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Israël : Indépendants et PME – en grandes difficultés – exigent l’aide de l’État

Un demi-million d'indépendants et de propriétaires de petites entreprises ont le sentiment que l'État ne les soutient pas suffisamment pendant la crise

Des auto-entrepreneurs israéliens propriétaires de petites entreprises participent à une manifestation afin de demander une aide financière au gouvernement israélien devant le parlement israélien à Jérusalem, le 19 avril 2020. (Yonatan Sindel/Flash90)
Des auto-entrepreneurs israéliens propriétaires de petites entreprises participent à une manifestation afin de demander une aide financière au gouvernement israélien devant le parlement israélien à Jérusalem, le 19 avril 2020. (Yonatan Sindel/Flash90)

Alors que tous les propriétaires de petits entreprises et indépendants en Israël n’ont pas craqué en direct devant des caméras de télévision, en émouvant aux larmes l’équipe de tournage et en ayant ensuite l’opportunité d’exprimer leurs doléances lors d’une conversation téléphonique avec le Premier ministre, la plupart ont une bonne raison de se sentir tristes, inquiets ou désespérés, et abandonnés par leur gouvernement.

De nombreux coiffeurs, guides touristiques, propriétaires de boutiques, photographes et travailleurs indépendants en tous genres ont le sentiment que l’État les a abandonnés alors qu’ils ont besoin d’aide, après la fermeture de l’économie entraînée par la pandémie de coronavirus.

Pour attirer l’attention sur leur situation très précaire, ils ont décidé de descendre dans la rue, de bloquer la circulation et de mettre le feu à des pneus, demandant au gouvernement de les aider à traverser la crise.

« Le gouvernement est complètement déconnecté de l’ampleur de la crise qui secoue le secteur des petits commerces », a dénoncé Roee Cohen, le président de la Fédération israélienne des petites entreprises, lors d’une récente réunion de la commission des Finances de la Knesset. Le ministère des Finances entraîne Israël vers une « catastrophe économique sans précédent », a-t-il accusé. De nombreuses familles ne pourront plus se nourrir.

Des auto-entrepreneurs et des propriétaires de crèche participent à une manifestation afin de demander une aide financière au gouvernement israélien devant le parlement israélien à Jérusalem, le 19 avril 2020. (Yonatan Sindel / Flash90)

Les données publiées par CofaceBdi Ltd., qui collecte des données économiques sur les entreprises en Israël, tirent la sonnette d’alarme. La crise du coronavirus pourrait bien faire disparaître 25 000 entreprises en Israël d’ici la fin de l’année – un bond de 50 % des fermetures d’entreprises, passant de 40 000 à 45 000 en moyenne les années précédentes à quelque 65 000 cette année.

Yuval Carmi, propriétaire d’un magasin de falafel à Ashdod, montre son portefeuille vide, le 19 avril 2020 (Capture d’écran : Treizième chaîne)

Les premiers commerces à être touchés opèrent dans les secteurs de la restauration, du tourisme, de l’aviation, du transport et du divertissement, a indiqué CofaceBdi dans un communiqué. Dans une deuxième vague, les agences immobilières seront aussi touchées, puisque les consommateurs n’auront pas d’argent à dépenser, le chômage restera élevé, et les gens seront en défaut de paiements.

Depuis que le gouvernement a commencé à mettre en place des restrictions de mouvement, qui imposent à presque chaque Israélien de rester chez eux sauf pour des activités essentielles, le taux de chômage a grimpé en flèche. D’environ 4 % début mars, il a atteint les 26,5 % à la mi-avril, avec actuellement 1 093 465 de chômeurs.

Les petites entreprises et les indépendants « ne représentent pas la majorité des travailleurs, mais constituent un élément important de l’économie », a souligné Daphna Aviram Nitzan, directrice du Centre pour la gouvernance et l’économie à l’Institut israélien de la démocratie (IDI), un groupe de réflexion. « Ils sont un moteur de croissance ».

Des magasins et des restaurants fermés à Tel Aviv, le 15 mars 2020. (Miriam Alster/FLASH90)

Israël compte environ 530 000 indépendants et dirigeants de PME, contre environ 3,8 millions de travailleurs salariés, selon les données fournies par la Fédération des petites entreprises et l’IDI.

Ces indépendants ne bénéficient pas des mêmes avantages de protection sociale dont bénéficient automatiquement les employés salariés s’ils perdent leurs emplois, comme dans le cas de l’épidémie de coronavirus, a expliqué Aviram Nitzan au Times of Israël. « Les indépendants n’ont pas de filet de sécurité ».

Tandis que leurs entreprises ont dû cesser leurs activités à cause du confinement, leurs propriétaires doivent tout de même continuer à payer le loyer, les taxes et impôts municipaux et rembourser les prêts contractés pour des équipements.

