé de soldats de Tsahal à l’intérieur du parlement du Hamas, du quartier général de la police et d’autres sites symboliques de la ville de Gaza. A l’évidence, si le Hamas se souciait de la législature et, par extension, de la gouvernance de Gaza, il n’aurait pas détourné toutes les ressources de Gaza pendant 16 ans pour bâtir son armée terroriste. Il n’aurait pas massacré des Israéliens le 7 octobre. Et il ne se battrait pas maintenant au milieu des habitants de Gaza.
Pour Tsahal, ces photos sont bonnes pour le moral, mais l’armée ne court pas après les clichés de la victoire. Elle veut la victoire. Quel que soit le temps que cela prendra.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel