La coalition convient de limiter la loi sur le réexamen judiciaire du gouvernement
Levin et Rothman auraient accepté la demande de Netanyahu de réduire la portée de la législation concernant l'interdiction de l'usage de la notion juridique de "raisonnabilité"
Les principaux artisans du plan de refonte du système judiciaire israélien ont accepté, dimanche, de promouvoir une législation qui interdirait l’usage de la notion juridique de « raisonnabilité » dans le réexamen judiciaire des décisions et des actions entreprises par le gouvernement seulement. L’interdiction ne concernerait plus les autorités locales.
Le ministre de la Justice Yariv Levin et le président de la commission de la Constitution, du droit et de la justice Simcha Rothman — les deux principaux artisans du plan de refonte du système de la justice israélien – se sont entendus sur une révision à la baisse de la portée du projet de loi original, qui aurait interdit le réexamen, par les juges, des décisions prises par les autorités à l’aune du critère de « raisonnabilité. »
Selon des informations concordantes qui sont parues dans plusieurs médias à la fois – ce qui laisse généralement penser à une fuite d’informations coordonnée – Levin ne souhaitait pas réduire la portée de la législation mais il a finalement cédé au Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui lui demandait « d’assouplir » son langage. Des sources issues de la coalition ont confirmé dimanche soir au Times of Israel que le gouvernement avait l’intention de présenter à la Knesset cette version révisée.
Levin avait juré, vendredi, qu’il n’avait nullement l’intention de renoncer à son désir de faire adopter le projet de refonte du système judiciaire israélien dans sa totalité, affirmant aux partisans qui étaient réunis aux abords de son domicile que cette adoption « dépend de notre cohésion et de notre détermination, que ce soit dans le public ou dans les rangs de la Knesset. »
La législation révisée devrait faire l’objet d’un débat pendant la prochaine réunion de la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice, cette semaine, et elle devrait être présentée en première lecture à la Knesset dès la semaine prochaine. Le texte est le tout premier élément du projet de refonte judiciaire que la coalition présentera au vote après avoir relancé l’ensemble du plan, le mois dernier, suite à des mois de négociations entre l’opposition et la coalition qui avaient finalement échoué – des pourparlers qui visaient alors à trouver un compromis. Les différentes législations avaient été gelées pour permettre le déroulement des discussions.
La coalition s’est engagée à faire adopter le projet de loi sur la « raisonnabilité » d’ici la fin de la session actuelle du parlement, qui sera en congé à la fin du mois de juillet.
Mais le changement survenu dans le texte ne devrait pas apaiser les critiques qui pensent que les tribunaux doivent pouvoir conserver l’outil de la « raisonnabilité », en particulier lorsque les magistrats se prononcent sur les nominations politiques – comme la Haute-cour l’avait fait lorsqu’elle avait écarté Aryeh Deri, le chef du parti ultra-orthodoxe du Shas, au début de l’année, en statuant que sa nomination à des postes ministériels était « déraisonnable à l’extrême » en raison de ses condamnations multiples passées et du fait qu’il avait donné l’impression aux juges, l’année dernière, qu’il mettait un point final à sa carrière politique dans le cadre d’une négociation de peine.
La formation Yesh Atid, dans l’opposition, a écrit dimanche sur Twitter que « le seul adoucissement décelable dans la loi, c’est celui qui est constaté dans l’épine dorsale d’un Premier ministre faible et racketté qui, encore une fois, a cédé au gang démentiel de Levin ». La faction a accusé le gouvernement de présenter la législation « de manière unilatérale, en continuant à écraser l’économie et la sécurité tout en fragmentant la société israélienne ».
La semaine dernière, le Bureau de la procureure-générale avait fustigé le texte, disant qu’il avançait une « mesure très extrême » qui « nuira gravement aux valeurs démocratiques fondamentales ».
Gil Limon, vice-procureur-général adjoint chargé des affaires législatives, avait exprimé l’opposition de son bureau aux membres de la Commission de la Constitution, du droit et de la justice, lundi dernier.
Limon avait indiqué que la notion juridique de « raisonnabilité » était le principal outil à la disposition du secteur public pour assurer la transparence de la prise de décision gouvernementale et que sans cet outil, « des décisions arbitraires » pourront être « inoculées » sans possibilité de les contrôler.
« Ce que nous avons en face de nous, c’est le feu vert donné au gouvernement, au Premier ministre, aux ministres et autres responsables élus – à eux seulement – en faveur de prises de décision arbitraires qui ignoreront les faits pertinents, les considérations nécessaires ou qui donneront un poids très exagéré à des considérations par ailleurs négligeables », avait accusé Limon.
« Notre opinion est que cette loi, si elle est adoptée, fera disparaître une protection importante qui garantit que le gouvernement agit de manière juste et sans être arbitraire à l’égard des individus. Ce qui portera gravement atteinte aux valeurs démocratiques – comme la nécessité d’un comportement approprié, celle de la pureté morale du service public, de l’état de droit à l’origine de la confiance indispensable du public dans le système », avait-il ajouté.
L’ancien président de la Cour suprême Aharon Barak – un critique fervent du projet de refonte du système de la justice israélien – avait indiqué, le mois dernier, qu’il réfléchirait à la possibilité de limiter l’usage, par les magistrats, de la notion juridique de « raisonnabilité » dans le cadre du réexamen des décisions et des actions gouvernementales devant la Cour.
« Nous ne devons pas faire de compromis sur des choses centrales mais sur les autres, alors nous devons discuter à la résidence du président pour trouver une porte de sortie », avait dit Barak, qui est considéré comme étant la personnalité – saluée ou honnie, selon les points de vue – qui avait initié la révolution judiciaire, dans les années 1990, qui avait renforcé le contrôle des politiques et des législations gouvernementales par les juges.
Barak avait ajouté qu’il était prêt à accepter des restrictions sur l’utilisation de la « raisonnabilité » si, avait-il ajouté, le reste du plan de refonte du système judiciaire était abandonné.
Carrie Keller-Lynn et Michael Bachner ont contribué à cet article.