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Analyse

Israël absent à la CIJ : ses défenseurs soutiennent que « l’occupation » n’est pas illégale

Les experts soutiennent que les refus des Palestiniens d'accepter les différents plans de paix et de répondre aux inquiétudes sécuritaires d'Israël justifient le contrôle dans les Territoires

Jeremy Sharon

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Riyad al-Maliki, s'adressant à la Cour internationale de justice (CIJ) lors des audiences publiques sur la demande d'avis consultatif concernant les "Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans les Territoires palestiniens occupés, dont Jérusalem-Est", à La Haye, du 19 au 26 février 2024. (Crédit : Cour internationale de justice)
Le ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Riyad al-Maliki, s'adressant à la Cour internationale de justice (CIJ) lors des audiences publiques sur la demande d'avis consultatif concernant les "Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans les Territoires palestiniens occupés, dont Jérusalem-Est", à La Haye, du 19 au 26 février 2024. (Crédit : Cour internationale de justice)

La décision d’Israël de ne pas envoyer de délégation à la Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye, cette semaine pour se défendre contre les allégations d’illégalité de « sa domination de 56 ans sur la Cisjordanie et Jérusalem-Est » a eu pour conséquence que les accusations portées à son encontre n’ont pratiquement pas été contestées.

Au cours de la séance de trois heures qui s’est tenue lundi à la Cour, sept représentants des Palestiniens ont affirmé que le contrôle d’Israël sur la Cisjordanie et Jérusalem-Est était illégal et ont accusé le pays d’une litanie de crimes odieux, dont « le colonialisme, le nettoyage ethnique, l’apartheid et le génocide ».

Des accusations similaires ont été portées contre Israël par la délégation sud-africaine devant le tribunal mardi.

La position de Jérusalem est que l’avis consultatif de la CIJ demandé par l’Assemblée générale des Nations unies est illégitime puisque de nombreuses résolutions de l’ONU, ainsi que des accords bilatéraux israélo-palestiniens, ont établi que le cadre correct pour résoudre le conflit devrait être politique, et non juridique.

En outre, d’éminents juristes et organisations internationales ont présenté des arguments contre la position palestinienne.

L’un d’entre eux a défendu Israël en affirmant que seuls les traités bilatéraux entre Israël et les Palestiniens devaient servir de cadre à la résolution du conflit. Une autre a souligné que le rejet par les dirigeants palestiniens d’accords de paix globaux avait conduit au contrôle à long-terme d’Israël dans les Territoires palestiniens.

La Cour internationale de justice (CIJ) tenant des audiences publiques sur la demande d’avis consultatif concernant les « Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans les Territoires occupés » dont Jérusalem-Est, à la Cour internationale de justice, à La Haye, du 19 au 26 février 2024. (Crédit : Cour internationale de justice)

Au cœur des arguments avancés contre le contrôle israélien dans les Territoires palestiniens : celui-ci serait illégal en raison de sa pérennité, alors qu’il aurait dû s’agir d’un arrangement provisoire en vertu du droit international.

Israël a pris le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est – qui comprend la Vieille Ville et ses lieux saints – au détriment de la Jordanie lors de la Guerre des Six Jours en 1967. Par la suite, Israël a annexé Jérusalem-Est, ce qui n’est pas reconnu internationalement, mais n’a pas fait de même avec la Cisjordanie.

Lundi, représentant les Palestiniens, l’avocat international Paul Reichler a affirmé que l’établissement par Israël de quartiers juifs à Jérusalem-Est et de centaines d’implantations et d’avant-postes en Cisjordanie – qu’il a décrits comme ayant été « implantés » avec 700 000 Israéliens – témoignait de la pérennité de « l’occupation » présumée.

Il a ajouté à cela des déclarations de hauts responsables politiques israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ainsi que des engagements du gouvernement actuel, exprimant soit le désir d’annexer légalement tout ou partie des Territoires, soit l’intention de ne jamais renoncer à les contrôler.

L’affirmation d’un contrôle permanent sur ces territoires de cette manière viole le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force, a noté Reichler.

