La chaleur torride est de plus en plus la norme en Israël – étude de 1964 à 2020
Les graphiques compilés par le docteur Gil David montrent - de façon effrayante - la manière dont il fait de plus en plus chaud en Israël sur des périodes de plus en plus longues
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Alors qu’Israël étouffe sous une chaleur prolongée, avec une sécheresse qui, une fois encore, attise les feux de broussailles, le docteur Gil David, passionné des chiffres, souligne l’envergure d’un phénomène où les journées torrides, dans le pays, deviennent dorénavant la nouvelle normalité.
David est un scientifique spécialiste des données. Il est aussi chercheur pour le blog Data Science Storytelling qui présente des textes, des graphiques et des diagrammes sur de vastes et nombreux sujets – parmi lesquels le changement climatique.
David a publié lundi un graphique montrant le nombre annuel de jours de « vague de chaleur » entre 1964 et 2020.
Il a défini une « vague de chaleur » comme une anomalie de température locale pendant au moins trois à quatre jours marqués par une température maximale dépassant le seuil – le seuil étant le 90e centile des températures maximales dans la période de base (qui dure normalement au moins 30 ans).
Le graphique montre une hausse inexorable du nombre de journées marquées par une vague de chaleur au fil des décennies.
Un autre graphique, qui a été présenté par David lundi lors d’une réunion de l’Administration chargée de la préparation du pays au changement climatique et qui dépend du ministère de la Protection environnementale, indique le nombre de jours dans une année où la température a dépassé les 30 degrés à Tel Aviv entre 1964 et 2019.
Entre 1964 et 1971, la ville du centre du pays avait été touchée par des températures dépassant les trente degrés de 11 à 22 jours par an. Avec toutefois des exceptions : 34 jours en 1966 ; 39 en 1968 et 35 en 1970.
Entre 2005 et 2010, les chiffres s’envolent en passant de 15 à 23 par an, avec un record de 53 jours en 2010.
Et ces dernières années, cette tendance s’est encore accélérée, avec 90 jours en 2016, 81 en 2017, 98 en 2019 et 88 en 2019.
Les températures nocturnes s’élèvent également, selon les données accumulées par David.
Les températures minimales enregistrées entre 1964 et 2020 à Beit Dagan, dans le centre d’Israël – où est installé le service israélien de la météorologie – montrent que le nombre de nuits dont les températures minimales dépassent les 24 % a connu une augmentation exponentielle.
Nir Stav, directeur général des services israéliens de météorologie, confie au Times of Israel que la longue période de températures très chaudes actuellement vécue par le pays et dans l’Est de la Méditerranée tout entier est due à un phénomène appelé blocage anti-cyclonique.
Le comportement des vents en haute-altitude – les courants d’air qui balaient le monde d’Ouest en Est, qui sont parallèles aux latitudes – change graduellement et les scientifiques pensent que c’est une conséquence du réchauffement mondial induit par les activités humaines, explique-t-il.
A partir des courants principalement Ouest-Est, avec certaines ondulations par moment – les courants d’air en haute altitude deviennent plus sinueux, comme peut l’être une rivière, combinant une direction Ouest-Est avec une direction plus Nord-Sud ou Sud-Nord.
Ce sont ces brefs courant d’air Nord-Sud en haute-altitude qui transfèrent l’air entre les latitudes.
Quelquefois, ces vents en ondulation créent une forme que les experts en météorologie appellent une omega en raison de la ressemblance de ses contours avec la lettre grecque.
Ces structures omega restent statiques pendant plusieurs jours, ce qui amène des épisodes météorologiques considérés a priori comme anormaux à durer dans le temps.
Dans le cas de la vague de chaleur qui touche actuellement Israël, l’air chaud de l’Afrique est passé en haute-altitude et vers le Nord, se refroidissant au cours de ce processus, avant de se bloquer dans l’Est de la Méditerranée. Pendant sa descente vers le sol, l’air subit une pression atmosphérique de plus en plus forte qui le compresse et le réchauffe.
C’est ce même phénomène qui est à l’origine de la chaleur étouffante qui a touché une grande partie de la côte Ouest du Canada et le Nord des États-Unis, continue Stav.
Tandis que la météo, dans la partie en forme de fer à cheval de l’omega, se caractérise par de hautes pressions et entraîne de la chaleur, les parties adjacentes se distinguent pour leur part par de basses pressions et un temps plus froid. Une chaleur anormale le long de la côte Ouest américaine peut donc coexister avec une fraîcheur anormale au centre du continent, ce qui explique une partie du temps glacial qui a sévi il y a plusieurs mois dans certains états, comme le Texas.
Stav compare le réchauffement de l’air descendant vers le sol à l’action d’un climatiseur : En restant à côté du dispositif, on ressentira la chaleur qui résulte de la compression du gaz dans la machine, continue-t-il.