Image d’illustration d’une femme chez l’esthéticienne. (Lacheev; iStock par Getty Images)

Ilana, une esthéticienne de Ramat HaSharon qui travaille depuis son domicile, a vu ses revenus décliner jusqu’à presque zéro depuis l’épidémie de coronavirus, ses clients ayant cessé de venir. Elle a expliqué avoir de la chance parce qu’elle travaille depuis chez elle. Mais Ilana doit néanmoins débourser des milliers de shekels, car elle a acheté des crèmes et des lotions en avance. Elle doit également payer ses charges sociales, et effectuer ses premiers versements d’impôts qui sont toujours calculés sur la base des revenus de l’année dernière, explique-t-elle.

Ilana s’inquiète de la capacité de son activité à repartir, même après l’assouplissement du confinement. « Quand les gens n’ont pas d’argent, les dépenses pour le bien-être sont la première chose qu’ils réduisent », redoute-t-elle.

Une étude menée par l’IDI sur la situation des indépendants et des employés salariés montre que la grande majorité des indépendants (90 %) s’attend à une diminution de leurs revenus en mars-avril, et 43 % s’attendent à n’avoir aucun revenu du tout. L’étude a été menée entre le 29 mars et le 2 avril sur un échantillon représentatif d’employés en Israël.

La plupart des personnes interrogées dans l’enquête (81 % des employés et 91 % des indépendants) ont des dépenses fixes qu’ils doivent rembourser chaque mois, en plus des dépenses courantes. Environ un tiers (34 %) a contracté un prêt auprès d’une banque ou d’un autre organisme financier, environ un quart (25 %) détient un crédit immobilier, 17 % paient un loyer et 5 % doivent de l’argent à un proche.

Roee Cohen, le président de la Fédération israélienne des petites entreprises. (Dror Sithakol)

Et pourtant, le gouvernement ne monte pas au créneau. L’aide qui a été proposée à ces entreprises était tardive et trop faible, a affirmé la Fédération des petites entreprises.

« Le gouvernement abandonne » à leur sort les indépendants et les propriétaires de petites entreprises, s’est indigné Roee Cohen, le président de la Fédération, lors d’un entretien téléphonique. La crise a révélé à quel point cette partie de la population active n’est pas suffisamment soutenue.

Les indépendants se plaignent depuis longtemps du traitement que leur réserve l’État et le fisc, qui leur prélèvent d’importantes sommes sur leurs revenus, mais ne fournissent aucun des filets de sécurité dont bénéficient les employés salariés.

La nation a été prise « au dépourvu », d’après Roee Cohen. Aucun plan n’était prévu pour cette partie importante de la population.

Des travailleurs indépendants israéliens participent à une manifestation pour réclamer une aide financière au gouvernement israélien devant le Parlement israélien à Jérusalem, le 19 avril 2020. (Yonatan Sindel / Flash90)

Plus tôt ce mois, le gouvernement a approuvé des aides d’urgences pour les indépendants israéliens dont l’activité a été affectée par l’épidémie.

Des aides pouvant aller jusqu’à 6 000 shekels (1 560 euros) ont été attribuées aux entreprises qui ont enregistré une baisse d’au moins 25 % de leur activité depuis le début de la crise en Israël et mars, comparée à la même période de l’année dernière.

Pour les entreprises qui ont commencé leurs activités après mars 2019, la somme sera calculée sur leur revenu mensuel moyen jusqu’à la crise. Les entreprises doivent avoir été en activité entre le 1er septembre 2019 et le 29 février 2020.

Pourtant, l’aide ne s’applique qu’aux personnes dont le revenu mensuel moyen est supérieur à 2 000 shekels (520 euros) et inférieur à 20 000 shekels (5 200 euros). Il faut également avoir plus de 20 ans.

Les travailleurs ayant un revenu imposable de plus de 240 000 shekels (62 500 euros) en 2018, et un revenu imposable de 340 000 shekels (88 600 euros) avec leur conjoint, ne sont pas non plus éligibles à l’aide.

L’esthéticienne Ilana a indiqué avoir fait une demande en ligne d’aide au gouvernement et qu’elle l’a obtenue « en l’espace de quelques jours ».

Gruyère

Il a fallu au gouvernement trois semaines avant qu’il ne propose le plan d’aide, a souligné Cohen de la Fédération des petites entreprises. Et même alors, le plan était « ridicule et rempli de trou, comme du gruyère ». Il y avait beaucoup trop de pré-requis et cela excluait toute une série d’employés – comme les employés salariés qui contrôlent les parts d’une entreprise – qui sont aussi dans le besoin.

Des personnes font leurs courses au marché Mahane Yehuda à Jérusalem, el 16 avril 2020. (Photo par Yonatan Sindel/Flash90)

« Ils ont laissé autour de 150 000 personnes sans la moindre réponse », déplore Roee Cohen, alors que la fédération a appelé les gens à descendre dans la rue.

Leurs cris de détresse ont partiellement été entendus. Le ministère des Finances a accepté d’augmenter l’aide à 10 500 shekels pour avril, les critères d’éligibilité ont été élargis aux personnes ayant un revenu imposable d’un million de shekels, et l’aide n’est plus conditionnée aux revenus du conjoint. La question des salariés étant actionnaires majoritaires d’entreprises a également été résolue, souligne Roee Cohen.

