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Portrait

Keir Starmer, l’homme qui a ramené le Labour au pouvoir, écarté Corbyn et lutté contre l’antisémitisme

Marié depuis 2007 à une ancienne juriste et employée dans le service public de santé aux racines juives, le nouveau Premier ministre espère poursuivre la tradition familiale de ne plus travailler après 18H00 le vendredi

Illustration : Le leader du parti travailliste britannique, Keir Starmer, salue ses partisans lors d'une étape de la campagne électorale dans un pub près de Milton Keynes, en Angleterre, le 1er juillet 2024. (Crédit : AP/Kin Cheung)
Illustration : Le leader du parti travailliste britannique, Keir Starmer, salue ses partisans lors d'une étape de la campagne électorale dans un pub près de Milton Keynes, en Angleterre, le 1er juillet 2024. (Crédit : AP/Kin Cheung)

Peu charismatique mais déterminé: le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer va devoir s’atteler à satisfaire un pays assoiffé de changement, après avoir totalement remanié le parti travailliste pour le ramener au pouvoir au Royaume-Uni.

Avant les élections, cet ancien avocat spécialisé dans les droits humains de 61 ans, élu au Parlement britannique depuis seulement neuf ans, assurait qu’être le chef de l’opposition était « le travail le plus frustrant qu’il ait jamais fait » et qu’il était impatient de gouverner.

Et depuis qu’il est arrivé en 2020 à la tête du Labour, après la déroute électorale de 2019, il n’a pas dévié d’un iota dans sa stratégie de conquête du pouvoir.

S’attelant à redresser et recentrer un parti travailliste affaibli par son prédécesseur, Jeremy Corbyn, aux idées très à gauche, il écarte sans trembler ceux qui en interne ne partagent pas sa vision, et s’évertue à refermer le chapitre des accusations de complaisance envers l’antisémitisme qui ont miné le parti.

Durant la campagne, il a promis de remettre la politique « au service du public » et de placer « le pays en premier, le parti en second », après les scandales ayant émaillé les gouvernements conservateurs ces dernières années.

Mais pour beaucoup de Britanniques, Keir Starmer reste une énigme politique. Ses adversaires pointent ses fréquents changements de position et le manque de clarté de son programme.

Jeremy Corbyn, (à gauche), est assis à côté de Keir Starmer lors de l’événement de campagne électorale sur Brexit à Harlow, en Angleterre, le 5 novembre 2019. (AP Photo/Matt Dunham)

Pourquoi cet ancien avocat reconnu, ex-directeur du parquet général d’Angleterre et du Pays de Galles a-t-il choisi de s’investir en politique sur le tard ?

Au journaliste Tom Baldwin, auteur d’une biographie, il explique n’avoir plus supporté la politique d’austérité des conservateurs.

« Il voulait arriver au pouvoir et changer vraiment les lois, plutôt que simplement les appliquer », affirme M. Baldwin dans un podcast du Guardian.

Socialiste pro-entreprises

En 2015, il se fait élire pour la première fois député d’une circonscription du centre-nord de Londres.

Malgré ses différends avec Jeremy Corbyn, Keir Starmer monte en grade et devient le porte-parole du parti sur le Brexit. Lui-même avait voté pour rester dans l’UE.

Rongeant son frein, ce joueur assidu de football et supporter d’Arsenal, affronte chaque semaine au Parlement les Premiers ministres conservateurs: Boris Johnson, Liz Truss, et enfin Rishi Sunak.

Son ton précis de juriste alimente son image un brin austère et peu charismatique. Un sentiment accentué durant la campagne, où il s’est montré plus prudent qu’enthousiasmant, mais a su capitaliser sur le rejet des conservateurs.

Même s’il se revendique « socialiste », son programme de gouvernement « pro-entreprises » prône le sérieux budgétaire en période de contrainte financière. Tout en promettant de réparer les services publics.

« Il considère que l’Etat doit être un facilitateur et qu’il doit être là comme filet de sécurité », analyse le professeur de sciences politiques Tim Bale, qui y voit l’influence de son histoire familiale.

Origines modestes

Né le 2 septembre 1962, Keir Rodney Starmer a grandi dans la périphérie de Londres avec un frère et deux soeurs, un père distant et une mère atteinte d’une maladie articulaire rare qui l’a handicapée pendant des années.

« Mon père était outilleur et ma mère infirmière », répète-t-il dans une phrase devenu un « gimmick » moqué de sa campagne.

« Je sais ce que c’est que d’avoir du mal à payer les factures », a-t-il aussi souvent dit, au moment où le pays subissait une inflation à deux chiffres.

Le leader du parti travailliste britannique Keir Starmer prononçant un discours lors d’un événement de campagne à la veille des élections générales britanniques, à Glasgow, le 3 juillet 2024. (Crédit : Crédit : Andy Buchanan/AFP)

Flutiste, violoniste – il a pris des cours avec Norman Cook, célèbre sous le nom de Fatboy Slim – il étudie dans une « grammar school », ces établissements publics réservés aux meilleurs élèves.

Après des études de droit à Leeds puis Oxford, Keir Starmer entre dans un cabinet spécialisé dans les droits humains, défend des syndicats, des militants écologistes contre McDonald’s, et combat la peine de mort dans les Caraïbes.

En 2003, premier virage, il accepte un poste officiel contribuant à reconstruire les services de police en Irlande du Nord après les Troubles, avant de prendre en 2008 la tête du parquet d’Angleterre et du Pays de Galles.

Keir Starmer, que ses parents ont nommé en hommage au fondateur du Labour, Keir Hardie, a été anobli en 2014 par la reine Elizabeth II.

Il est marié depuis 2007 à Victoria Starmer, née Alexander, fille d’un père comptable d’origine juive polonaise et d’une mère médecin. Ancienne juriste, elle est désormais employée dans le service public de santé. Le couple a deux enfants adolescents, et le nouveau Premier ministre espère poursuivre à Downing Street la tradition familiale de ne plus travailler après 18H00 le vendredi pour passer du temps en famille.

Si le Premier ministre se dit non croyant, Victoria s’efforce de transmettre la tradition juive à leurs enfants, en fréquentant avec eux la synagogue et en organisant des dîners de shabbat le vendredi soir.

L’avocat Gavin Millar, un ami qui a travaillé avec lui, le décrit comme « très minutieux, très travailleur ».

A Downing Street, « il sera aussi très attaché à certaines valeurs fondamentales auxquelles il a toujours cru : l’égalité, les droits humains, la justice sociale, la réduction de l’écart entre les riches et les pauvres », assure-t-il à l’AFP.

Dans un pays divisé, le plus dur reste à faire pour celui qui a affirmé vouloir que l’on se souvienne de lui comme de « quelqu’un qui a mené un gouvernement travailliste audacieux et réformateur ».

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