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Des facs américaines organisent des réunions sur le désinvestissement d’Israël

L'Université du Minnesota est la première à forte présence juive à organiser un débat sur le sujet. Moins de 1 % de sa dotation serait investi dans des firmes liées à Israël

Partisans pro-palestiniens et anti-israéliens ont assisté à une réunion du conseil d'administration de l'Université du Minnesota, le vendredi 10 mai 2024 à Minneapolis, pour exiger le désinvestissement des entreprises qui profitent de la guerre entre Israël et le Hamas. (Crédit : AP Photo/Trisha Ahmed)
Partisans pro-palestiniens et anti-israéliens ont assisté à une réunion du conseil d'administration de l'Université du Minnesota, le vendredi 10 mai 2024 à Minneapolis, pour exiger le désinvestissement des entreprises qui profitent de la guerre entre Israël et le Hamas. (Crédit : AP Photo/Trisha Ahmed)

JTA – En préambule à une présentation des étudiants lors de la réunion du conseil d’administration de l’Université du Minnesota vendredi, le président a rappelé au public : « Notre mission, en tant qu’université, est d’enseigner, soutenir et aménager des espaces favorables à un dialogue constructif et une compréhension mutuelle. »

Quelques minutes plus tard, la discussion se lançait sur l’une des questions les plus brûlantes des universités américaines, à savoir si elles devaient désinvestir leurs fonds d’Israël.

« Un établissement d’enseignement supérieur ne devrait pas financer des crimes contre l’humanité », a déclaré au conseil une intervenante identifiée comme Lucia Santos Stern – qui s’est présentée comme une
« étudiante juive afro-caribéenne ».

Unique représentante juive des quatre orateurs de la coalition UMN Divest, Stern a tenu à rappeler que les « dirigeants des étudiants juifs anti-sionistes » devaient nécessairement prendre part aux discussions sur le désinvestissement. Des représentants de Hillel ont ensuite pris la parole.

Suite à la présentation de la coalition pour le désinvestissement, dans les rangs desquels se tenait un représentant de Students for Justice in Palestine, un membre de la direction les a remerciés « d’être venus, de leur courage et du travail accompli ».

La présidente du conseil d’administration, Janie Mayeron, leur a dit :
« Nous avons bien reçu le message. »

L’Université du Minnesota est, semble-t-il, le premier établissement universitaire américain à forte population juive à organiser un débat sur le désinvestissement, en réponse aux demandes des étudiants mécontents de la conduite militaire d’Israël contre le Hamas à Gaza. Ce débat fait rage un peu partout, au sein des rédactions des journaux étudiants comme lors des réunions des institutions étudiantes, et ce, depuis des années.

Dans le Minnesota, le débat a été porté devant l’institution investie du pouvoir de décision en la matière : les régents de l’école. Cette réunion est une sorte d’avant-goût de ce qui pourrait bientôt se passer dans d’autres établissements – ce qui inquiète les organisations juives traditionnelles.

« La capitulation de l’université envoie le message que les étudiants qui enfreignent les règlements de l’Université du Michigan, font l’apologie de la violence et bloquent le campus, sont récompensés par le temps que leur accordent les régents et les « réunions à venir » avec les services de la présidence », a fait savoir le Conseil des relations de la communauté juive du Minnesota et des deux Etats du Dakota dans une déclaration condamnant la décision du Minnesota.

« En revanche, les étudiants qui font face à l’antisémitisme sont supposés souffrir en silence, alors que leur université prend grand soin des militants qui diabolisent les Juifs et les Israéliens. »

Illustration– Un étudiant vêtu d’un gilet orange plie des tentes devant une pancarte disant « Campement de solidarité avec Gaza, désinvestissez maintenant ! » sur le campus de l’Université du Minnesota à Minneapolis, le jeudi 2 mai 2024. Plus tôt dans la journée, les responsables de l’Université du Minnesota ont annoncé un accord avec les manifestants pour mettre fin au campement sur le campus de Minneapolis. (AP Photo/Trisha Ahmed, fichier)

Le JCRC local a dit que les membres du campement étaient, pour l’essentiel, antisémites, les qualifiant de « pro-Hamas », ajoutant que l’université les laissait menacer les étudiants juifs en toute impunité. C’est ainsi que d’autres groupes juifs, à commencer par l’Anti-Defamation League et des organisations d’anciens étudiants juifs, parlent du mouvement anti-israélien et pro-palestinien. Ils ont demandé aux universités de ne pas conclure d’accords avec eux.

Pourtant, il y a eu un accord. La semaine passée, l’Université Brown et d’autres, parmi lesquelles Northwestern, Rutgers et, plus récemment, le Middlebury College et l’Université de Californie à Riverside, ont convaincu les organisateurs des campements de plier bagage sans heurts, en échange d’une forme de débat public ou d’examen de la question du désinvestissement, sans compter d’autres concessions.

À New York, le conseil d’administration de l’Union Theological Seminary, institution chrétienne progressiste affiliée à l’Université Columbia et située face au séminaire juif conservateur, a approuvé jeudi un plan de désinvestissement des « entreprises qui profitent de la guerre en Palestine/Israël » – une étape notable étant donné la position de Columbia à l’épicentre du mouvement de protestation étudiant.

Certains dirigeants universitaires ont malgré tout pris en compte les préoccupations juives : cette semaine, après avoir conclu un accord avec les manifestants, le président du Vassar College a envoyé un courriel privé à un groupe d’anciens élèves juifs pour leur assurer que le collège n’avait approuvé aucun mouvement de boycott d’Israël.

Des campagnes de désinvestissement ont déjà été couronnées de succès à l’étranger : le Trinity College de Dublin, en Irlande, a promis cette semaine aux organisateurs du campement de désinvestir des entreprises israéliennes, tandis que l’Université de Barcelone, en Espagne, a voté une demande de désinvestissement similaire.

L’accord du Minnesota est la première victoire – et la plus rapide – pour les manifestants étudiants des États-Unis. Brown a certes promis un vote formel sur la question, mais il n’aura pas lieu avant le mois d’octobre.

À Minneapolis, en revanche, les représentants étudiants de la coalition UMN Divest ont pu faire une présentation officielle lors de la réunion des régents de vendredi en échange du démantèlement pacifique de leur campement pro-palestinien sur le campus, la semaine dernière.

Si Brown entend voter sur la question, les régents du Minnesota n’ont pas réellement pris de décision sur la demande de désinvestissement faite vendredi et n’ont pas donné de date ferme pour le faire, le cas échéant.

Selon les documents officiels de l’Université du Minnesota, moins de 1 % de sa dotation est investie dans des sociétés liées à Israël.

Passer des accords avec les manifestants est l’une des nombreuses stratégies des autorités universitaires pour endiguer le mouvement des campements.

D’autres présidents d’université américains, dont Ben Sasse, l’ex-Sénateur républicain aujourd’hui à la tête de l’Université de Floride, ont écarté toute possibilité de négocier. À Harvard vendredi, les manifestants encore dans leurs campements auraient été placés en congé.

Une personne passe devant les tentes d’un campement étudiant anti-israélien et pro-palestinien à Harvard Yard, à l’Université Harvard à Cambridge, dans le Massachusetts, le jeudi 25 avril 2024. (Crédit : AP Photo/Ben Curtis)

Nombreux sont les établissements universitaires à avoir demandé aux forces de l’ordre locales d’intervenir, ce qui a conduit à plus de 2 500 arrestations à ce jour, dont neuf dans le campement du Minnesota avant l’accord. Des dizaines d’autres manifestants ont été arrêtés vendredi matin au Massachusetts Institute of Technology et à l’Université de Pennsylvanie, dont les campements ont tous deux été perquisitionnés par la police au moment où les régents de l’UMN se réunissaient (l’Alliance juive du MIT, un groupe d’anciens élèves formé après le 7 octobre, a salué ces arrestations dans une déclaration à la JTA).

Ces arrestations sont loin d’avoir fait l’unanimité en dehors de la communauté juive. Jeudi, l’auteur Colson Whitehead, lauréat du prix Pulitzer, a annoncé renoncer à son poste de conférencier lors de la cérémonie de remise des diplômes de l’Université du Massachusetts-Amherst en raison de ses objections à l’arrestation de manifestants sur le campus.

