Ben Gvir demande un avocat indépendant et semble « menacer » la procureure générale
Le ministre de la Sécurité nationale a reproché à Gali Baharav-Miara d'avoir "outrepassé son autorité" en gelant la réaffectation d'un chef de police de district
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir a demandé à la procureure générale Gali Baharav-Miara de lui permettre de s’assurer les services d’un avocat privé, ou de se représenter lui-même (Ben Gvir est avocat), dans le cadre des poursuites judiciaires dont il fait l’objet en tant que ministre à la Haute Cour de justice.
Dans une lettre au ton virulent, dimanche, Ben Gvir a reproché à la procureure générale de ne pas l’avoir consulté avant d’ordonner le gel de la décision de démettre de ses fonctions le chef de la police du district de Tel-Aviv, Amichaï Eshed, et a fait valoir que les positions qu’elle a prises contre la législation proposée par son parti d’extrême-droite, Otzma Yehudit, montraient qu’il ne pouvait pas compter sur elle pour le représenter objectivement devant les tribunaux.
Plus tard dans la journée de dimanche, le ministre de la Sécurité nationale a déclaré que le gouvernement dans son ensemble était frustré par le comportement de la procureure générale. Interrogé dans une interview sur la nécessité de la renvoyer, il a averti que « le jour approche » où la coalition dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu devra « prendre une décision à son sujet ».
Jeudi, Ben Gvir a annoncé qu’Eshed était démis de ses fonctions et réaffecté à un nouveau poste, immédiatement après les manifestations anti-gouvernement de jeudi contre la réforme du système judiciaire, en précisant que cette décision était prise sur recommandation du chef de la police israélienne Kobi Shabtaï.
Cette décision a été largement critiquée par les dirigeants de l’opposition qui ont accusé Ben Gvir d’agir pour des motivations politiques, alors qu’il se disait frustré par la retenue de la police lors des manifestations de jeudi à Tel Aviv et près de l’aéroport international Ben Gurion, ainsi que lors des précédents rassemblements. Vendredi, Baharav-Miara a suspendu le transfert d’Eshed en raison de ce qu’elle a déclaré être un « lourd soupçon » quant à la légalité de la décision et aux considérations qui la sous-tendent.
Plusieurs organisations et membres de la Knesset ont déposé un recours auprès de la Haute Cour contre Ben Gvir, y compris un recours de l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël contre la législation adoptée en décembre qui a élargi l’autorité du ministre de la Sécurité nationale sur la police.
L’ONG a déposé vendredi une demande d’ordonnance provisoire auprès de la Haute Cour, lui demandant d’empêcher Ben Gvir d’intervenir dans la question de l’usage de la force par la police et dans les nominations de hauts fonctionnaires de police concernant leur gestion des manifestations publiques contre les actions du gouvernement.

« Malheureusement, ce n’est pas la première fois que vous prenez des décisions sur des questions me concernant et concernant mon ministère sans me consulter », a écrit Ben Gvir, citant l’opposition de Baharav-Miara à une loi élargissant le contrôle du ministre de la Sécurité nationale, ainsi qu’à d’autres lois avancées par son parti ultra-nationaliste.
« Pour ces raisons, je ne crois pas que vous me représenterez fidèlement dans l’examen des différents recours, et il serait donc juste, correct et honnête que je me représente moi-même ou en privé, et que je n’aie pas besoin d’être représenté par le bureau de la procureure générale, dont les positions sont toujours et catégoriquement contraires aux miennes », a écrit le ministre.
Pour bénéficier d’un conseil privé dans le cadre d’une procédure judiciaire relative à la politique du ministère, l’autorisation doit être accordée par le bureau de la procureure générale, étant donné que c’est cette dernière qui remplit habituellement cette fonction.
Dans une interview accordée au média Ynet, Ben Gvir a déclaré que de nombreux membres de la coalition étaient de plus en plus irrités par les positions prises par Baharav-Miara à l’encontre de ses politiques et de ses propositions législatives au cours des derniers mois
« Le jour approche où nous devrons prendre une décision à son sujet. Je ne parle pas que de moi, je ne prends pas ces décisions tout seul… Dans ce gouvernement, tout ce que nous demandons, c’est ‘non, non, non’. Cela montre qu’elle est l’exemple même de la nécessité de réformes judiciaires », a déclaré Ben Gvir.
La décision de Baharav-Miara de suspendre la décision de Ben Gvir de démettre Eshed de ses fonctions a été largement critiquée par la coalition Netanyahu (droite, religieux et extrême-droite), le député Boaz Bismuth (ancien rédacteur en chef d’Israel HaYom, Likud) ayant écrit sur Twitter que son action démontrait la nécessité d’une réforme du système judiciaire en Israël.
Eugène Kontorovich, directeur du département de droit international du forum politique conservateur Kohelet, qui a élaboré une grande partie du programme de réforme du système judiciaire du gouvernement, s’est également montré très critique à l’égard de la décision de la procureure générale, estimant que son action était motivée par des considérations politiques et qu’elle dépassait les limites de son autorité.
« Quels que soient les mérites de la décision sous-jacente, la capacité de la procureure générale à bloquer de telles actions avec une note de deux phrases dépourvue d’argumentation juridique montre que les pouvoirs exercés par son bureau sont politiques et non juridiques », a déclaré Kontorovich au Times of Israel.

« Le fait qu’une fonctionnaire qui n’a pas de comptes à rendre sur le plan politique puisse contrôler toutes les décisions relatives au personnel de haut niveau au sein du gouvernement prouve qu’elle agit de facto comme le Premier ministre », a-t-il déclaré.
Kontorovich a ajouté que le pouvoir de nommer et de révoquer des fonctionnaires dans les ministères « est l’essence même du pouvoir de diriger un gouvernement », et que « le pouvoir se trouve maintenant entre les mains de fonctionnaires non élus choisis par d’autres fonctionnaires non élus ».
Le fait qu’elle puisse immédiatement suspendre une décision concernant le personnel en la qualifiant simplement de « problématique » sans expliquer son raisonnement démontre qu’elle est au-dessus de la loi », a-t-il ajouté.
Mais l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité a insisté sur le fait que c’était Ben Gvir qui avait outrepassé son autorité de deux manières illégitimes.
Me Ori Hess, avocat de l’ONG, a déclaré que Ben Gvir n’avait violé aucune loi en faisant démettre Eshed de ses fonctions, mais il a fait valoir que, lorsqu’ils exercent leur autorité, les ministres et autres fonctionnaires doivent le faire conformément à des principes et des considérations appropriés.

Malgré cela, la demande de Me Hess et de l’ONG note que Ben Gvir a donné des ordres spécifiques à la police sur la manière de répondre aux manifestations anti-gouvernement, comme par exemple les cas où la police doit s’assurer qu’il n’y a pas de manifestants qui bloquent les autoroutes.
« Dans tous les pays démocratiques, la police est censée faire respecter la loi, et non être la milice privée d’un politicien », a-t-il déclaré au Times of Israel.
L’avocat a déclaré qu’il était tout à fait indésirable dans une démocratie que le ministre dise à la police quelles stratégie utiliser pour disperser les manifestants ou qu’il donne des ordres concernant d’autres opérations au niveau tactique.
Selon les médias, Ben Gvir a exprimé sa profonde frustration quant à la manière dont les manifestations de Tel Aviv avaient été gérées par la police et, plus tard le même jour, il a fait retirer Eshed de ses fonctions, a ajouté l’avocat.
« Il s’agit d’une purge politique des hauts gradés de la police, effectuée sur la base de considérations inappropriées et en outrepassant son autorité », affirme le recours de l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité.