La ville antique d’Israël où la politique a négligé le patrimoine historique
Après un demi-siècle à ergoter sur les héritiers du site, Israël et les Palestiniens ont tous deux ignoré le joyau historique de Sebastia

L’Autorité palestinienne a construit l’installation du Centre d’interprétation de l’Autorité palestinienne du site archéologique de Sebastia il y a deux ans pour informer les visiteurs au sujet de la ville antique de Sebastia, après que l’Autorité israélienne de la Nature et des Parcs a fermé ses opérations quotidiennes sur le site.
Mais, outre une brochure et quelques bonbons peu attrayants, le Centre d’interprétation a peu à offrir. Les chaises toutes neuves en peluche du théâtre de 40 places sont encore enveloppées dans leur emballage en plastique.
L’Autorité palestinienne n’a pas répondu aux demandes de renseignements sur le coût du centre mais le Fonds de développement du Millénaire des Nations Unies, qui participe au financement, a fait don de 132 000 dollars.
« Vous pouvez apprendre l’histoire de toute la région en visitant l’endroit parce que tous les puissants qui ont traversé la région depuis l’époque des Égyptiens y sont passés, » avait expliqué à l’AP il y a quelques années Carla Benelli, une historienne de l’art travaillant à Sebastia.
Les caractéristiques de Sebastia concernent 10 périodes différentes, à partir de l’âge du fer jusqu’à l’époque moderne. « De ce point de vue, le site est vraiment très important ».
Le feuilleton de préservation et de mise en valeur de l’ancienne Sebastia est une véritable saga d’erreurs, qui ne pourrait que se produire que dans la Cisjordanie profonde. Israël contrôle le parc contenant les monuments conservés, qui est dans la zone C, mais ne s’en est jamais occupé.
Les Palestiniens disent qu’ils veulent contrôler l’endroit, mais manquent de ressources pour le développer. Et, alors que les deux parties revendiquent le site comme leur patrimoine culturel exclusif, il se trouve négligé, sous-développé, non excavé.
Les restes d’une gloire passée
Sebastia est situé à quelques kilomètres au nord-ouest de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Connue en hébreu sous son nom biblique de Shomron, la ville était la capitale du royaume israélite du Nord au cours des 9e et 8e siècles avant JC, fondée par le sixième roi d’Israël, Omri.
Des fragments de maisons, des murs et un palais de l’âge du fer sont encore visibles. Après sa destruction par les Assyriens en 721 avant notre ère, la ville est devenue la capitale provinciale de la région conquise. Selon les Grecs, elle a prospéré à nouveau, mais a été détruite par le gouvernant des Hasmonéens, Jean Hyrcan. Puis son fils Alexandre Jannaeaus a reconstruit la ville et l’a repeuplée avec les Juifs.
À l’époque romaine, le roi Hérode l’a rebaptisée d’après Auguste César : Sébaste est Augustus en grec. À son apogée, Sebastia était une ville et un important entrepôt ; les vestiges de son théâtre romain, du temple, du palais, du forum, de l’hippodrome et du marché sont encore visibles aujourd’hui.
Dans les siècles de son long déclin, Sebastia était un site chrétien majeur, comme on peut le voir grâce aux ruines d’une église byzantine dédiée à saint Jean-Baptiste, où la légende dit qu’il a été exécuté et où sa tête a été enterrée.
Une cathédrale croisée transformée en mosquée se trouve encore dans le village palestinien moderne à proximité, un vestige de l’ancienne gloire de la ville des croisés qui partage le même nom.

Sebastia est également une place importante dans l’histoire de l’archéologie. La première fouille archéologique entièrement américaine en Palestine ottomane a été menée à Sebastia par une équipe parrainée par Harvard en 1908.
C’est à cette occasion que George Reisner a développé une technique désormais devenue standard dans l’archéologie : l’étude de la matière non-architecturale – débris humains et géologiques – qui est devenue commune et à travers laquelle les chercheurs peuvent déchiffrer des aspects disparus de l’histoire d’un site.