Les accords sont généralement présentés comme une tentative de régler le problème d’une manière pacifique. Pourtant, ceux qui concluent des accords font face à des représailles. Ainsi, le président juif de Northwestern, Michael Schill, a été cloué au pilori par les dirigeants communautaires juifs favorables au démantèlement des campements, y compris le chef de l’ADL, Jonathan Greenblatt, pour avoir conclu un accord sur le groupe de travail sur l’antisémitisme sur le campus de Schill, groupe dissous après que ses membres juifs se sont plaints de ne pas avoir été consultés.

La même critique s’est fait entendre dans le Minnesota, où les Juifs ont souligné que les membres des campements avaient inscrit des messages à la craie bien visibles disant notamment « Victoire au déluge d’Al-Aqsa » (le nom donné au massacre du 7 octobre par le Hamas) et « Mondialiser l’Intifada ».

Le JCRC a encouragé les partisans d’Israël à assister à la réunion de vendredi. Pour autant, lors de la période initiale de commentaires publics préalable aux présentations officielles, seuls les partisans du désinvestissement ont pris la parole – à commencer par des Juifs anti-sionistes revendiqués ou un membre du corps professoral ayant nié les viols commis par le Hamas lors de son attaque terroriste du 7 octobre, au cours de laquelle 1 200 personnes ont été massacrées et 252, prises en otage.

Jeff Ettinger, président par intérim de l’UMN, a déclaré lors de la réunion que les négociations avec le campement avaient été menées en bonne intelligence, « sur la base de l’écoute, de la compréhension et du respect, ce qui a permis une compréhension de part et d’autre ».

Il a ajouté avoir rencontré les dirigeants de quatre organisations juives du campus – Hillel, Chabad et les fraternités juives Alpha Epsilon Pi et Sigma Alpha Mu – avant de conclure : « Il y a encore beaucoup de travail » et de condamner à la fois l’antisémitisme et l’islamophobie qui règnent sur le campus.

Des représentants de ces organisations juives avaient dit à TC Jewfolk, site d’information juif local, leur déception suite aux réunions avec l’administration. Lors de la réunion avec les régents, les présentations en faveur du désinvestissement ont été immédiatement suivies par celles de deux dirigeants étudiants de Hillel. L’un d’eux, le nouveau président étudiant de Hillel, Charlie Mahoney, a dit au conseil d’administration :
« Investir dans les Israéliens et les Palestiniens peut être plus puissant que de désinvestir. »

Suite à la prise de parole de la coalition pour le désinvestissement, vendredi, les propos des dirigeants de Hillel ont surtout porté sur ce qu’ils ont qualifié d’ambiance « effrayante » pour les Juifs sur les campus et sur le fait, pour des organisations pro-palestiniennes, d’appeler au désinvestissement d’Israël tout en harcelant les étudiants juifs et en refusant toute forme de dialogue constructif.

« UMN Divest n’a fait que souffler sur les braises, sur notre campus, monter les groupes minoritaires et les amis les uns contre les autres et créer un environnement toxique et dangereux pour de nombreux étudiants », a déclaré Alex Stewart, l’actuelle présidente des étudiants de MN Hillel. Elle a ajouté que les étudiants juifs se sentaient « rejetés ».

« Nous n’avons pas voulu tout ça, avoir à nous battre », a déclaré Mahoney aux régents. « Nous n’avons pas souhaité d’avoir à défendre notre identité. Nous n’avons pas souhaité devoir expliquer la relation qui unit les Juifs à Israël et en quoi le fait de condamner Israël est antisémite. Pas plus que nous n’avons voulu donner à d’autres groupes sur le campus une raison supplémentaire de haïr ou de craindre les Juifs. »

Mayeron a rappelé au public que les régents ne prendraient aucune décision sur le désinvestissement ce jour-là, et continueraient à prendre l’avis d’autres « parties prenantes ».

Mais l’existence d’un débat formel sur la question est un pas de géant par rapport à la manière dont la plupart des universités américaines traitaient jusqu’alors les demandes de désinvestissement.

Et c’est loin d’être la seule question soulevée lors de la réunion qui préoccupe les Juifs. Immédiatement après les présentations sur le désinvestissement, les régents ont évoqué l’opportunité de rebaptiser un bâtiment universitaire portant le nom d’un antisémite, avant de reporter la décision en juin par le biais d’un vote formel.

« Nous gérons les problèmes avec passion », a déclaré Mayeron. « Mais toujours avec respect et civilité. »

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