La procureure du Michigan suggère qu’un groupe juif l’a incitée à abandonner les poursuites contre des manifestants anti-Israël
Dana Nessel, qui est juive, affirme que l'affaire a été compromise par une lettre du Jewish Community Relations Council d'Ann Arbor qui la défendait contre des allégations de partialité en raison de sa judéité

JTA – Contre toute attente, la procureure générale du Michigan, Dana Nessel, a abandonné les poursuites contre sept étudiants protestataires pro-palestiniens, suggérant qu’une déclaration inappropriée d’un groupe juif a motivé sa décision.
Nessel avait entamé des poursuites en septembre contre les manifestants, qui avaient participé au campement de l’université du Michigan en mai dernier. Ils étaient accusés d’obstruction à la police et d’intrusion.
Les critiques, dont la représentante palestinienne-américaine du Michigan Rashida Tlaib, ont déclaré que Nessel avait porté l’affaire pour des raisons de « parti pris ». Nessel, qui est juive, a répondu que les affirmations de Tlaib étaient « antisémites et erronées », mais les critiques ont persisté. Le mois dernier, les avocats de certains des accusés ont demandé à Nessel de se récuser.
» Nous pensons que le parti pris ou l’apparence de parti pris suffit à justifier une récusation parce que le public doit avoir confiance dans le fait que les procureurs agissent dans le meilleur intérêt de la justice et traitent les individus de manière équitable », a déclaré l’un des avocats de la défense, Jamil Khuja, selon le journal Michigan Public.
Le Jewish Community Relations Council (JCRC) d’Ann Arbor a tenté de réfuter ces accusations en publiant une déclaration de soutien à Nessel vendredi dernier.
Si la récusation aboutissait, « ce serait la première fois qu’un procureur serait empêché de poursuivre une affaire en raison d’une perception de partialité liée à sa foi religieuse », indique le communiqué du JCRC, qui est une branche de la fédération juive locale. » L’idée que la procureure générale Nessel a des préjugés contre les musulmans et les Américains d’origine arabe est infondée et profondément offensante ».
Si cette déclaration visait à encourager la poursuite de l’affaire, elle semble avoir eu l’effet inverse.

Lundi, Nessel a déclaré dans un communiqué qu’elle avait porté les bonnes accusations, « et qu’elle pensait, sur la base des preuves, qu’un jury raisonnable aurait jugé les accusés coupables des crimes allégués ». Mais elle a également déclaré que l’affaire avait engendré une « atmosphère digne d’un cirque » et qu’elle ne pensait pas que la poursuite de l’affaire constituerait « une utilisation prudente des ressources de mon département ».
Elle a laissé entendre que la déclaration du JCRC était l’une des raisons pour lesquelles elle abandonnait les poursuites.
« La demande de récusation a été une tactique de diversion qui n’a servi qu’à retarder davantage la procédure », a-t-elle déclaré. « Et maintenant, nous avons appris qu’une déclaration publique d’une organisation locale à but non lucratif en faveur de mon bureau a été directement communiquée à la Cour. »
« L’irrégularité de cette action nous a conduits à prendre la décision difficile d’abandonner les poursuites », a-t-elle ajouté.
Bien que Nessel n’ait pas nommé directement le JCRC ou la fédération juive, la directrice générale de la fédération, Eileen Freed, pense que Nessel faisait référence à son groupe. Elle a qualifié les retombées de la déclaration de « malentendu » et a déclaré qu’une erreur logistique pourrait être à l’origine de l’abandon de l’affaire.
Freed a déclaré qu’elle pensait que Nessel aurait été au courant de la publication de la déclaration. La fédération a également envoyé la déclaration au tribunal à titre d’information. Mais il se peut qu’elle ait été envoyée à la mauvaise personne, a déclaré Freed.
« La déclaration publique était destinée à être partagée avec le responsable de l’information publique du tribunal et non avec un administrateur du tribunal, et n’était pas destinée à être transformée en document officiel du tribunal », a-t-elle déclaré dans une interview.
Elle a ajouté qu’elle ne savait pas à quel titre le tribunal avait pris connaissance du document, mais pense « que le fait qu’il ait été mal interprété de cette manière a créé un malentendu qui aurait peut-être continué à nuire à l’affaire ».
Freed a déclaré que son organisation n’avait pas eu de nouvelles du bureau de Nessel depuis cette déclaration. Elle a déclaré qu’elle discutait maintenant de la question avec son conseil d’administration et « clarifiait notre intention, qui n’était pas de communiquer avec le juge ni d’influencer le tribunal ».

Conséquence de cette chaîne d’évènements : sept manifestants poursuivis au niveau de l’État ont échappé à toute sanction, alors même que l’administration Trump a réprimé l’activisme pro-palestinien sur les campus dans tout le pays – et peu après que des agents fédéraux ont perquisitionné des maisons dans le Michigan dans le cadre d’une enquête sur des actes de vandalisme pro-palestiniens.
L’une des accusées, Samantha Lewis, a parlé d’un « grand jour » et a pris une photo tout sourire avec ses coaccusés au palais de justice, selon le Detroit Free Press.
Tlaib s’est également réjouie de l’issue du procès. Elle a tweeté : « Bonne nouvelle pour les communautés étudiantes de nos universités ! Nos droits au premier amendement ne devraient jamais être criminalisés. S’exprimer contre un génocide devrait être valorisé, et non pas frappé par des accusations criminelles. Les Palestiniens méritent la sécurité et la
dignité. »
Mais Freed dit qu’elle ne regrette pas d’avoir fait cette déclaration pour la défense de Nessel – même si elle aurait souhaité que les étudiants soient poursuivis en justice.
« Je regrette que les circonstances les aient amenés à abandonner l’affaire, mais je ne regrette pas que nous ayons fait cette déclaration », a-t-elle déclaré. « Je pense que c’était important. Personne d’autre n’a parlé d’un précédent potentiellement dangereux consistant à retirer quelqu’un de l’affaire en raison de son identité. »