Boisement au Neguev : Appel au calme après des heurts entre Bédouins et policiers
Un communiqué de la police indique que la situation est désormais "sous contrôle" : 16 suspects arrêtés et 5 policiers blessés

Le gouvernement israélien tentait mercredi d’apaiser les tensions avec la minorité bédouine, après de nouveaux heurts, à propos d’un projet de boisement dans le désert du Neguev, qui s’impose comme un test clé pour la fragile coalition au pouvoir.
Quelque 200 manifestants bédouins ont affronté mercredi les forces de l’ordre qui ont tenté de les disperser avec des grenades assourdissantes dans le Neguev, a constaté un journaliste de l’AFP sur place.
« Seize suspects qui ont jeté des pierres vers les policiers ont été arrêtés et sont interrogés », a plus tard indiqué la police israélienne ajoutant que cinq policiers avaient été légèrement blessés.
La police a déclaré qu’elle s’employait à disperser les émeutiers dans un poste de police à Tel Sheva et dans la ville voisine de Segev Shalom. Un communiqué de la police indique que la situation est « sous contrôle ».
« La police israélienne autorise la liberté de manifester et traite les émeutes et les manifestations de violence avec détermination et avec une tolérance zéro », conclut le communiqué.

Une délégation du Likud a planté des arbres dans la journée de mardi, le député du parti Sionisme religieux Itamar Ben Gvir s’est rendu sur les lieux du reboisement mercredi.
Plus de 250 000 Bédouins vivent dans le désert du Neguev, et une partie d’entre eux sont installés de longue date dans des villages non reconnus par l’Etat hébreu.
Les Bédouins s’opposent au boisement de terrains par le Fonds national juif (JNF/KKL), un organisme relevant de l’Organisation sioniste mondiale (ZOA) et qui gère notamment les forêts en Israël.
Ce projet, dénoncent-ils, revient à une prise de contrôle par le gouvernement de terres qu’ils estiment être les leurs, et constitue donc un obstacle à leur lutte pour une reconnaissance officielle de leurs villages par l’Etat.
Le chef de file du parti islamiste Raam, Mansour Abbas, grand défenseur de la cause bédouine, a prévenu mercredi que son parti ne voterait pas avec le gouvernement sans l’arrêt des boisements et le début d’un processus de reconnaissance formelle des communautés bédouines.

En réponse, le député Nir Orbach (Yamina) a annoncé mercredi qu’il n’assisterait pas non plus aux votes en plénum tant que Raam refuserait de le faire également.
Avec une majorité étroite de 61 sièges à la Knesset, les absences menacent d’empêcher la coalition d’adopter n’importe quelle législation tant que la crise perdurera.
La coalition avait ainsi cherché à faire participer les députés de Raam à la séance plénière, mais le parti islamiste a manqué les votes malgré la négociation d’un accord initiée par le ministre des Affaires sociales Meir Cohen (Kakhol lavan).
« Les travaux de boisement se termineront aujourd’hui (mercredi) comme prévu et des négociations poussées se dérouleront à partir de demain (jeudi) en vue d’un règlement », a indiqué le ministre dans un communiqué.

« Il n’y a pas de gagnants et de perdants, tous ensemble en tant que citoyens nous gagnerons lorsque nous aurons planté la graine de l’espoir qui permettra aux habitants du Neguev de vivre et de gagner leur vie avec honneur », a tweeté Abbas.
« Nous allons promouvoir une discussion qui conduira à des accords acceptables », a ajouté Abbas, affirmant qu’il est « dans notre intérêt à tous, Juifs et Arabes », de parvenir à une résolution sur le Neguev.
« Les gouvernements israéliens n’ont pas réussi à régler la question du Neguev. Ensemble, nous rétablirons le tissu des relations et le Neguev s’épanouira et prospérera pour notre bien à tous. »
Des députés des partis de droite Yamina et Tikva Hadasha, qui ont fait campagne pour réprimer l’anarchie présumée des Bédouins dans le Neguev, ont insisté pour que le travail de boisement se poursuive, le considérant comme faisant partie d’un effort nationaliste destiné à renforcer la présence juive dans la région.
המהומות בנטיעות בנגב: עשרות צעירים הגיעו להפריע לעבודות, תשעה חשודים ביידוי אבנים נעצרו על די המשטרה@pozailov1 pic.twitter.com/tZ3R63JfFM
— כאן חדשות (@kann_news) January 12, 2022
Mickey Levy, président de la Knesset, a déclaré mercredi au site Ynet en réponse à l’annonce d’Abbas qu’il « y aura des hauts et des bas, il y a un désaccord naturel sur certaines questions ».
Walid Taha, député de Raam, a pour sa part dénoncé la plantation de ces arbres, mercredi, ajoutant qu’il fallait trouver une solution.
« Ce que nous devons faire, c’est épuiser toutes les méthodes et ou tous les outils existants afin de mettre un terme à ce reboisement et il faut empêcher que cette folie politique soit à nouveau appliquée dans l’année qui vient », a confié Taha à Ynet.
Cette controverse suscitée par l’entreprise de boisement avait commencé il y a quelques semaines, quand le JNF-KKL avait commencé des activités forestières dans une région où sont installés les Bédouins de la tribu al-Atrash. Un responsable municipal bédouin avait estimé que des milliers de personnes vivaient sur les lieux où travaillait le JNF-KKL et que si les plans de reforestation continuaient, elles risquaient d’être finalement expulsées.
Le gouvernement a déterminé que les terres étaient publiques mais les résidents bédouins affirment qu’elles leur appartiennent.
Les Bédouins du Neguev ont une relation difficile avec l’État. Pendant des décennies, le gouvernement a cherché à les faire s’installer dans des villes planifiées, reconnues, mais un grand nombre d’entre eux vivent dans tout un ensemble de hameaux illégaux répartis dans le sud du désert israélien.
Les Bédouins accusent le JNF-KKL de chercher à les déplacer, mais l’organisation explique, pour sa part, qu’elle ne fait que répondre à une demande gouvernementale sur des terres publiques. Le KKL-JNF travaille sur tout le territoire israélien et met en œuvre des projets de préservation de la nature, mais certains l’accusent d’avoir un agenda politique.

Le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, a déclaré mardi que « les politiciens des deux côtés doivent calmer les choses au lieu d’alimenter l’incendie » et il a demandé à ce que le programme soit interrompu jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.
De son côté, le chef de l’opposition, Benjamin Netanyahu, a émis un communiqué au ton belliqueux, disant que « personne n’arrêtera de reboiser la terre d’Israël. J’apporte mon soutien aux forces de sécurité et je demande à Bennett une condamnation immédiate des incitations de Raam, son important partenaire gouvernemental ».
En réponse, Abbas, le chef de Raam, a indiqué que Netanyahu lui-même avait convenu de mettre un terme à de telles initiatives lorsque les deux hommes avaient évoqué un éventuel partenariat politique, l’année dernière.