« L’apartheid » d’Israël contre les Palestiniens pire qu’en Afrique du Sud, accuse Pretoria
La CIJ tient cette semaine des audiences sur les conséquences juridiques de la présence israélienne en Cisjordanie depuis 1967
Les pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens sont une forme « encore plus extrême » de l’apartheid qu’a connu l’Afrique du Sud avant 1994, a déclaré Pretoria mardi devant la plus haute juridiction de ONU.
« En tant que Sud-Africains, nous sentons, voyons, entendons et ressentons au plus profond de nous-mêmes les politiques et pratiques discriminatoires inhumaines du régime israélien comme une forme encore plus extrême de l’apartheid institutionnalisé contre les Noirs dans mon pays », a déclaré Vusimuzi Madonsela, ambassadeur de l’Afrique du Sud aux Pays-Bas.
La Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, tient cette semaine des audiences sur les conséquences juridiques de la présence israélienne en Cisjordanie depuis 1967, avec un nombre inédit de 52 pays appelés à témoigner.
« Il est clair que l’occupation illégale d’Israël est également administrée en violation du crime de l’apartheid (…) elle ne se distingue pas du colonialisme », a poursuivi M. Madonsela .
« L’apartheid d’Israël doit cesser », a-t-il ajouté, soulignant que l’Afrique du Sud a une « obligation particulière » de dénoncer l’apartheid partout où il se produit et de veiller à ce qu’on « y mette un terme immédiat ».
Ces audiences interviennent dans un contexte de pression juridique internationale croissante sur Israël à propos de la guerre à Gaza déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre.
Elles sont distinctes d’une affaire portée auprès de la CIJ par l’Afrique du Sud, qui accuse Israël de commettre des actes génocidaires à Gaza. La cour doit encore se prononcer sur ce point, mais a appelé le 26 janvier Israël à prévenir tout éventuel acte de génocide. Elle n’a pas évoqué de cessez-le-feu.
Selon M. Madonsela, « la réticence de la communauté internationale à tenir Israël responsable de ses politiques et pratiques et son incapacité à garantir le retrait immédiat, inconditionnel et total des troupes israéliennes et la fin immédiate de l’occupation israélienne et de l’apartheid en Palestine (…) encourage Israël à franchir un nouveau seuil, à savoir commettre le crime des crimes, le génocide ».
Israël ne participe pas aux audiences mais a appelé la Cour à rejeter la demande d’avis dans une contribution écrite datée du 24 juillet 2023.
« Mépris total »
Le 31 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ un « avis consultatif » non contraignant sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ».
Cela concerne « l’occupation prolongée » du territoire palestinien depuis 1967.
Elle doit aussi examiner les mesures « visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ».
Israël a pris le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est après avoir vaincu l’armée jordanienne pendant la guerre des Six jours, en 1967, maintenant son contrôle depuis sur ces territoires. L L’État juif a construit et il a élargi des implantations dans la région – des implantations qui comptent aujourd’hui 500 000 résidents en Cisjordanie seulement et approximativement 230 000 Israéliens qui vivent dans les quartiers juifs de Jérusalem-Est.
« L’interdiction de l’apartheid et de la discrimination raciale est (…) un impératif du droit international » contraignant pour tous les Etats, y compris Israël, a déclaré Pieter Andreas Stemmet, avocat de l’Afrique du Sud.
« Le mépris total d’Israël et le manque de respect pour ces principes fait que l’occupation est intrinsèquement et fondamentalement illégale », a-t-il ajouté.
Les audiences ont débuté lundi avec trois heures de témoignages de responsables palestiniens, qui ont accusé Israël de diriger un système de « colonialisme et d’apartheid ».
Un porte-parole du ministère israélienne des Affaires étrangères a dénoncé l’audience de lundi après sa conclusion, alléguant que l’Autorité palestinienne « essayait de transformer un conflit qui devrait être résolu par des négociations directes et sans impositions extérieures en un processus juridique unilatéral et inapproprié ».
La CIJ statue sur les différends entre Etats et ses arrêts sont contraignants, bien qu’elle ne dispose que de peu de moyens pour les faire appliquer.
Toutefois, dans le cas présent, l’avis qu’elle rendra ne sera pas contraignant. Mais la plupart des avis consultatifs sont en fait suivis d’effet.