Décès de Batia Baum, enseignante et traductrice de la littérature yiddish
Lauréate de plusieurs prix décernés pour son action en faveur du rayonnement de la culture yiddish, il lui arrivait parfois de travailler des années sur un texte
Batia Baum, enseignante et traductrice de la littérature yiddish, sa langue maternelle, est décédée, a rapporté Akadem. Rescapée de la Shoah, elle était née à Paris sous l’Occupation. Elle avait étudié aux universités d’Oxford et de Jérusalem, et participé aux séminaires d’Itzkhok Niborski et de Rachel Ertel, universitaires et traducteurs yiddish.
Batia Baum a contribué, par ses traductions et son enseignement, à faire connaître les chefs-d’œuvre de la littérature yiddish et s’est confrontée autant à la traduction de romans, de théâtre que de poésie. Elle a animé pendant plusieurs années un atelier de traduction au sein de la Maison de la culture yiddish-Bibliothèque Medem.
Lauréate de plusieurs prix décernés pour son action en faveur du rayonnement de la culture yiddish (Grand Prix de la traduction de la Société des gens de lettres, prix Korman, prix Cukierman, prix Léon Skop et Féla Rosenbaum), il lui arrivait parfois de travailler des années sur un texte avant de le proposer à un éditeur.
Parmi ses nombreuses traductions : Yossik, roman de Joseph Bulow, Phébus, 1996 (prix de traduction Halpérine-Kaminsky découverte de la SGDL) ; Contes d’hiver et d’autres saisons, nouvelles de Alter Kacyzne, Liana Levi, 2000 ; Le Tas, poème de Peretz Markish, revue Caravanes n°7, 2001 ; Un bonjour du pays natal, poésie complète de Miryam Ulinover, Bibliothèque Medem, 2003 ; Le chant du peuple juif assassiné, poème de Yitskhok Katzenelson, Bibliothèque Medem, 2005 et Zulma, 2007 ; La Haridelle, roman de Mendele Moykher-Sforim, Bibliothèque Medem, 2008 ; Aquarium vert, prose poétique d’Avrom Sutzkever, Bibliothèque Medem, 2013 ; Un Manteau de prince, nouvelle de Yosl Birshteyn, Bibliothèque Medem, 2015 ; Entre les murs du ghetto de Wilno, journal de Yitskhok Rudashevski, L’Antilope, 2016 (Grand Prix de la traduction de la Société des gens de lettres) ; et La Nuit sur le vieux marché, pièce de Yitskhok-Leybush Peretz, Bibliothèque Medem, 2016. Elle a aussi traduit des contes hassidiques et a collaboré à une pièce de Sonia Lipsyc, Mikhoels ou le testament d’un acteur juif, montée à Strasbourg en 1987. Elle a aussi réalisé la traduction de Marc Chagall : le shtetl et le magicien, de Oser Warszawski, paru aux éditions Lachenal & Ritter en 1995.
Elle s’est également consacrée à la traduction de témoignages de première importance concernant l’extermination des Juifs d’Europe, comme Écrits I et II : témoignage d’un Sonderkommando d’Auschwitz, de Zalmen Gradowski, Kimé, 2013 et Archives clandestines du ghetto de Varsovie, Fayard/BDIC, 2007.
« Batia Baum, c’est une vie entière dédiée à la traduction des œuvres du patrimoine littéraire yiddish », déclarait d’elle la Société des gens de lettres quand elle a reçu leur grand prix en 2017. « C’est une exigence, un talent à la mesure des difficultés d’une entreprise que l’Histoire a rendue urgente et incontournable. C’est aussi une vie dédiée à la transmission du yiddish au travers d’ateliers de traduction suivis avec passion. C’est une générosité sans faille, un dévouement de chaque instant, un désintéressement rare. C’est la capacité d’œuvrer avec d’autres pour faire découvrir une littérature d’une incroyable richesse, qui vient irriguer notre langue en la bousculant avec truculence et effronterie, en lui faisant réapprendre la souffrance et le rire. Et pour cela, il fallait des qualités exceptionnelles de rigueur et d’inventivité. Nous sommes donc particulièrement heureux de distinguer le travail de Batia Baum et de reconnaître de la sorte son apport irremplaçable. »
Bahia Baum était la fille d’Abraham Baum, résistant juif fusillé. L’homme était né en Pologne et s’est exilé en France, où il a milité au sein d’organisations ouvrières juives et s’est lancé dans la résistance. Arrêté et emprisonné à Paris, il a été interné au camp de Pithiviers avant d’être pris comme otage à la suite d’un attentat contre un soldat allemand, puis fusillé sur le champ de tir des Groues de Saint-Jean-de-la-Ruelle, le 7 mars 1942.
Batia Baum avait témoigné à plusieurs reprises de cette histoire et de son expérience de rescapée de la Shoah.