Mais les conventions de La Haye de 1907 et de Genève de 1949, qui traitent entre autres du droit de l’occupation, n’exigent pas qu’une force d’occupation se retire avant la conclusion d’un traité, a écrit le professeur Orde Kittrie dans le blog « Articles of War » du Liebler Institute de West Point.

Kittrie a souligné que les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’ONU avaient créé le cadre juridique de « l’échange de territoires contre la paix » sur lequel se sont fondés les traités ultérieurs, notamment les Accords d’Oslo, et ont appelé au retrait israélien des territoires contestés uniquement dans le cadre de « l’établissement d’une paix juste et durable », y compris « le respect et la reconnaissance » du « droit d’Israël à vivre en paix (…) à l’abri de menaces ou d’actes de force ».

Ce point a également été soulevé dans une soumission à la CIJ déposée la semaine dernière par l’Association internationale des avocats et juristes juifs (IAJLJ), qui a souligné que le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale de l’ONU ont « réitéré à de multiples reprises leur soutien aux accords bilatéraux existants en tant que cadre juridique applicable pour le règlement du conflit israélo-palestinien et la détermination du statut souverain du territoire en litige ».

La poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, accompagnés de Bill Clinton, après la signature des Accords d’Oslo, le 13 septembre 1993. (Crédit : Vince Musi/The White House/Wikimedia commons)

La soumission présentée par Israël à la CIJ allait dans le même sens, notant que la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale des Nations unies sur la légalité du régime militaire israélien ne tenait pas compte de « l’existence même des accords israélo-palestiniens, en vertu desquels les deux parties ont accepté de résoudre, par des négociations directes, précisément la question soumise à la Cour, et notamment des questions telles que le statut permanent du territoire, les arrangements en matière de sécurité, les implantations et les frontières ».

Dans son argumentation, Israël affirme également que les tentatives de mettre fin au conflit, et par extension à son régime militaire, ont été « sabordées par les rejets répétés, par les dirigeants palestiniens eux-mêmes, d’offres de grande portée pour le règlement du conflit et la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël ».

Le document israélien cite des déclarations de l’ancien président américain Bill Clinton, de l’ancienne secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice et de l’ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis, le prince Bandar ben Sultan, accusant les Palestiniens de ne pas parvenir à un accord avec Israël et de mettre ainsi un terme au contrôle israélien dans les Territoires.

« Les accords conclus dans le cadre d’Oslo sont toujours en vigueur et définissent la situation juridique entre les parties jusqu’à ce qu’un accord final ait été conclu », a ajouté l’IAJLJ dans sa soumission.

Anne Herzberg, conseillère juridique de l’organisation NGO Monitor, qui a contribué à la formulation de cette soumission, a fait valoir que la demande d’avis consultatif auprès de la CIJ était une tentative des Palestiniens de se soustraire à leurs responsabilités en vertu des traités signés avec Israël.

« Plutôt que de s’engager dans un compromis politique, ils espèrent trouver une solution miracle pour qu’Israël se retire des Territoires, sans qu’ils aient besoin de faire des compromis », a-t-elle déclaré.

Dans son argumentation, Israël a également souligné qu’une question clé dans le processus de résolution du conflit avec les Palestiniens était la nécessité de répondre aux préoccupations d’Israël en matière de sécurité, ce que l’intervention de la Cour permettrait de contourner.

La demande d’avis consultatif de la CIJ ne reconnaît pas « le principe bien établi – inscrit depuis longtemps dans les accords bilatéraux israélo-palestiniens » selon lequel une résolution du conflit doit « répondre efficacement aux préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité », a insisté Israël dans sa soumission.

La scène d’un attentat terroriste à Raanana (à droite), et la résidente de Raanana Edna Bluestein, 79 ans, tuée dans l’attentat, le 15 janvier 2024. (Crédit : Magen David Adom/Capture d’écran ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Le pays a également affirmé que l’Autorité palestinienne (AP) ne cherchait pas seulement à éviter de répondre à ces craintes, mais qu’elle les exacerbait avec sa politique de « rémunération des assassinats » par laquelle le budget de l’AP est utilisé pour « soutenir financièrement et récompenser les terroristes en fonction du nombre d’Israéliens qu’ils ont assassinés ».

