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Fuyant la France, une famille juive africaine fait son alyah

Les Camara ont quitté la Côte-d’Ivoire déchirée par la guerre pour aller vivre en France mais ont rapidement dû lutter contre un antisémitisme largement répandu

La famille Camara à l'aéroport Ben Gurion (Crédit : JTA)
La famille Camara à l'aéroport Ben Gurion (Crédit : JTA)

JTA — Famille juive originaire en premier lieu de la Côte d’Ivoire, Amy et George Camara ainsi que leurs quatre enfants se sont sentis quelque peu à l’abri face à la résurgence de la violence antisémite en France.

Les Camaras, soulagés à l’idée de quitter leur pays africain déchiré par la guerre, se sont installés dans la ville de Lille, au nord de la France, en 2012. Parce qu’ils ne correspondent à aucun stéréotype juif, ils ont indiqué qu’ils avaient été en mesure de vivre en tant que juifs sans aucune crainte – malgré, ces dernières années, la hausse des attaques menées à l’encontre des Juifs français de la part d’une petite faction d’extrémistes musulmans.

Mais les Camara ont rapidement découvert qu’appartenir à la fois à la minorité juive et à la minorité africaine comportait son lot de défis à relever, explique Amy, 53 ans, fille d’un père ivoirien et d’une survivante juive française de l’Holocauste. Les difficultés ont amené la famille à refaire ses bagages et à quitter la France – pour Israël, le seul pays où cette famille juive affirme pouvoir vivre agréablement et conformément à son identité.

Pour la famille Camara, qu’Amy décrit comme “juive avec fierté mais pas trop pratiquante”, la vie en France n’était pas “vraiment agréable », dit-elle.

Précisément parce que personne, dans leur entourage immédiat, ne pouvait penser qu’ils étaient Juifs, “les gens, même les amis, pouvaient dire les mensonges les plus affreux concernant Israël et les Juifs en notre présence”, raconte Amy.

“Il n’y a pas eu un unique incident qui nous ait décidé à partir, c’est plutôt l’effet d’une accumulation”, ajoute-t-elle.

Mercredi, les Camara et leurs enfants – âgés de 25 ans, 22 ans et d’une paire de jumeaux de 15 ans – ont atterri à l’aéroport Ben Gurion à bord d’un vol organisé par l’Amicale Internationale des Chrétiens et des Juifs.

“L’ultime argument, c’est qu’Israël est le seul endroit où nous pouvons vivre en tant que Juifs de manière agréable, sûre et libre”, avait déclaré Amy à JTA avant d’émigrer, ou de faire son alyah, en Israël.

Ce confort et cette sécurité étaient primordiaux au vu du récit remarquable de survie de la mère d’Amy, Solange Shuster, âgée de 78 ans. Laissée à l’adoption lorsqu’elle était bébé par ses parents juifs français qui cherchaient à sauver sa vie des Nazis, elle a été le seul membre de sa famille immédiate à survivre à l’Holocauste. Elle a rencontré son mari ivoirien en France et est partie avec lui à Abidjan, la plus grande ville et le moteur économique de la Côte d’Ivoire, après son mariage en 1967. (Shuster vit dorénavant en France).

Amy Camara se remémore une enfance heureuse et sûre en Afrique où elle et George, pilote de ligne commercial, ont élevé leurs enfants en tant que Juifs. Mais les choses ont pris un mauvais tournant en 2002, lorsque la Côte d’Ivoire a connu sa première guerre civile. Lorsqu’un autre conflit armé a éclaté en 2011, les Camara ont décidé de quitter le pays en raison “d’une combinaison de facteurs qui signifiaient que nous ne serions plus en mesure de vivre en sécurité là-bas”, dit Amy.

Malheureusement, la famille Camara a choisi la mauvaise année pour partir en France.

En 2012, le meurtre par Mohammed Merah du rabbin Jonathan Sandler et deux de ses enfants, Gabriel, 3 ans, et Aryeh, 6 ans ainsi qu’une autre petite fille de 8 ans, Myriam Monsonégo en mars 2012 à l’école Ozar HaTorah de Toulouse, a conduit à ce que le président de la conférence des rabbins européens, Pinchas Goldschmidt, a appelé une “vague de meurtres djihadistes et autres attaques” qui ont eu un impact profond sur le sentiment de sécurité d’un grand nombre des 500 000 Juifs vivant en France.

Cercueils des victimes de l'école juive Ozer Hatorah, lors de l'enterrement à Jérusalem (Crédit : Uri Lenz/Flash 90)
Cercueils des victimes de l’école juive Ozer Hatorah, lors de l’enterrement à Jérusalem (Crédit : Uri Lenz/Flash 90)

Dans un contexte d’agressions répétées contre des cibles juives – les islamistes français ont tué 12 Juifs en France et en Belgique lors de trois attentats majeurs depuis 2012 – environ 20 000 Juifs ont quitté la France pour Israël, dont presque 8 000 en 2015 seulement. Ce chiffre, un record, représente plus de quatre fois le nombre de Juifs français arrivés en 2011.

L’alyah depuis la France a ralenti cette année, avec seulement quelque 4 000 Juifs qui sont partis vivre en Israël dans les dix premiers mois de 2016.

Natan Sharansky, président de l’Agence Juive, attribue cette baisse à “certaines améliorations de la situation sécuritaire” dues à la réponse robuste des autorités françaises aux attaques antisémites.

Mercredi, les Camara sont arrivés en Israël dans un vol qui transportait environ 50 Juifs qui faisaient leur alyah.

Selon Yechiel Eckstein, fondateur et président de l’Amicale Internationale des Chrétiens et des Juifs, l’histoire de la famille Camara est « particulière et vient se tisser dans le récit de la nation juive depuis l’Holocauste jusqu’à la renaissance, venant s’achever en Israël », a-t-il expliqué.

La journée qui a précédé l’arrivée des Camaras, le groupe a fait venir approximativement 300 Juifs d’Ukraine en Israël, dont des réfugiés de l’est détenu par les rebelles. L’organisation d’Eckstein a pris en charge plus de 40 000 personnes venues s’installer en Israël depuis qu’elle a commencé à organiser l’alyah, il y a deux ans.

En Israël, Amy et George prévoient de s’installer à Ashkelon, une ville côtière accueillant environ 6 000 Juifs éthiopiens – la septième ville du pays en termes de membres appartenant à cette communauté.

Tandis qu’Amy a entendu certaines plaintes de la part de Juifs éthiopiens concernant des discriminations en Israël en raison de la couleur de leur peau, elle est optimiste sur le fait qu’elle ne rencontrera pas de racisme au sein de l’Etat juif.

« Je pense que cela dépend beaucoup de votre perception de vous-même en tant que victime”, dit-elle. « Je ne me suis jamais sentie exclue par une communauté juive, sépharade ou ashkénaze, alors je m’attends à m’intégrer facilement en Israël, si Dieu le veut ».

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