Israël en guerre - Jour 393

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Contrairement aux soldats morts, les civils israéliens portés disparus à Gaza sont largement négligés

Ce sont 4 Israéliens qui ont traversé la frontière de façon illicite au cours des 3 dernières années. Toutefois, leur origine, leurs pathologies psychiques et les complexités de la situation semblent avoir contribué à laisser le problème de leur détention en suspens

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Manal al-Sayed tient une photographie de son fils, Hisham, retenu captif par le groupe terroriste du Hamas depuis 2016. (Crédit : Yoav Lemmer/AFP)
Manal al-Sayed tient une photographie de son fils, Hisham, retenu captif par le groupe terroriste du Hamas depuis 2016. (Crédit : Yoav Lemmer/AFP)

Samedi soir, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé la nomination de Yaron Blum, ancien agent du Shin Bet et négociateur lors des tentatives de libération d’otages, à son nouveau poste. Il sera chargé de poursuivre les efforts visant à garantir la libération des civils israéliens et des dépouilles soldats qui sont retenus en otages à ce jour à Gaza par le groupe terroriste du Hamas.

Les noms des deux soldats dont les dépouilles ont été capturées par le Hamas sont dans les esprits de presque tous les Israéliens : Oron Shaul et Hadar Goldin.

Ainsi, à la Knesset, les adversaires politiques Amir Peretz, du parti travailliste et Shuli Mualem, de la formation HaBayit HaYehudi ont formé un groupe parlementaire dont l’objectif est de permettre le rapatriement des corps des deux militaires tombés au combat, qui ont été capturés durant la guerre de Gaza en 2014, une opération connue en Israël sous le nom de Bordure protectrice.

Et pourtant, les noms et même le nombre de civils israéliens en vie et actuellement retenus dans la bande de Gaza font l’objet d’une reconnaissance moindre (En rappel, ils sont quatre : Abera Mengistu, Hisham al-Sayed, Juma Ibrahim Abu Ghanima et un autre dont l’identité n’a pas été rendue publique. Tous ont volontairement et illégalement traversé la frontière, et tous n’ont pas été nécessairement placés en captivité par le Hamas).

Avraham Mengistu, photographie non datée. (Crédit : autorisation de la famille)
Avraham Mengistu, photographie non datée. (Crédit : autorisation de la famille)

Le manque d’intérêt porté à leur cas a soulevé des accusations de racisme – l’un des captifs potentiels étant d’origine éthiopienne et les autres, des Arabes – ainsi que des soupçons de discrimination à l’encontre des malades mentaux, trois de ces hommes semblant souffrir de troubles psychiques lorsqu’ils étaient entrés dans Gaza.

La présence d’Israéliens dans la bande a également fait resurgir des question controversées : Qu’est-ce que le gouvernement serait prêt à sacrifier pour des citoyens individuels ? Quelle est la responsabilité de l’Etat face à des ressortissants qui se placent volontairement dans une situation périlleuse ?

Et tandis que ces problèmes d’origine et de fanatisme sont supposés offrir des solutions relativement simples, la question de la responsabilité gouvernementale et des implications stratégiques est bien plus difficile à résoudre.

Pour l’ancien coordinateur chargé des négociations sur la libération des prisonniers, Lior Lotan, les tensions entraînées par ce travail sensible sont apparemment devenues trop fortes et il a démissionné au mois d’août, après trois ans passés à ce poste.

Yaron Blum, ancien cadre du Shin Bet, sur la Dixième chaîne, le 15 septembre 2015. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Yaron Blum, ancien cadre du Shin Bet, sur la Dixième chaîne, le 15 septembre 2015. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Lors de sa démission, Lotan a indiqué au Premier ministre que ce poste était « extrêmement exigeant, que ce soit aux niveaux personnel ou professionnel et il est donc approprié de changer celui qui l’occupe tous les deux ou trois ans ».

Son remplaçant, Blum, connaît déjà un certain nombre des défis qu’il sera amené à relever. Il a déjà servi dans l’équipe qui a négocié le retour de Gilad Shalit, un soldat de l’armée israélienne qui était resté entre les mains du Hamas pendant cinq ans avant d’être libéré lors d’un échange de prisonniers qui avait été hautement controversé en 2011.

