Arlene Agus, militante new-yorkaise du féminisme orthodoxe, décède à l’âge de 75 ans
L'activiste avait aidé à l'adoption des rituels féminins de Rosh Hodesh, enseignant à d'autres femmes à diriger la prière ; elle avait lu des extraits de la Torah et de la meguila

New York Jewish Week via JTA – La voix d’Arlene Agus était familière à de nombreux Juifs de l’Upper West Side, où elle dirigeait des prières lors de d’offices égalitaires et où elle enseignait à d’autres comment chanter la Torah – mais son influence résonnait bien plus largement.
Agus, qui est décédée ce mois-ci à Manhattan à l’âge de 75 ans, a été l’une des premières avocates du féminisme orthodoxe, l’une des principales avocates des Juifs soviétiques et l’un des membres fondateurs de Minyan Mat, un office égalitaire qui se réunit à Ansche Chesed, une synagogue conservatrice située sur la 100e rue ouest. Elle est considérée comme la principale force à l’origine de l’adoption contemporaine de Rosh Hodesh, la fête de la nouvelle lune, en tant que rituel féminin.
La fête de la nouvelle lune fait partie de la liturgie juive traditionnelle – mais en 1971, Agus avait pris la tête d’un petit groupe de femmes pour faire revivre ce rituel en tant que célébration féminine créative. Son article de 1976 intitulé « This Month Is for You : Observing Rosh Hodesh as a Woman’s Holiday » a été anthologisé dans le livre The Jewish Woman : New Perspectives (« La femme juive : nouvelles perspectives ») et il a contribué à créer des groupes de prière, des groupes d’étude et des discussions autour de cette journée et du nouveau rituel féminin.
Spécialiste de l’éducation juive à la Jewish Child Care Association de New York, membre de la faculté du Skirball Center for Adult Jewish Learning au Temple Emanu-El, Agus avait développé d’autres rituels, notamment une cérémonie visant à expier la culpabilité des enfants adultes qui pleurent leurs parents. L’idée lui était venue à la suite du décès de sa propre mère, après une maladie de plusieurs dizaines d’années.
« Arlene Agus a appris à notre communauté à faire un certain nombre de choses que nous faisons et à réfléchir aux questions juives d’une manière qui était radicale à l’époque et qui est devenue banale aujourd’hui », a déclaré l’universitaire Jerome Chanes, qui avait rencontré Agus pour la première fois dans une chorale de jeunes Juifs lorsqu’il était enfant, lors de ses funérailles vendredi. À l’âge adulte, ils avaient collaboré à des travaux sur la procréation et sur le droit des femmes juives à disposer de leur corps.
« Ses talents étaient multiples. Au niveau le plus élémentaire, elle nous a appris, à moi et à beaucoup d’autres, à lire la Torah et la meguila, ainsi que le nusach [mélodie] pour Rosh HaShana et Yom Kippur », a déclaré Martha Ackselberg, membre fondatrice avec Agus d’Ezrat Nashim, un groupe féministe juif précurseur, lors de ses funérailles. Elle a ajouté : « L’entendre chanter la prière de la Avodah à Yom Kippour a été une expérience véritablement transformatrice. »

En 1980, elle avait été la coordinatrice de la Journée de solidarité, un événement new-yorkais appelant à la libération des Juifs qui ne pouvaient pas émigrer sous le régime soviétique. Avec son amie Elissa Blaser, elle avait également pris en charge les soins d’une femme française qui avait protégé des Juifs de la Shoah.
« Arlene, plus grande que nature, a vécu les extrêmes. Elle était dotée d’une beauté, d’une intelligence et d’un talent hors du commun. Son sens de l’amitié était démesuré », a déclaré Blaser lors de ses funérailles.
« Si Arlene était votre amie, sa vie était la vôtre, ses problèmes étaient vos problèmes, ses joies étaient vos joies. Je ne pourrai jamais comprendre la profondeur des sentiments qu’elle avait pour ceux qu’elle aimait. »
Agus était née le 17 mars 1949 à Brooklyn. Son père était comptable, mais il travaillait au noir en tant que hazan, ou chantre, ce qui lui permettait de se rendre chaque année dans le Massachusetts, où Agus avait appris à aimer la musique rituelle juive. Après avoir fréquenté la Yeshiva de Flatbush, l’école moderne orthodoxe où elle avait été la première de son école à être vaccinée contre la polio, Agus avait obtenu un diplôme du Brooklyn College avant de s’installer dans l’Upper West Side.
Elle s’était alors engagée avec force et créativité dans la tradition juive, tout en occupant une série de fonctions dans des organisations juives.
« Le sentiment profond de plénitude que j’éprouvais en tant que membre de la communauté orthodoxe a disparu », avait-elle déclaré au New York Times en 1982 pour les besoins d’un article consacré à la croissance de l’orthodoxie aux États-Unis.
« Si notre communauté n’était pas encore si obsédée par les étiquettes et les dénominations, je serais aujourd’hui dans une école rabbinique orthodoxe. »
Au lieu de cela, elle était devenue professeure de Torah et membre fondateur de Minyan Mat, une communauté de prière traditionnelle et égalitaire qui attire depuis longtemps des érudits et des rabbins.
Il y a une photo d’elle dans l’un des « catalogues juifs », avec une guitare chantant à pleins poumons, a déclaré le rabbin d’Anshe Chesed, Jeremy Kalmanofsky, lors de ses funérailles, en faisant référence à une série de livres écrits par et sur la contre-culture juive pratiquante. « Elle était comme le roi David, un naïm zemirot Yisrael, un doux chanteur du peuple juif. »
Dans les dernières années de sa vie, Agus n’était pas bien physiquement et émotionnellement. Elle s’est éteinte seule. C’est un ami venu à son appartement qui a trouvé son corps sans vie, le 24 décembre.
« Un grand nombre d’entre nous ont essayé de l’aider, et beaucoup d’autres ont clairement fait savoir qu’ils voulaient le faire, mais Arlene ne voulait pas dépendre des autres », a déclaré Sam Norich, président de Forward.
« Qu’il s’agisse d’orgueil ou du revers de l’orgueil – à savoir la honte – elle a refusé une grande partie de l’aide que ses amis étaient prêts à lui apporter. Je lui ai parfois fait comprendre que je pensais que notre communauté – et là, je ne parle pas seulement de Minyan Mat ou de l’Upper West Side juif, mais du judaïsme new-yorkais et au-delà – lui était redevable pour tout ce qu’elle avait fait, tout ce qu’elle avait enseigné, tout ce qu’elle avait organisé, tout ce qu’elle avait influencé dans sa vie, mais elle ne pouvait pas l’accepter. »
Agus laisse une sœur.