Après la mort d’un soldat à Gaza, une famille philippine trouve du réconfort dans le rituel de deuil juif
Des centaines de personnes ont présenté leurs condoléances lors de la mort du sergent Cedrick Garin, alors que ses parents vont devenir citoyens israéliens après le sacrifice ultime de leur fils
Il y a deux endroits distincts pour accueillir ceux qui sont venus présenter leurs condoléances à la famille du sergent de première classe Cedrick Garin en cette matinée de lundi à Tel Aviv : à l’intérieur ou à l’extérieur du chapiteau.
A l’intérieur, aménagé pour accueillir au mieux les visiteurs qui auraient été bien trop nombreux pour pouvoir tous se tenir dans l’appartement familial, les parents du défunt, Imelda et Rico, pleurent leur fils tombé sur le front à Gaza, saluant son héroïsme et sa force face à l’adversité.
La majorité de ceux qui ont voulu prendre part à cette shiva – c’est la période de deuil juive qui dure sept jours – ne connaissaient pas personnellement Cedric et ils n’avaient jamais rencontré son épouse ou ses parents. Et pourtant, ce sont des centaines de personnes qui sont venues rendre un dernier hommage au soldat israélo-philippin qui a été tué, il y a une semaine, lorsqu’il a été, aux côtés de 20 autres soldats, victime d’une attaque au RPG à Gaza – une attaque qui a été la plus meurtrière à avoir été enregistrée par les troupes de Tsahal depuis le lancement de l’opération terrestre le 27 octobre.
Les visiteurs étreignent les parents de Garin ; ils pleurent avec eux ; ils les remercient pour le sacrifice de leur fils. A un moment, un jeune homme s’agenouille sur le sol et il pleure, attrapant les genoux de Rico. Imelda et Rico acceptent tous ces hommages avec grâce.
Cedrick et sa famille ne sont pas Juifs et pourtant, le cadre qu’ils ont choisi dans le cadre de la mort de leur fils – ce rituel de deuil de sept jours, la shiva, qui appartient à la tradition juive – a été celui du pays qu’ils considèrent comme le leur. Plusieurs visiteurs souhaitent à Imala que sa demande de citoyenneté israélienne soit acceptée – une demande dont elle a discuté dimanche avec le ministre de l’Intérieur Moshe Arbel qui lui a promis que son dossier, ainsi que celui de Rico, seraient traités en priorité. Arbel a donné pour instruction à l’Autorité de la population et de l’immigration d’accorder la nationalité israélienne aux parents du défunt qui sont nés aux Philippines, a-t-il confié aux médias israéliens dans la journée de dimanche.
La mère de Cedrick, qui a actuellement le statut de résidente temporaire, vit en Israël en tant que travailleuse étrangère depuis presque trente ans, avec quelques interruptions et Cedrick lui-même n’était officiellement devenu citoyen israélien qu’après son service militaire. Son père a fait son retour en Israël 22 ans après son expulsion pour les funérailles de son fils. Et pourtant, à son enterrement comme pendant la shiva, Cedrick est salué par l’assistance : il était une « gloire d’Israël » et « un héros », disent les visiteurs.
Les proches ne laissent libre cours à leur infinie tristesse qu’à l’intérieur du chapiteau. Dehors, l’épouse de Cedrick, Daniela, s’est assise avec les amis de l’armée de son mari, laissant échapper des rires dans une atmosphère de légèreté revendiquée.
« Est-ce que vous vous souvenez de son porte-monnaie ? Il avait un porte-monnaie de grand-mère. »
« Oh mon Dieu – je détestais ce porte-monnaie !, » s’exclame Daniela.
« Il avait dit quelque chose au sujet d’une contravention… »
« Oh, j’avais oublié cette contravention ! Je lui avais dit que je m’en occuperai… Eh bien, je pense que c’est réglé de toute façon, maintenant », déclare la jeune femme. « Fichue contravention ! »
Daniela rentre à peine dans le chapiteau, pendant toute la matinée. La jeune veuve – elle n’a que 22 ans – veut rester avec les soldats, fumant une cigarette, buvant une tasse de café, un moment d’échanges et de rires partagés.
« Je ne sais pas combien de temps ils vont pouvoir rester ici », explique-t-elle à tous ceux qui veulent l’éloigner des militaires. « Et je veux rester avec eux ».
« Je suis venue pour eux exclusivement », indique-telle. « Eux, ils savent me faire rire. Tous les autres viennent me voir et ils pleurent – et je pleure avec eux ».
Elle ajoute que son chagrin lui fait vivre des montagnes russes émotionnelles qui la font passer sans transition du rire aux larmes. En cette matinée de lundi, elle veut rire.
Le groupe passe plus d’une heure à ses côtés, se remémorant des souvenirs, se montrant des photos, des vidéos, des messages audios, tout ce à quoi ces jeunes plongés dans le deuil de l’un des leurs peuvent penser. Leurs propos sont teintés d’un humour plutôt noir, ce qui leur permet de dire des paroles qui auraient pu être, le cas échéant, considérées comme incroyablement inappropriées face à la mort tragique d’un ami cher.
Ils expliquent que leur groupe a toujours fonctionné comme ça : en plaisantant jusqu’au dernier moment. « Je suis sûr que Cedrick était en train de rire au moment de l’explosion », dit Daniela.
Les soldats, malheureusement, ont d’autres visites de condoléances à faire dans la journée dans le cadre d’une longue semaine de funérailles et de shivas successives en mémoire de leurs 21 camarades tués au combat.
C’est seulement après le départ des amis de son époux que Daniela s’adresse à la foule – et le chagrin fait son apparition. Son sourire s’évanouit et il y a, dans sa voix, le même ton mélancolique que celui qui a caractérisé les entretiens qu’elle a pu accorder aux médias.
« Je n’ai pas encore réalisé la mort de Cedrick », dit-elle. « C’est comme faire un seul pas à la fois ».
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