Tout a commencé avec Abera

Le 4 septembre 2014, Abera Mengistu, un Israélien d’origine éthiopienne habitant Ashkelon qui était alors âgé de 28 ans, était entré en Cisjordanie depuis la plage de Zikim. Il avait été remarqué par les caméras de surveillance de l’armée israélienne mais était parvenu à franchir la clôture avant l’arrivée des soldats israéliens sur les lieux. Il avait été appréhendé par une patrouille du Hamas. Sa famille n’a plus jamais depuis entendu parler de lui.

Hisham al-Sayed, qui s'est aventuré dans la bande de Gaza en avril 2015 et a ensuite disparu. Il serait détenu par le Hamas depuis. (Crédit : radio militaire)
Hisham al-Sayed, qui s’est aventuré dans la bande de Gaza en avril 2015 et a ensuite disparu. Il serait détenu par le Hamas depuis. (Crédit : radio militaire)

Au mois d’avril 2015, Hisham al-Sayed, un Israélien bédouin originaire du village de Hura dans le désert du Negev, était entré dans la bande à proximité du carrefour d’Erez. Selon son père, ce n’était pas la première fois qu’il pénétrait à Gaza mais, cette fois-ci, il a été arrêté par le Hamas et mis en prison.

Plus d’un an plus tard, au mois de juillet 2016, c’est Juma Ibrahim Abu Ghanima, un jeune Israélien bédouin âgé de 19 ans et habitant le village de Hashem Zana du nord du Negev, qui a été aperçu en train de traverser la frontière avec Gaza.

Son statut est moins clair que celui d’al-Sayed et de Mengistu. Le gouvernement n’inclut pas son nom lorsqu’il évoque la question des captifs de Gaza et des informations ont circulé disant que les services israéliens de sécurité soupçonnaient qu’Abu Ghanima pourrait ne pas être prisonnier du groupe terroriste et qu’il serait susceptible d’avoir rejoint ses rangs.

Les services de sécurité du Shin Bet ont reconnu avoir étudié le dossier mais n’ont pas indiqué les résultats de leur enquête. Le bureau du Premier ministre s’est refusé pour sa part à tout commentaire sur l’affaire, ignorant toutes les requêtes d’entretien à ce sujet.

Avraham Mengistu, 28 ans, détenu par le Hamas dans la bande de Gaza depuis 2014. (Crédit : Facebook)
Avraham Mengistu, 28 ans, détenu par le Hamas dans la bande de Gaza depuis 2014. (Crédit : Facebook)

Ce que l’on sait, c’est que les trois souffraient d’une pathologie psychique. Mengistu avait été exempté du service militaire en raison de son état de santé. Al-Sayed avait brièvement servi dans l’armée avant d’être déchargé. Et la famille d’Abu Ghanima avait également dit au journal Haaretz que l’adolescent avait des problèmes psychologiques et qu’il avait refusé de travailler ou d’aller à l’école dans les semaines qui avaient précédé son entrée à Gaza.

Au début de l’été, un quatrième ressortissant israélien, dont le nom n’a pas été communiqué au public, a également été aperçu en train d’entrer dans Gaza – même si, dans son cas, l’homme aurait été poussé par le désir de retrouver ses parents qui vivent là-bas (Sa mère était née en Israël mais son père était originaire de Gaza et le couple se serait finalement installé au sein de l’enclave côtière).

Le débat public

Pendant les 10 mois approximativement qui ont suivi l’arrestation de Mengistu par le Hamas, les médias ont eu l’interdiction de faire savoir quoi que ce soit sur les captifs sur ordre du censeur militaire, jusqu’à ce que des poursuites judiciaires lancées à l’initiative de journaux israéliens ne forcent le gouvernement à autoriser la publication d’informations sur le sujet le 9 juillet 2015.

Depuis, les familles d’Abu Ghanima et d’al-Sayed n’ont pas souvent pris publiquement la parole, ne répondant que lorsqu’elles ont été contactées par les journalistes.