Des perspectives différentes
La brochure du ministère de l’Autorité palestinienne dédiée au Tourisme et aux Antiquités évite toute mention d’Israël et toute connexion juive avec le site.
Il note simplement que Sebastia était « une capitale administrative et politique régionale importante au cours de l’Age du Fer II et III » et était « un grand centre urbain au cours de la période hellénistique », mais ne fait aucune référence au Royaume d’Israël ou aux Hasmonéens.
Une description palestinienne de Sebastia, dans la candidature pour voir le site référencé au patrimoine mondial de l’UNESCO, va même jusqu’à omettre les références à l’histoire juive de la ville, se référant à cette dernière comme l’ancienne capitale « du royaume du Nord pendant l’Âge du Fer II » et faisant allusion à des personnalités juives telles que Omri et Jean Hyrcan sans explication.
Mais de l’autre bord, le site internet de l’Autorité de la Nature et des Parcs ne fait aucune référence au village, qui abrite 3 000 Palestiniens, et l’église devenue mosquée est située, à l’église Saint-Jean-Baptiste située dans les ruines, ou à l’ancienne présence des Croisés à Sebastia.
La dernière fouille archéologique a eu lieu en 1967
Zeid, un guide palestinien du village de 23 ans, déclare que malgré la position officielle de l’Autorité palestinienne, les habitants n’ont pas de problème avec l’héritage juif de Sebastia. « C’est l’histoire de la région, » explique-t-il.
Malgré l’importance historique de Sebastia, le site a à peine été fouillé. La dernière fouille archéologique a eu lieu en 1967, quand la Cisjordanie était encore sous contrôle jordanien. Depuis lors, seules des opérations de sauvetage ont eu lieu. Le parc national est tristement négligé. Il n’y a pas de clôture pour protéger les vestiges, les mauvaises herbes poussent partout, et jonchent les ruines antiques.
Des graffitis ont été barbouillés sur les piliers romains de la basilique qui a perdu de sa superbe ; une proclamation musulmane « Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah » – marque le linteau de l’Église orthodoxe orientale de Saint-Jean-Baptiste, et une étoile de David est griffonnée sur le sol. Le forum romain est un parking pour les quelques bus qui continuent encore d’apporter leur lot de touristes.
Hananya Hizmi, un représentant de l’équipe archéologique de l’Administration civile en Cisjordanie, affirme que les fouilles du site sont habituellement menées par des institutions universitaires, et non par les autorités gouvernementales.
« Depuis 67, la raison pour laquelle il n’y a pas eu de fouilles est qu’il n’y a pas eu de demande formulée par des institutions académiques, » soutient-il.
Il rejette la question du vol des antiquités à Sebastia qui est un problème régional et national, et assure que le département des antiquités de l’Administration civile travaille pour protéger et maintenir le site.
« En ce qui nous concerne, nous mettons tout en œuvre pour la préservation des sites », a déclaré Hizmi.
« Au cours des dernières années, nous avons vraiment fouillé et commencé à travailler pour la préservation, la restauration et le pavage des sentiers, et ce sera le cas cette année et l’année prochaine ».
En dehors des limites
Les visites sur le site par les touristes israéliens sont limitées – même si l’endroit est situé dans la zone C, la section de la Cisjordanie contrôlée par Israël. Le village de Sebastia est à l’intérieur des zones A et B sous contrôle palestinien.
L’Autorité de la Nature et des Parcs met en garde sur son site Internet : « En raison de la situation sécuritaire, le site est fermé aux visiteurs jusqu’à nouvel ordre, sauf par arrangement préalable pendant les jours intermédiaires de Pessah et Souccot ».
Les bus transportant des touristes israéliens sont escortés par des jeeps de Tsahal. Un porte-parole de l’Administration civile a déclaré que de telles précautions extrêmes sont nécessaires parce que les habitants palestiniens jettent des pierres, et parfois des cocktails Molotov sur des véhicules israéliens.

Les résidents de Sebastia disent que les altercations avec les Israéliens de l’implantation voisine de Shavei Shomron sont rares. Néanmoins, Zeid, 23 ans, affirme qu’il ne veut pas voir des touristes israéliens sur le site : « Dans les deux heures, ils pourraient me tuer ».
Mohammad, propriétaire de la boutique de souvenirs Holy Land Sun qui jouxte le site archéologique, dit cependant qu’il regrette les jours pré-accords d’Oslo, quand les touristes israéliens affluaient à Sebastia, rendant ses affaires florissantes.
Il se souvient en tirant sur sa pipe à eau : « Avant la première Intifada, un samedi, vous ne pouviez pas trouver une place pour garer votre voiture ». Maintenant, seuls 10 autobus de visiteurs viennent chaque mois, surtout des pèlerins chrétiens venus prier à l’église en ruine, raconte-t-il. Alors que nous discutons, trois bus d’enfants palestiniens se sont garés sur le parking et une jeep de Tsahal a rugi, tourné au ralenti pendant quelques instants, puis est repartie.

« Les affaires se portaient mieux avant l’AP, » tranche Mohammad, ajoutant qu’il aimerait que les touristes israéliens reviennent, mais sans l’escorte de l’armée.
« Nous n’avons pas de problème avec les civils israéliens ; nous avons un problème avec les colons. Les colons, nous les haïssons du fond de nos cœurs de Palestiniens, de notre naissance à notre mort, car ils prennent nos terres, et ils sont le problème, » affirme-t-il.
Autour d’une tasse de thé sur la place principale du village, autour de laquelle une douzaine de jeunes hommes sans emploi se prélassent à l’ombre, Zeid assure que le développement du parc national aiderait à relancer l’économie en berne du village de Sebastia en créant « plus d’emplois, peut-être un hôtel, un meilleur service touristique, plus de restaurants ».
Pour le moment, cependant, le site archéologique de Sebastia reste largement hors de portée, son histoire palpitante étant à la fois contestée et négligée.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel