GB: une ministre fustige un groupe juif qui critique sa politique d’immigration
Suella Braverman met en garde le Board of Deputies contre les dérives partisanes lors de l'annonce d'un nouveau financement pour la sécurité

Une ministre britannique a fustigé un groupe juif mercredi alors qu’elle annonçait une augmentation des fonds publics pour la protection des institutions juives, suite aux critiques de cette même organisation à l’égard de la politique d’immigration de son parti.
La ministre britannique de l’intérieur, Suella Braverman, s’en est pris au Board of Deputies of British Jews (Conseil des députés des juifs britanniques), une organisation représentant plusieurs organes communautaires, pour sa déclaration du 9 mars dans laquelle elle partageait ses « inquiétudes sérieuses » concernant le projet de loi du gouvernement sur l’immigration clandestine, qui propose de durcir considérablement les règles actuelles en matière d’immigration clandestine, et soulignait qu’il pourrait enfreindre diverses conventions relatives aux droits humains.
La déclaration du groupe a suscité un échange atypique qui souligne les tensions croissantes entre le Conseil, largement considéré comme étant d’orientation politique libérale, et le gouvernement dirigé par le parti conservateur de droite. Elle a également suscité des critiques de la part de Juifs qui partagent les réserves de Braverman sur ce qu’ils décrivent comme de la partisanerie et des abus de pouvoir du Board.
S’exprimant à l’occasion de l’événement annuel de collecte de fonds du Community Security Trust (CST), l’organisme principal de protection de la communauté juive britannique, Mme Braverman, dont le mari est juif, a annoncé une subvention gouvernementale de 1,2 million de dollars pour répondre aux besoins de sécurité de la communauté juive et la création d’une équipe spéciale chargée de lutter contre les crimes antisémites.
Mais Braverman, membre éminent du parti conservateur au pouvoir et fille de parents indiens ayant immigré d’Afrique en Grande-Bretagne, a également déclaré que « présenter des positions politiques contestées comme reflétant la position d’une communauté entière est une recette pour la division communautaire ».
En ce qui concerne l’immigration, les « divergences d’opinion au sein de la communauté » se situent « le long des lignes conventionnelles de la gauche ou de la droite », a-t-elle ajouté. Les organisations communales, a-t-elle ajouté, « doivent aller au-delà des clivages politiques si elles veulent légitimement continuer à être représentatives de leurs communautés diverses ».
La présidente du Board of Deputies, Marie van der Zyl, a réagi jeudi en justifiant le communiqué du Conseil du 9 mars. Elle a écrit qu’il était « évident que le projet de loi soit important pour les Juifs britanniques », une référence subtile au fait que la plupart des Juifs britanniques descendent de personnes qui ont fui l’Europe continentale lors de périodes d’antisémitisme meurtrier, violent ou institutionnel.
Mme van der Zyl a remercié le gouvernement pour l’augmentation des fonds mais a regretté « le fait que cette annonce a été faite en même temps que les critiques clairement dirigées contre notre organisation ».
Nous serons parfois amenés à « exprimer notre inquiétude », écrit van der Zyl. « Nous avons la chance de vivre dans un pays doté d’un système politique où il est possible de le faire. »
Le Jewish Labour Movement (Mouvement travailliste juif), une organisation importante au sein dudit parti de gauche, a pris la défense du Board of Deputies, qualifiant, dans une déclaration, les propos de Braveman comme « dépassant la chutzpah ». Les Juifs du Royaume Uni « possèdent des connaissances approfondies en matière d’immigration. Le Board a eu raison de partager ses préoccupations quant à l’impact de la politique gouvernementale sur les demandeurs d’asile. Suella Braverman ferait bien de l’écouter ».
Gabriel Kanter-Webber, rabbin à la synagogue progressiste de Brighton et Hove, a défendu le Board et critiqué le Community Security Trust pour avoir invité Braverman à s’exprimer en premier lieu. « La politique de Braverman est si fondamentalement incompatible avec les valeurs juives qu’aucun espace juif ne devrait lui offrir une tribune, jamais, en aucune circonstance », a-t-il écrit sur Facebook.
D’autres militants de la communauté juive ainsi qu’au moins une organisation communautaire se sont rangés du côté de Braverman.
« Elle a tout à fait raison », a écrit Gary Mond, président de la National Jewish Assembly, un groupe nouvellement fondé qui critique ce qu’il perçoit comme l’esprit partisan du Board of Deputies, à propos de la ministre. « Pour le Board, ou toute autre organisation communautaire juive, prendre une position politique partisane sur une question qui ne concerne pas la communauté juive d’ici et d’aujourd’hui, est une recette évidente pour diviser la communauté juive de ce pays ».
Jonathan Hoffman, militant pro-israélien et ancien membre du conseil d’administration, a écrit sur Facebook : « Le Conseil a agi de manière inconstitutionnelle. La politique d’immigration du Royaume-Uni n’est pas de son ressort ».
Lance Forman, un Juif londonien qui, avant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, avait été législateur au Parlement européen pour le parti de droite du Brexit, a déclaré : « Le Board pense pouvoir exprimer les opinions de gauche de ses dirigeants. Il ne devrait pas. »