Le secrétaire-général des Nations unies Antonio Guterres, deuxième à droite, et l'ambassadeur israélien à l'ONU  Danny Danon, deuxième à gauche, rencontrent les familles d'Oron Shaul, d'Avraham Abera Mengistu et de Hisham al-Sayed, actuellement détenus par le Hamas dans la bande de Gaza, le 28 août 2017 (Crédit : Shlomi Amsalem).
Le secrétaire-général des Nations unies Antonio Guterres, deuxième à droite, et l’ambassadeur israélien à l’ONU Danny Danon, deuxième à gauche, rencontrent les familles d’Oron Shaul, d’Avraham Abera Mengistu et de Hisham al-Sayed, actuellement détenus par le Hamas dans la bande de Gaza, le 28 août 2017 (Crédit : Shlomi Amsalem).

Le père d’al-Sayed, Shaban, avait initialement déclaré à l’agence de presse palestinienne Maan qu’il pensait que son fils serait bien traité car « nous ne parlons pas d’un soldat israélien mais d’un Arabe musulman originaire des bédouins du Negev ».

Puis il s’est montré plus critique envers le Hamas, qui détient son fils en captivité, et également envers les familles Goldin, Shaul et Mengistu qui, selon lui, rendent les négociations plus difficiles en s’exprimant. Shaban s’est également dit convaincu qu’Israël ferait tout ce qui était possible pour ramener son fils.

Pour sa part, la famille de Mengistu et les membres de la communauté éthiopienne ont tenté de forcer l’ouverture d’un débat public sur le sujet.

Le mois dernier, un rassemblement a été organisé sur la place Habima, au centre de Tel Aviv, pour marquer le troisième anniversaire de l’entrée de Mengistu à Gaza.

Quelques douzaines de personnes ont assisté à cet événement – bien moins que ce que les organisateurs avaient espéré. Quelques politiciens y ont également fait un arrêt, mais ils ne se sont pas adressés à l’assistance et ont quitté les lieux après quelques minutes.

Manifestation de soutien à Avraham Mengistu, citoyen israélien détenu depuis trois ans par le Hamas dans la bande de Gaza, sur la place Habima de Tel Aviv, le 3 septembre 2017. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israël)
Manifestation de soutien à Avraham Mengistu, citoyen israélien détenu depuis trois ans par le Hamas dans la bande de Gaza, sur la place Habima de Tel Aviv, le 3 septembre 2017. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israël)

“Cela fait trois ans qu’Abera est en captivité et voilà le nombre de gens qui se sont mobilisés », avait déploré l’un des organisateurs, Imaye Taga, auprès du Times of Israel lors de l’événement, désignant d’un geste l’assistance modeste qui remplissait environ un quart de la place.

Taga, un joueur de football qui avait écopé d’une amende pour avoir porté un tee-shirt de protestation pour Mengistu durant un match l’année dernière, avait pour sa part indiqué ne pas avoir le sentiment que le gouvernement « fasse tout ce qu’il peut pour le faire revenir. Pas du tout ».

Israël s’est pourtant impliqué dans des négociations visant le retour des civils israéliens et des dépouilles des soldats retenus en otage à Gaza, mais sans succès jusqu’à présent.

Le sujet a également été abordé avec de nombreux responsables internationaux, notamment avec le secrétaire général des Nations unies, le chef de la Croix rouge et Jason Greenblatt, le représentant spécial américain chargé des négociations internationales, qui ont tous appelé le Hamas à libérer les détenus israéliens.

Le président Reuven Rivlin, à gauche, accueille son homologue américain, le président Donald Trump, au centre, lors de son arrivée à l'aéroport international Ben-Gourion le 22 mai 2017 (Crédit : AFP Photo/Jack Guez)
Le président Reuven Rivlin, à gauche, accueille son homologue américain, le président Donald Trump, au centre, lors de son arrivée à l’aéroport international Ben-Gourion le 22 mai 2017 (Crédit : AFP Photo/Jack Guez)

Néanmoins, lors de la visite effectuée par le président américain Donald Trump en Israël, le président Reuven Rivlin n’a mentionné que Goldin et Shaul, suscitant des critiques au sein de l’Etat juif sur son oubli de Mengistu et d’al-Sayed.

Certains en Israël attribuent l’apathie relative envers le sort réservé à Mengistu à sa couleur de peau en comparaison avec le soutien immense qu’avait recueillie la question du retour de Gilad Shalit, qui avait un teint bien plus clair.

Mais l’origine n’est d’ailleurs pas la seule différence entre Shalit, Mengistu, ou al-Sayed.