S’adressant au Times of Israel, Kittrie a souligné qu’en 2005, Israël s’était retiré unilatéralement de la bande de Gaza – qui avait été prise séparément à l’Égypte, un autre adversaire lors de la Guerre des Six Jours – et que les atrocités du 7 octobre, 18 ans plus tard, « soulignaient le risque grave et permanent d’un retrait unilatéral d’Israël de la Cisjordanie ».

Il a affirmé que plaider pour un retrait israélien des Territoires sans que ses préoccupations en matière de sécurité soient prises en compte reviendrait à « affirmer qu’Israël n’a pas le droit à l’autodéfense » et que les résolutions 242 et 338 stipulent « qu’Israël n’a pas besoin de se retirer tant qu’il n’a pas reçu de garanties de sécurité fiables de la part des Palestiniens ».

Le professeur Eyal Gross, spécialiste du droit international à l’Université de Tel Aviv, a reconnu qu’il n’existait pas de strict calendrier pour ce qui est considéré comme une « occupation illégale », mais a néanmoins soutenu qu’elle devait être de nature temporaire, ce qui, selon lui, repose sur les principes de l’inadmissibilité de l’acquisition de terres par la force et, dans le cas palestinien, sur le droit à l’autodétermination d’un peuple qui ne peut être refusé de manière permanente.

Gross, comme Reichler lundi au tribunal, a rappelé le document de principes directeurs de la coalition gouvernementale israélienne, qui déclare que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de la Terre d’Israël », y compris « la Judée et la Samarie », le terme biblique utilisé par certains Israéliens pour désigner la Cisjordanie.

« Lorsque vous créez autant de colonies, il est très difficile d’inverser l’occupation ; et vous n’indiquez pas qu’elle est temporaire, vous indiquez que vous voulez contrôler le territoire indéfiniment », a déclaré Gross au Times of Israel.

« Établir des colonies, encourager les gens à s’y installer, leur donner des motivations pour le faire (…) est la politique explicite du gouvernement, et elle figure dans les accords de coalition », a-t-il ajouté.

Selon Gross, s’il est vrai que, tant que l’annexion n’est pas officiellement déclarée, la situation peut être inversée, la nature indéfinie du contrôle israélien sur les Territoires est en soi problématique.

Un chantier de construction de nouveaux logements dans l’implantation de Givat Zeev en Cisjordanie, le 18 juin 2023. (Crédit : Ohad Zwigenberg/AP Photo/Dossier)

L’application du droit israélien aux Israéliens vivant en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et le grand nombre d’Israéliens qui y résident pourraient même, comme l’a soutenu la délégation palestinienne, être considérés comme une forme d’annexion de facto, a ajouté Gross.

Kittrie a toutefois souligné qu’Israël n’avait pas encore formellement annexé la Cisjordanie et a déclaré que les citations de ministres israéliens et les citations de documents gouvernementaux avaient été choisies avec soin et ne pouvaient être utilisées pour établir l’adoption d’une politique qui n’a pas encore été mise en œuvre.

Comme la délégation palestinienne l’a clairement indiqué lundi, le contrôle d’Israël sur la Cisjordanie depuis un demi-siècle a engendré de nombreux problèmes graves pour la population palestinienne qui y vit.

Mais comme l’ont affirmé les défenseurs d’Israël, il existe également des arguments de poids pour affirmer qu’Israël n’est pas le seul à porter la responsabilité du maintien prolongé de son régime militaire, qu’il s’agisse de la réalité politique du conflit ou des inquiétudes bien fondées du pays en matière de sécurité.

Tout avis consultatif rendu par la CIJ au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale des Nations unies ne sera pas contraignant, ce qui est l’une des principales raisons de la décision d’Israël de ne pas envoyer de délégation aux audiences.

Mais cela signifie également que ses positions sur l’essence du débat juridique à la CIJ recevront probablement moins d’attention et de considération dans la formulation d’une décision qui pourrait avoir un impact significatif sur la position internationale d’Israël, même si elle n’aurait aucun poids juridique formel.

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