C’est une erreur d’appréciation de l’Iran qui a permis à Israël d’éliminer ses hauts responsables – sources

Bien informée des intentions d’Israël de frapper ses installations nucléaires, l’Iran ne s’attendait pour autant pas à ce que Jérusalem mène pareille attaque en pleines négociations avec les États-Unis sur la question nucléaire, ce qui explique l’incroyable succès de l’offensive israélienne de vendredi matin, a indiqué samedi le New York Times.

Officiels proches des autorités iraniennes à l’appui, le New York Times (NYT) explique que Téhéran tablait sur l’absence d’attaque avant le sixième cycle de pourparlers entre les États-Unis et l’Iran, prévu le dimanche 15 juin à Oman. On ignore pour l’heure si les pourparlers se tiendront, suite au bombardement : Téhéran a laissé entendre qu’il annulerait probablement.

Selon le NYT, les Iraniens ont traité les informations faisant état d’une menace israélienne imminente comme de la propagande destinée à leur soutirer des concessions dans le cadre des négociations sur leur programme nucléaire.

Les officiels iraniens ont déclaré au NYT que c’est en raison d’une certaine forme de complaisance que les précautions requises en cas d’attaque israélienne n’ont pas été prises. Par exemple, les hauts commandants militaires sont restés chez eux jeudi soir au lieu de rejoindre les abris, ce qui a permis à Israël d’éliminer de hauts responsables, à commencer par le chef des Gardiens de la révolution, Hossein Salami, ou encore celui des forces armées, Mohammad Hossein Bagheri.

En haut (de gauche à droite) : le chef du CGRI, Hossein Salami, le chef du quartier général central de Khatam-al Anbiya, Gholam Ali Rashid ; En bas (de gauche à droite) : le chef de l’armée de l’air du CGRI, Amir Ali Hajizadeh et le chef des forces armées iraniennes, Mohammad Hossein Bagheri. Tous auraient été tués dans des frappes israéliennes sur l’Iran, le 13 juin 2025. (CGRI ; Tasnim News ; Autorisation)

Autre erreur commise dans la panique de l’attaque, le général de brigade Amir Ali Hajizadeh, commandant des forces aérospatiales du Corps des gardiens de la révolution iranienne, a réuni en urgence son état-major. Tous ont été éliminés par un bombardement israélien.

L’article du NYT révèle l’existence de SMS privés échangés par des officiels iraniens dans lesquels ils se demandent avec colère : « Où sont nos défenses aériennes ? » ou encore « Comment Israël peut-il venir nous attaquer, tuer nos commandants en chef, sans que nous puissions rien faire pour l’arrêter ? »

Toujours selon le New York Times, les officiels se sont questionnés sur les défaillances des défenses et du renseignement iraniens qui n’ont pas permis à l’Iran de prévoir l’offensive israélienne et de se prémunir contre ses conséquences.

« L’attaque israélienne a totalement pris de court les autorités, surtout en ce qui concerne l’assassinat des plus hauts chefs militaires et des scientifiques nucléaires », explique Hamid Hosseini, membre de la commission de l’énergie de la Chambre de commerce iranienne, dans un entretien téléphonique avec le NYT depuis l’Iran. « C’est aussi la preuve de notre déficit de défenses aériennes appropriées et de leur capacité à bombarder nos sites importants et nos bases militaires sans que nous puissions leur offrir la moindre résistance. »

Il ajoute que les autorités iraniennes sont choquées qu’Israël ait pu ainsi infiltrer l’appareil militaire et de sécurité iranien.

Le New York Times cite également deux officiels iraniens informés des réunions présidées par le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, suite aux attaques : selon eux, Khamenei aurait dit vouloir se venger d’Israël mais sans précipitation.

Selon ces officiels, il n’y aurait pas consensus sur la réponse appropriée aux frappes ainsi que sur la capacité de l’Iran à s’engager dans une guerre de longue durée contre Israël, surtout compte tenu du risque d’intervention américaine, sans parler des dégâts infligés par Jérusalem aux missiles et capacités de défense de Téhéran.

L’un de ces officiels aurait déclaré lors de la réunion qu’une attaque israélienne contre les infrastructures énergétiques ou hydrauliques de l’Iran aurait le potentiel de provoquer des émeutes.

Un membre du CGRI informé de la réunion a déclaré au NYT que les autorités avaient compris que Khamenei devait choisir entre la guerre totale, au risque de mettre un terme à plusieurs décennies de règne, et le fait de battre en retraite, ce qui serait interprété comme une capitulation au niveau national et international.

Le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, prend la parole depuis la capitale, Téhéran, le 13 juin 2025. Au-dessus de lui se trouve un portrait de son défunt prédécesseur Ruhollah Khomeini. (KHAMENEI. IR / AFP)

« Khamenei n’a guère le choix », décode pour le NYT Ali Vaez, directeur du projet Iran à l’International Crisis Group. « S’il élève le ton, il risque de s’attirer une attaque israélienne plus dévastatrice encore, à laquelle les États-Unis pourraient d’ailleurs se joindre. S’il ne fait rien, il risque de vider son régime de sa substance ou de perdre le pouvoir. »

L’attaque israélienne contre l’Iran de vendredi a visé les installations nucléaires, les infrastructures de missiles balistiques, les défenses aériennes et les hauts responsables de la sécurité du pays.

L’Iran y a riposté par des tirs de missiles balistiques vers Israël qui ont endommagé des bâtiments et tué trois personnes.

Israël affirme que son intention est d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Téhéran nie avoir de tels projets, mais le pays a enrichi de l’uranium à des niveaux sans application pacifique et répète à l’envi sa volonté de détruire Israël.