Une différence possible : les parents de Mengistu viennent d’un niveau socio-économique bien inférieur que ce n’était le cas de Shalit. A un moment de sa vie, Haili, son père, avait dû se résoudre à vivre auprès de sa famille, incapable d’assumer le coût d’une location. Parce qu’ils se sont installés en Israël à un âge avancé, ni le père de Mengistu, ni sa mère, Agurnesh, ne parlent correctement l’hébreu, ce qui rend les interventions à la télévision ou les interviews à la radio difficiles.

La mère d'Avraham Aberra Mengistu, Agurnesh, pendant une manifestation devant la résidence du Premier ministre à Jérusalem, le 11 septembre 2016. (Crédit: Luke Tress/Times of Israël)
La mère d’Avraham Aberra Mengistu, Agurnesh, pendant une manifestation devant la résidence du Premier ministre à Jérusalem, le 11 septembre 2016. (Crédit: Luke Tress/Times of Israël)

La famille d’Al-Sayed est également originaire d’une communauté pauvre et ne s’exprime pas particulièrement bien en hébreu même si son père a pu, à certaines occasions, prendre la parole à la radio israélienne.

Mais dans les esprits de nombreux Israéliens, il y a une différence substantielle entre un soldat qui a été capturé par des terroristes – même si ses propres actions ont rendu cela possible comme cela avait été le cas pour Shalit — et un civil entré dans Gaza de plein gré, indépendamment de son état de santé mental.

Yahya Sinwar, 2e à droite, nouveau chef du Hamas à Gaza, et Ismail Haniyeh, à gauche, près du fils de Mazen Foqaha, cadre terroriste du groupe, pendant ses funérailles, à Gaza Ville, le 27 mars 2017. (Crédit : Mahmud Hams/AFP)
Yahya Sinwar, 2e à droite, nouveau chef du Hamas à Gaza, et Ismail Haniyeh, à gauche, près du fils de Mazen Foqaha, cadre terroriste du groupe, pendant ses funérailles, à Gaza Ville, le 27 mars 2017. (Crédit : Mahmud Hams/AFP)

Et concernant les décisionnaires politiques, l’ombre de l’échange de prisonniers profondément controversé de Shalit, au cours duquel Israël avait libéré plus de 1 000 terroristes palestiniens condamnés (parmi lesquels le chef actuel du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar) ne cesse de planer sur les négociations en faveur de la libération des captifs israéliens.

Des dizaines de prisonniers qui avaient été libérés dans le cadre de l’accord avaient été arrêtés une nouvelle fois par les forces de sécurité israéliennes pour avoir programmé de nouveaux attentats terroristes, une réalité qui rend improbable l’adoption d’un accord similaire.

Le ministre de la Défense Avigdor Liberman a ouvertement affirmé qu’il ne fera pas la même « erreur » que celle de l’accord de Shalit et que toute option autre que la capitulation du Hamas exigerait de la patience.

Alors qu’il n’est pas préparé à offrir la « carotte » de la libération de prisonniers, le gouvernement ne semble apparemment pas prêt non plus à utiliser le « bâton » et à faire excessivement pression sur le Hamas, ne désirant pas risquer l’effondrement total du gouvernement à Gaza et le chaos qui pourrait s’en suivre, avait déclaré un haut-responsable israélien non-identifié qui s’était confié au journal Yedioth Ahronoth au mois d’août.

Pour sa part, Blum a indiqué qu’il « ne négligera aucune option » dans ses initiatives en faveur de la libération des Israéliens à Gaza même s’il n’a pas spécifié ce qu’il est exactement prêt à faire.

« Je me pencherai sur les problèmes et j’utiliserai mon expérience et les capacités du système pour résoudre ces questions », a-t-il dit dimanche au micro de la station de radio 103FM. « C’est une nomination dont je comprends la gravité et je l’approcherai en conséquence ».

Les familles d’Israéliens actuellement détenus à Gaza ont jusqu’à présent fait part de leur approbation, exprimant leur soutien à la décision de désigner un remplaçant à Lotan, qui a quitté son poste il y a environ deux mois.

Dans une déclaration, la famille de Mengistu a fait savoir qu’elle attendait de Blum qu’il « apportera un nouvel élan aux efforts visant à faire revenir Abera et les autres captifs chez eux après plus de trois ans d’emprisonnement par le Hamas ».

Avi Issacharoff et l’équipe du Times of Israel ont participé à cet article.

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