Dans le même temps, un fonds contre le coronavirus de 8 milliards de shekels – a été réservé pour les petites et moyennes entreprises et appuyé par des garanties gouvernementales – s’est révélé être un « gros coup de bluff », s’est indigné Roee Cohen. En effet, les banques refusent des prêts aux entreprises qui sont à haut risque – comme les restaurants, les bars et les salles d’événements – parce qu’elles seront probablement autorisées à rouvrir bien plus tard. Sur environ 40 000 demandes déposées auprès du fond, à peine 1 000 ont été approuvées, indique-t-il. Mardi soir, la Douzième chaîne a annoncé que le nombre de demandes était passé à
41 000, et que seules 1 900 demandes avaient été approuvées.

Tôt dimanche, le cabinet a approuvé un léger assouplissement des règles qui ont conduit l’économie à un arrêt presque total. Pourtant, les commerces qualifiés de non-essentiels, comme ceux liés à la culture (alors que tout le monde lit, écoute de la musique et regarde des films ou des séries en ce temps de confinement), la mode, les services esthétiques mais aussi les centres commerciaux, pourraient encore devoir attendre longtemps avant de pouvoir relancer leur activité. Des analystes ont prédit que ces commerces seront parmi les derniers à être autorisés à rouvrir quel que soit le plan de sortie du confinement.

Illustration de consommation dans un bar (Aleksandar Karanov; iStock par Getty Images)

Nimrod, âgé de 30 ans, est le propriétaire de sept bars dans le centre du pays habituellement pleins à craquer. Ils ont complètement fermé depuis le début de l’épidémie, et ses revenus ont chuté à zéro, a-t-il expliqué lors d’un entretien téléphonique. Il vit avec sa femme et sa fille d’un an.

Ses 200 employés – barmen, plongeurs, cuisiniers – sont aujourd’hui en congé sans solde, a-t-il expliqué. Avec son partenaire commercial, ils paient encore les charges fixes de milliers de shekels de loyers, des taxes municipales, d’internet, d’électricité entre autres coûts.

« On nous a dit que nous pourrions avoir une réduction des taxes municipales, mais entre-temps nous avons dû les payer pour mars et avril, et une des municipalités nous a dit qu’il n’y aurait pas de réduction », a-t-il fait savoir.

Nimrod a demandé une aide du gouvernement, mais il n’a toujours pas reçu de réponse. Dans tous les cas, l’aide ne pourra pas beaucoup l’aider à régler ses difficultés financières, a-t-il dit.

Les deux partenaires commerciaux ont contracté des petits prêts à travers leurs cartes de crédit. Pourtant, quand ils ont contacté leur banquier pour obtenir un prêt garanti par le gouvernement, il leur a dit qu’ils n’étaient pas éligibles, car leur activité était considérée comme étant trop risquée.

« C’est clair que nous serons parmi les derniers à reprendre le travail. Je ne sais pas comment cela va se passer, mais entre-temps, toute la saison estivale sera passée ».

La Fédération des petites entreprises a appelé le gouvernement à compenser les entreprises en fonction de leur chute d’activité, comme cela a été le cas pendant les deux guerres – la Deuxième Guerre du Liban et le conflit de 2014 entre Israël et Gaza (l’Opération Bordure protectrice). La Fédération demande aussi une annulation temporaire des taxes municipales et des versements de charges sociales. La Fédération a réclamé plus de prêt et de meilleures conditions de crédit.

Le timing est crucial

Sans aide adaptée du gouvernement, a prévenu Roee Cohen, des pans entiers de l’économie vont probablement s’effondrer. Une aide adéquate permettrait aux petites entreprises de rester à flot et de reprendre progressivement le travail, a-t-il ajouté.

« Quand l’économie reprendra, il y aura encore des commerces » debout, a-t-il dit. « Si aucune aide n’est donnée maintenant, il n’y aura personne au retour. Il n’y aura plus personne pour compenser ».

Roee Cohen appelle le gouvernement à relancer une plus grande partie de l’économie, en autorisant par exemple les salles de sport et de fitness à rouvrir progressivement, les salles de réceptions à accueillir un nombre limité de clients et les crèches à reprendre le travail.

Pour faire baisser le chômage, toute aide gouvernementale doit surtout concerner les entreprises qui ré-embauchent des employés qui ont été licenciés, a déclaré Aviram Nitzan de l’IDI, en faisant particulièrement référence aux plus grandes entreprises. Le gouvernement doit alléger le fardeau des taxes et des loyers, et rendre les « prêts coronavirus » plus accessibles.

« Ce n’est pas le moment d’être si prudents, c’est la pire crise que nous ayons jamais connue », a souligné Aviram Nitzan. « Le gouvernement ne comprend pas assez vite la nécessité de fournir cette aide. Le timing est crucial ; c’est ce qui fera la différence entre garder une entreprise en vie après la crise et la faillite de l’entreprise. C’est du tout ou rien, il n’y a pas de place pour des demi-mesures ».

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